Le 4 décembre 2025, les États-Unis ont publié leur propre acte de décès géopolitique


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par Mounir Kilani

L’ère de l’hégémonie occidentale touche à son terme. La Stratégie de Sécurité Nationale 2025 de l’administration Trump, loin de freiner ce déclin, en accélère les causes et en consacre les conséquences. Entre un Occident qui se fracture et un monde multipolaire qui s’organise, une recomposition historique est en marche.

L’Histoire ne pardonne pas ceux qui se suicident par arrogance. Elle récompense en revanche ceux qui savent lire le vent quand il tourne.

Le boomerang de l’empire

Dans un monde où l’unipolarité américaine s’effrite, la NSS de 33 pages sonne comme un aveu d’impuissance dissimulé sous une rhétorique martiale. Repli protectionniste forcené, inflation galopante, résistance des grandes entreprises, fracture ouverte avec les alliés européens : tout concourt à transformer cette «grande stratégie» en un boomerang stratégique.

Une démonstration involontaire du principe selon lequel, parfois, le meilleur service rendu à ses adversaires est de persévérer dans l’erreur.

Pour les souverainistes et les partisans des BRICS+, le message est limpide : en poussant un «America First» ultra-agressif, Washington offre un cadeau inespéré aux défenseurs d’un monde libéré de la tutelle occidentale.

Reste une nuance : et si ce protectionnisme, malgré ses coûts immédiats, visait à diviser les BRICS+ en les forçant à choisir entre Washington et Pékin ? Le pari est risqué. À vouloir intimider le monde, les États-Unis pourraient bien précipiter leur propre marginalisation.

L’aveu d’échec et la facture

L’introduction de la NSS est un acte de contrition : trois décennies de «domination mondiale permanente» ont engendré une dette explosive, une désindustrialisation massive, une immigration incontrôlée et des alliances à sens unique. En réaction, Trump promet la «paix par la force» et le retour des États-nations.

Le piège se referme dès mars 2025 avec une guerre commerciale sans précédent : droits de douane de 60% sur la Chine, 25% sur le Mexique et le Canada, et jusqu’à 100% sur certains BRICS.

L’addition est immédiate et salée :

  • Inflation à 3% dès l’été (1,8 → 2,3% mensuels)
  • Perte moyenne de 3 800 $ par ménage et par an
  • Croissance limitée à 1,5% en 2026
  • Dette fédérale au-delà de 34 000 milliards de dollars
  • Dollar réduit à 54% des réserves mondiales

Ainsi, la promesse de «rendre sa grandeur» à l’Amérique se chiffre, dans l’immédiat, par une facture de 3800 dollars par foyer – un sacrifice sur l’autel du patriotisme économique.

Le coup de grâce symbolique survient en novembre 2025 : pour la première fois, la part du dollar dans les nouveaux contrats pétroliers passe sous la barre des 50%. L’Atlantic Council parle d’un «own goal monumental». Une métaphore footballistique qui, pour une fois, ne relève pas de l’hyperbole mais d’un constat comptable.

Sur X, @frederic_RTfr résume d’une formule cinglante : «Les BRICS déclarent la guerre à l’hégémonie du dollar. Mise à mort du billet vert».

Les BRICS+ transforment la menace en opportunité

La réponse des BRICS+ est immédiate et structurée. Lors de leur sommet à Rio en juillet 2025, ils lancent un système de paiements indépendant du SWIFT et condamnent l’unilatéralisme. Les résultats sont tangibles :

  • Commerce intra-bloc en hausse de 15%
  • Dédollarisation : 90% des échanges russo-chinois sont effectués en monnaies locales
  • Ambition monétaire : un projet d’unité de compte commune, adossée à 40% d’or (2 100 tonnes accumulées en deux ans), est désormais sur la table.

Tandis que Washington brandit le bâton tarifaire, les BRICS+ saisissent la pioche pour creuser les fondations d’un nouvel ordre. La matière première de choix ? L’or, bien sûr, ce vieux symbole de prudence que l’ère du dollar scriptuel avait relégué aux oubliettes.

Sur X, @BPartisans enterre l’ancien ordre d’une formule lapidaire : «Requiem pour le billet vert – les BRICS paient les funérailles en lingots».

Ultime raffinement de l’ironie stratégique : la politique de pression de Washington, conçue pour isoler Pékin, pourrait offrir à cette dernière son plus beau trophée diplomatique en précipitant New Delhi dans les bras des BRICS+, sapant ainsi la crédibilité du Quad dans l’Indo-Pacifique.

L’Afrique : le jackpot abandonné

En reléguant le continent à un rôle secondaire, la NSS livre l’Afrique clef en main aux BRICS+. Les chiffres de 2025 sont éloquents :

  • Investissements : chinois +28% (58 milliards $), russes +41%, américains –17% (plus bas niveau depuis 2005).
  • Infrastructures : la Chine réalise 63% des nouveaux projets électriques, contre seulement 4% pour les États-Unis.
  • Alignement stratégique : 19 pays renégocient leurs accords militaires avec Moscou et 8 paient déjà leur énergie en yuan ou en rouble.

