7 matériaux de sécurité jamais remis en question


Casques, gilets, combinaisons et autres équipements essentiels cachent un impact environnemental et sanitaire massif. Derrière leur apparence protectrice, ils servent des pratiques industrielles qui profitent aux entreprises et à leurs actionnaires. Leur production et leur usage relâchent des substances extrêmement toxiques, persistantes dans l’air, l’eau et les sols. Ce qui est censé nous protéger contribue ainsi à polluer l’environnement dont nous dépendons au quotidien.

Que ce soit l’eau, l’air, les forêts, les vêtements, l’alimentation, le lait maternelTout est pollué aux PFAS – acronyme de per- et polyfluoroalkylées – des substances chimiques synthétiques très persistantes, utilisées pour leurs propriétés anti-adhésives ou imperméabilisantes, mais qui s’accumulent dans l’environnement et les organismes vivants car elles ne se dégradent presque jamais.

Grâce au travail d’une myriade de députés, activistes, journalistes et citoyen·nes, il a été obtenu que la France s’engage face aux risques que représentent les polluants éternels. Ainsi, a été promulguée le 27 février 2025 une loi interdisant les vêtements, cosmétiques et farts (revêtement sous les skis) qui en contiennent à partir de 2026 (sauf les ustensiles de cuisine comme les poêles qui ont été exclus). 

À partir de 2030, c’est tous les textiles contenant des PFAS seront interdits en France. Mais d‘office, les matériaux industriels, donc de sécurité, ont été mis de côté. La loi précise même que sont exclus de la loi « les vêtements et chaussures de protection, comme ceux des militaires ou des pompiers » Pourtant, les quantités de particules ultra-polluantes qu’ils contiennent et surtout relâchent sont destructrices pour les écosystèmes dont nous faisons partie. 

Voici un aperçu de 7 matériaux de sécurité dont l’impact environnemental est rarement remis en question, malgré leur caractère polluant et nocif. 

1. Les gants en vinyle 

Les gants jetables en vinyle, largement utilisés dans les secteurs médicaux et industriels, sont une source majeure de pollution plastique, avec son lot de conséquences néfastes. Composés de polychlorure de vinyle (PVC), produit à partir de substances dangereuses, comme le chlore et les phtalates – le premier irritant pour les voies respiratoires et la peau, peut causer des dommages graves aux écosystèmes aquatiques ; le second, perturbateur endocrinien, affecte la fertilité et le développement, et s’accumule dans l’environnement. Forcément, ils ne sont pas biodégradables et peuvent perdurer dans la nature pendant des siècles. (source

Avec une durée maximale de conservation de 3 ans, une durée définie par les industriels eux-mêmes, et une utilisation concrète de quelques heures tout au plus, la production de déchets liée aux gants est massive. 

Photo de Maskmedicare Shop sur Unsplash

Selon une étude publiée dans Environmental Science & Technology, la pandémie de COVID-19 a entraîné une utilisation mondiale de 65 milliards de gants par mois, générant des montagnes de déchets plastiques, avec une possibilité de recyclage difficile, pour ne pas dire impossible, puisque leur contamination potentielle complique leur recyclage, la plupart finissant dans des décharges ou incinérés.

Bonne nouvelle : il existe des gants biodégradables à base de PLA (amidon de mais). Il convient toutefois de rester prudents car bon nombre de plastique présentés par les industriels comme biodégradables ne le sont pas en réalité.

2. Les éclairages de sécurité 

Malgré les progrès écologiques réalisés ces dernières années, notamment grâce à  l’adoption de LED à longue durée de vie, ce qui réduit leurs impacts environnementaux de 75 %, ces dispositifs d’éclairage restent une source de pollution massive.

Les batteries au nickel-métal hydrure (NiMH), utilisées dans les éclairages et de nombreux appareils électriques – notamment les voitures électriques, posent un problème majeur dès l’extraction des matières premières, qui entraîne pollution et destruction des écosystèmes. La présence de substances dangereuses dans ces batteries (comme le cadmium, un métal que l’on retrouve en quantité non négligeable dans beaucoup de produits agricoles français), notamment dans certains modèles d’entrée de gamme, soulève des inquiétudes quant à leur toxicité.

Si leur recyclage technique est possible — les métaux peuvent être récupérés à plus de 99 % grâce à la pyrométallurgie —, il reste coûteux, énergivore et dépend fortement de l’organisation industrielle, ce qui limite son efficacité réelle sur le terrain. Les lanternes LED sont plus facilement recyclables, mais la production et le traitement des composants (plastiques, lentilles, électroniques) continuent de générer une pollution non négligeable.

En parallèle, la pollution lumineuse générée par ces éclairages perturbe surtout la biodiversité, notamment les insectes, puisqu’il s’agit de la deuxième cause d’extinction après les pesticides. Certaines chauves-souris sont également victimes de la pollution lumineuse : les rangées de lampadaires, par exemple, créent des barrières presque infranchissables pour ces espèces sensibles à la lumière, fragmentant leurs habitats, et limitant leur source principal de nourriture : les insectes.

3. Les masques filtrants

Avec toutes autorisations Pasha Chusovitin

Ces dispositifs, composés de nanomatériaux, sont conçus pour offrir une filtration plus efficace contre les particules ultrafines, comme le montre une étude de l’INRS, affirmant une augmentation de la protection respiratoire pour les particules de taille inférieure à 100 nm. 

