Une petite phrase révolutionnaire, par Oliver Brax (Le Monde diplomatique, décembre 2025)


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Ange Arthur Koua. — « Progression », 2023

© Ange Arthur Koua – Courtesy Galerie Olivier Waltman, Paris, Miami

Il y a des formules miraculeuses, évidentes, axiomes de tout élan révolutionnaire. « We have it in our power to begin the world over again » est de celles-là. Nous la devons à Thomas Paine. Né à Thetford en Grande-Bretagne, en 1737, naturalisé américain et français, il fut l’ami des deux grandes révolutions de la fin du XVIIIe siècle. Il avait gagné l’Amérique en 1774. Établi à Philadelphie, il y rédigea le pamphlet dont est issue cette phrase. Le Sens commun, publié en 1776 — au moment où les déclarations belliqueuses du roi d’Angleterre, prêt à en découdre avec ce joyau rebelle de la Couronne, atteignaient le sol américain —, eut un retentissement immédiat, et fut connu, bien que sous une forme tronquée, jusqu’en France. En appelant à une rupture nette avec le pouvoir anglais, Le Sens commun, résume l’historien Marc Belissa, « a donné sa base théorique à la revendication d’indépendance proclamée quelques mois après sa parution ». Paine devenait un homme dangereux.

« Partisan de l’abolition de l’esclavage et de l’accession des femmes à plus de citoyenneté, convaincu qu’il ne pouvait y avoir de conflit entre l’intérêt des personnes et l’intérêt général, il entendait que la “chose” dite “publique” le fût vraiment », précise Bernard Vincent, l’un de ses grands commentateurs. Ces vues « subversives » avaient de quoi inquiéter les indépendantistes au tempérament nettement plus aristocratique, à l’image d’un John Adams, qui deviendra plus tard le deuxième président des États-Unis. Comme l’écrivit Germaine de Staël dans ses Considérations sur les principaux événements de la Révolution française (1818), « Thomas Payne était le plus violent des démocrates » — le terme était évidemment péjoratif. Paine semble en effet être l’un des premiers modernes à invoquer la démocratie en un sens positif et à défendre, plus encore que l’indépendance de la colonie, une vision républicaine et égalitaire (…)

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