Un chef d’État africain résume ce réalignement d’un sarcasme amer : «Les Américains nous parlent de terrorisme, les Russes d’électricité, les Chinois de routes… Le calcul n’est pas bien compliqué».

Une équation géopolitique dont la simplicité arithmétique semble avoir échappé aux rédacteurs de la NSS, trop absorbés peut-être par la rédaction d’ultimatats à leurs alliés historiques.

La fracture transatlantique : ultimatum et mise sous pression

La section III.C de la NSS 2025 («Promoting European Greatness») ne propose plus une alliance classique, mais une exigence chiffrée et datée : les alliés européens doivent atteindre 5% de leur PIB en dépenses de défense d’ici 2035 (contre l’objectif des 2% de 2014, jugé désormais insuffisant), dans le cadre du «Hague Commitment» adopté par l’OTAN en novembre 2025.

Le document précise qu’en cas de non-respect de cet objectif, Washington procédera à des retraits partiels de ses forces d’Europe dès 2027 et réévaluera l’ensemble de ses engagements, y compris la portée de l’article 5.

La réaction européenne est immédiate et sans filtre. Le 8 décembre 2025, Antonio Costa, président du Conseil Européen, déclare lors d’un discours à l’institut Jacques Delors à Paris :
«Nous devons nous concentrer sur la construction d’une Europe qui comprend que les relations entre alliés et les alliances d’après-guerre ont changé. Nous ne pouvons pas accepter les menaces d’ingérence dans les choix politiques domestiques de nos alliés».

Les conséquences concrètes, déjà observées entre le 4 et le 10 décembre 2025, sont édifiantes :

  • Hongrie : Le 8 décembre, Viktor Orbán qualifie publiquement la NSS de «trahison atlantique» et confirme la poursuite des importations de gaz russe via TurkStream, dont la capacité (4,5 milliards de mètres cubes par an) est maintenue malgré le régime de sanctions.
  • Slovaquie : Le 7 décembre, le Premier ministre Robert Fico annonce que Bratislava «n’atteindra pas les 5% sans concessions américaines» et accélère les négociations pour un accès direct au gaz russe via la Hongrie.
  • Serbie : Le 10 décembre, le président Aleksandar Vučić réaffirme son engagement dans les «Nouvelles Routes de la Soie» (Belt and Road Initiative), avec un déblocage de 800 millions d’euros pour la ligne ferroviaire Belgrade-Budapest, dont l’achèvement est prévu mi-2026.
  • Autriche : Le 9 décembre, le chancelier Karl Nehammer déclare que Vienne «protège sa neutralité énergétique» en maintenant 80% de ses importations gazières via des routes contournant l’Ukraine, incluant un approvisionnement indirect par TurkStream.
  • Grèce : Même Athènes, pourtant atlantiste confirmée (avec une commande de F-35 américains en cours), critique l’objectif des 5% en le qualifiant d’«irréaliste» le 6 décembre, tout en préservant son partenariat stratégique avec la Chine au port du Pirée (détenu à 67% par COSCO).

Résultat : L’objectif des 5%, censé «souder» l’Occident, produit l’effet inverse. Il légitime les discours souverainistes et accélère les partenariats énergétiques et infrastructurels avec la Russie et la Chine dans une grande partie de l’Europe centrale et du Sud-Est.

Trump a voulu mettre l’Europe au portefeuille pour la discipliner ; il risque de la couper en deux et d’en livrer la moitié à ses adversaires géopolitiques.

Vers un ordre multipolaire irréversible

La dynamique enclenchée est désormais claire. D’ici cinq ans, la part du dollar pourrait tomber sous les 40% dans les échanges mondiaux. À un horizon de dix ans, l’Europe de l’Est et du Sud pourrait former un bloc pleinement intégré aux réseaux logistiques et énergétiques chinois et russes.

Au-delà de ces projections, cette compression stratégique accélérée pourrait surtout consacrer définitivement les BRICS+ comme le pôle le plus résilient et incontournable de la nouvelle multipolarité. Un constat qui rejoint la formule de Lavrovle paradigme occidental n’est plus qu’une relique. L’avenir appartient aux nations souveraines.

Le 4 décembre 2025 restera donc une date charnière. Ce jour-là, Washington n’a pas seulement publié une stratégie de sécurité nationale.
Il a, devant le monde entier, signé l’acte de décès de l’Occident atlantiste.

Ainsi, la stratégie la plus audacieuse depuis la fin de la Guerre Froide aura peut-être pour principale réalisation de matérialiser le pire cauchemar de ses concepteurs : un monde organisé autour de l’axe qu’elle voulait à tout prix empêcher.

Et, dans un ultime revirement, offert aux nations souveraines le plus inattendu des cadeaux de Noël : les clés de leur propre destin…

Mounir Kilani



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