Le problème, c’est que d’une part les nanomatériaux pénètrent dans nos corps aussi, comme c’est le cas pour certaines crèmes solaires, d’autre part, il ont des effets sur l’environnement comme sur la reproduction et la croissance des poissons. De plus, l’élimination de ces masques pose un défi environnemental, les nanoparticules pouvant se disperser dans l’air, l’eau et le sol, les animaux, les végétaux… Bref, comme pour les PFAS, rien ni personne n’est épargné. 

Selon le site cancer-environnement, certains nanomatériaux, comme les nanoparticules d’argent, peuvent causer des dommages à l’ADN, et seraient biorésistants. Cercle vicieux, les nanomatériaux favorisent le transport d’autres polluants comme les métaux lourds ou les pesticides dans les organismes.  

4. Vêtements de protection imperméables et gants destinés aux pompiers 

Les textiles imperméables et résistants aux taches, comme ceux utilisés dans les équipements de protection individuelle (EPI), contiennent des PFAS, dits polluants éternels qui sont littéralement partout, et surtout à proximité des usines Tefal, et des pistes de ski, par exemple. 

Selon l’Agence européenne des produits chimiques (ECHA), ces composés sont « très persistants et très bioaccumulables », demeurant dans les organismes vivants et la chaîne alimentaire. Une étude publiée dans Environmental Science & Technology révèle que les pompiers présentent des niveaux élevés de PFAS dans leur sang, suggérant une exposition professionnelle inquiétante. 

Les pompiers auraient une espérance de vie réduite de 7 ans par rapport à la moyenne nationale, et le risque de cancer du mésothéliome est 58 % plus élevé chez les pompiers que dans la population générale, de même que le risque de cancer de la vessie est 16 % plus élevé.

Fort heureusement, certains industriels se sont emparés du sujet en créant des gants sans PFAS, comme la marque Rostaing. Il existe aussi des marques de vêtements sans PFAS.

5. Les retardateurs de flamme bromés 

Utilisés pour leur résistance au feu, les retardateurs de flamme bromés posent de sérieux problèmes environnementaux, comme la bioaccumulation dans les organismes vivants, mais aussi la perturbation du système endocrinien. Il serait très présent dans l’urine des enfants, notamment à proximité des régions agricoles, où les retardateurs de flammes sont utilisés en raison de certaines pratiques agricoles, comme l’écobuage, qui consiste à brûler un sol pour le régénérer. 

On les retrouve jusque dans les régions polaires, loin de toute source d’émission. Une étude citée par l’ANSES indique une « augmentation des niveaux résiduels d’organo-bromés chez l’homme, concomitante à l’augmentation de la production des retardateurs de flamme bromés au cours des dernières décennies ».

6. Les gilets de sécurité

Fabriqués principalement à partir de polyester, un dérivé du pétrole, ces vêtements fluorescents sont difficiles à recycler et persistent dans l’environnement pendant des décennies. Leur production implique l’utilisation de colorants chimiques toxiques et de traitements imperméabilisants, toujours à base de PFAS !

Malgré les efforts de certains fabricants pour développer des alternatives plus durables, comme EnGarde qui propose des gilets avec une garantie étendue à 10 ans, l’industrie peine à concilier les exigences de sécurité avec les impératifs environnementaux. La grande majorité sont incinérés. 

7. Les extincteurs 

Avec toutes autorisations Piotr Chrobot

Ces dispositifs de lutte contre l’incendie, omniprésents dans nos bâtiments, contiennent des agents d’extinction potentiellement nocifs. Les modèles à poudre ABC, largement répandus, renferment du phosphate monoammonique, une substance corrosive qui, une fois libérée, peut contaminer les sols et les eaux souterraines. Les extincteurs au halon, bien qu‘interdits à la production depuis 1994, restent en service dans certains secteurs, libérant des gaz qui appauvrissent la couche d’ozone

De plus, la fabrication et l’élimination des extincteurs génèrent une empreinte carbone non négligeable, contribuant au changement climatique, quand ils ne sont pas laissés dans des décharges à ciel ouvert, comme ce fut le cas en Gironde.

Toutefois, de nombreuses entreprises développent des émulseurs sans composés fluorés (PFAS), utilisant des tensioactifs biodégradables et des agents moussants non fluorés.

Selon l’association Climate and Air Coalition, les gaz inhibiteurs utilisés dans certains extincteurs ont un potentiel de réchauffement global (GWP) élevé. Bonne nouvelle : certains systèmes d’extinction à base d’azote sont en cours de développement, notamment grâce au projet EFFICIENT, financé par l’UE, qui a démontré que l’azote possède les caractéristiques nécessaires pour potentiellement remplacer le halon comme agent d’extinction dans les soutes d’avions.

Il existe aussi des gaz inertes et retardateurs ignifugeants écologiques, qui limitent l’impact polluant sur les nappes phréatiques et l’environnement, et des systèmes d’alerte incendie fonctionnant à l’énergie solaire, ainsi que des câbles de protection au feu à faible émission. 

En conclusion, rappelons que bon nombre de matériaux d’éco-construction sont résistants au feu : les briques d’adobe, le pisé, les blocs en béton de chanvre anti-feu, et les plaques isolantes ininflammables en laine de bois gagnent en popularité.

Maureen Damman


Photo de couverture de Oscar Brouchot sur Unsplash

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