Reconnaissance faciale : l’Intérieur britannique veut élargir l’usage de la technologie, vers un “état de surveillance autoritaire” au Royaume-Uni ?


La reconnaissance faciale au Royaume-Uni est désormais “hors de contrôle”. Le Bureau britannique de l’Intérieur (Home Office) a annoncé son intention d’élargir encore plus l’usage de cette technologie. Une consultation publique de plus de deux mois a également été lancée afin de sonder les Britanniques quant à la manière de réglementer le recours à la reconnaissance faciale, au moment où des ONG estiment que le pays se dirige tout droit vers un “État de surveillance autoritaire”.

Née d’un usage commercial pour prévenir les vols à l’étalage, la reconnaissance faciale s’est progressivement imposée au Royaume‑Uni comme un outil largement déployé, bien au‑delà des magasins. Popularisée après la pandémie de COVID‑19, lorsque Londres s’était dotée de premiers dispositifs publics, cette technologie basée sur l’intelligence artificielle (IA) a ensuite conquis de nombreux commerces via l’entreprise britannique FaceWatch. Ses caméras scannent les visages des clients à l’entrée, les convertissent en données biométriques et les comparent à une base partagée de personnes soupçonnées de vol.

Des millions de livres… et de visages

Très vite, ces pratiques ont suscité des critiques d’ONG et de juristes, qui jugent cette surveillance opaque, sujette aux erreurs et incompatible avec les libertés publiques. Plusieurs témoignages relayés par la BBC dès 2024 ont révélé des cas de fausse identification, tout en confirmant que la société FaceWatch bénéficiait jusqu’ici du feu vert du régulateur britannique à la protection des données.

Parallèlement, les autorités policières se sont emparées de la reconnaissance faciale à grande échelle. Utilisée pour repérer des suspects lors d’événements de masse, comme le carnaval de Notting Hill ou le tournoi des Six Nations, cette technologie est intégrée à des véhicules et déployée dans plusieurs régions du pays. Selon l’ONG Liberty, les visages de 4,7 millions de personnes ont été scannés en 2024, donnant lieu à plus de mille arrestations. Le chef de la police métropolitaine, Mark Rowley, y voit un outil “efficace” d’identification en temps réel.

Le gouvernement britannique soutient désormais activement cette expansion.”Nous allons en étendre l’usage afin que les forces puissent mettre davantage de criminels derrière les barreaux et lutter contre la criminalité dans leurs communautés”, a déclaré la ministre chargée de la police et de la criminalité, Sarah Jones. “La reconnaissance faciale est la plus grande avancée pour attraper les criminels depuis l’analyse ADN”, affirme-t-elle. 

Le Home Office a fait état de 1 300 arrestations permises par cette technologie depuis 2023, et a engagé 12,6 millions de livres en 2024 pour son développement, dont 2,8 millions spécifiquement destinées à la reconnaissance en direct. En 2025, un budget supplémentaire de 6,6 millions de livres a été débloqué pour accélérer son adoption, évaluer ses performances et préparer le lancement d’un” service national de comparaison faciale”. 

Ce dispositif, prévu en test pour 2026, vise à doter la police  d’une nouvelle base nationale d’images judiciaires, susceptible de contenir plusieurs millions de photos, un volume comparable à celui des fichiers de polices nationales, explique la BBC.

La consultation ne calme pas les inquiétudes

Le Home Office estime que la technologie pourrait aussi aider à identifier et arrêter des détenus libérés par erreur.

Face à l’inquiétude des citoyens et des ONG, Londres a également annoncé une consultation publique de dix semaines sur la manière de réglementer cette technologie et de protéger la vie privée. Le gouvernement propose la création d’un organisme de régulation dont la mission est de superviser l’utilisateur de la reconnaissance faciale et des données biométriques par la police.

Il s’agit d’un questionnaire en ligne, accessible sur le site du gouvernement ou par voie postale, pour obtenir l’avis des Britanniques sur les propositions du Home office. Toutefois, toute loi issue de cette consultation pourrait mettre environ deux ans à être adoptée par le Parlement, a indiqué le Bureau de l’Intérieur.

L’annonce a été accueillie avec un léger satisfecit mais un lourd alarmisme de la part d’organisations. Big Brother Watch estime que la consultation arrive “trop tard”, appelant à suspendre l’usage de la reconnaissance jusqu’à l’adoption d’une loi. “La surveillance par reconnaissance faciale est hors de contrôle” et le Royaume-Uni “fonce vers un État de surveillance autoritaire”, déplore-t-on.

Liberty dit se “réjouir” que le débat s’ouvre “mais nous sommes évidemment déçus que cela intervienne alors que le gouvernement s’engage en parallèle à intensifier son utilisation avant que nous en comprenions les risques”. “Ce que nous voulons, ce sont des garde-fous stricts indiquant où et quand la police peut utiliser cette technologie”, explique-t-on. 





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