© Hamza Z. H. Qraiqea / AALes Palestiniens font face à des inondations après de fortes pluies qui ont frappé le camp d’Abu Marhil dans le quartier d’Az-Zaytun à Gaza, le 10 décembre 2025 – Photo : Les Palestiniens font face à des inondations après de fortes pluies qui ont frappé le camp d’Abu Marhil dans le quartier d’Az-Zaytun à Gaza, le 10 décembre 2025
Pour les 1,5 million de Palestiniens qui vivent sous des bâches en plastique et des toiles déchirées, la tempête représente bien plus qu’une simple intempérie. C’est un danger supplémentaire qui s’ajoute aux obstacles actuels à leur survie.
Depuis plusieurs jours, les météorologues préviennent que de fortes pluies et des vents violents pourraient frapper la bande de Gaza aujourd’hui, demain et pendant le week-end, risquant de provoquer de brusques inondations et d’importants dégâts. La bande de Gaza ne se prépare pas à affronter la tempête avec des infrastructures, des systèmes de drainage et des centres d’accueil opérationnels.
Gaza doit faire face à la tempête avec des tentes fixées avec des bouts de ferraille, des chemins qui se transforment en rivières de boue en une seule nuit et des familles à qui il ne reste plus rien.
La solidarité, seule solution pour survivre
Partout, dans les camps de la ville de Gaza, règnent la misère, l’insécurité et l’impuissance. La plupart des tentes sont fabriquées avec des bâches d’aide humanitaire, des morceaux de plastique récupérés dans les décombres et des couvertures attachées à des poteaux en bois recyclés. Beaucoup s’affaissent au milieu ; d’autres sont si instables qu’elles tremblent et claquent violemment au moindre souffle de vent.
« Quand le vent souffle, nous tenons les poteaux pour empêcher la tente de s’effondrer », explique Hani Ziara, un père de famille qui s’est réfugié dans l’ouest de la ville de Gaza après que sa maison a été détruite il y a quelques mois.
© Hani Mahmoud / Al JazeeraHani Zaira, un père palestinien qui s’est réfugié dans un bâtiment détruit à Gaza
Sa tente a été inondée la nuit dernière par les fortes pluies, et ses enfants ont dû rester dehors dans le froid. Hani se demande avec angoisse ce qu’il pourrait faire de plus pour protéger ses enfants de la pluie et des vents violents.
Dans de nombreux camps, le sol est déjà détrempé par les pluies précédentes. Le sable mouillé et la boue collent aux chaussures, aux couvertures et aux casseroles lorsque les gens se déplacent.
Les tranchées creusées par des bénévoles pour canaliser l’eau s’effondrent souvent en quelques heures.
N’ayant nulle part où aller, les familles qui vivent dans les zones basses se préparent au pire, c’est-à-dire au moment où les eaux de crue vont s’engouffrer directement dans leurs tentes.
N’ayant nulle part où aller, les familles qui vivent dans les zones basses se préparent au pire, c’est-à-dire au moment où les eaux de crue vont s’engouffrer directement dans leurs tentes.
Faire des réserves de nourriture, stocker de l’eau potable et sécuriser son abri sont habituellement les mesures basiques à prendre en cas de tempête, mais à Gaza, c’est considéré comme du luxe.
La plupart des familles reçoivent de maigres portions d’eau et il leur arrive souvent de ne pas en avoir assez pour cuisiner ou se laver pendant plusieurs jours. Les réserves alimentaires sont tout aussi limitées, et bien que des distributions sporadiques d’aide humanitaires fournissent quelques produits de base comme du riz ou des haricots en conserve, les quantités distribuées durent rarement plus de quelques jours.
Il est tout simplement impossible de se préparer à une tempête en cuisinant à l’avance, en rassemblant des denrées non périssables ou en stockant du combustible.
« Nous n’avons pas pu dormir la nuit dernière. Notre tente a été inondée par les eaux de pluie. Tout ce que nous avions a été emporté par l’eau. Nous voulons nous préparer, mais comment ? », s’interroge Mervit, mère de cinq enfants déplacés près du port de Gaza.
Elle a ajouté : « Nous avons à peine assez de nourriture pour ce soir. Nous ne pouvons pas économiser sur ce que nous n’avons pas. »
Sans la solidarité et l’entraide, personne ne pourrait même espérer survivre dans l’infinie pauvreté de Gaza. Les voisins viennent, avec ce qu’ils ont, relever les tentes. Les jeunes hommes fouillent les décombres à la recherche de restes de métal et de bois qui serviront de poteaux branlants.
Les femmes organisent une cuisine collective pour pouvoir distribuer, dans la mesure du possible, des repas chauds aux familles dans le besoin, en particulier celles qui ont de jeunes enfants ou des personnes âgées à leur charge.
Ces réseaux informels redoublent d’activité à mesure que la tempête approche. Les bénévoles vont de tente en tente, pour aider les familles à surélever leurs espaces de couchage, à colmater les trous dans les toiles avec des bâches en plastique et à creuser des canaux de drainage.
Des groupes tentent de déplacer ceux qui se trouvent dans des zones précaires et extrêmement exposées vers d’autres endroits, en partageant des informations sur les lieux plus sûrs.
« Nous sommes épuisés »
Au-delà du danger physique, l’impact psychologique est profond. Après des mois de déplacement forcé, de pertes et de privations, une nouvelle crise — cette fois-ci, non pas la guerre, mais les forces de la nature — paraît insurmontable.
© Hani Mahmoud / Al JazeeraWissam Naser, un Palestinien déplacé qui s’est réfugié dans une tente à Gaza Ville
« Nos tentes ont été détruites. Nous sommes épuisés », a déclaré Wissam Naser. « Nous n’avons plus de forces. Chaque jour apporte son lot de nouvelles angoisses : la faim, le froid, la maladie, et maintenant la tempête. »
De nombreux habitants ont le sentiment d’être pris en étau entre le ciel et la terre, attaqués des deux côtés et incapables de protéger leur famille.
Alors que les nuages s’amoncellent le long de la côte de Gaza, les familles se préparent à encaisser le coup. Certaines installent des pierres et des sacs de sable pour que le vent n’emporte pas leur tente.
D’autres rassemblent les couvertures des enfants dans le coin le plus sec, en espérant que la tente tiendra le coup.
La plupart des gens ne savent tout simplement pas quoi faire. Ils en sont réduits à attendre.
La tempête ne sera pas seulement une nouvelle nuit de calvaire pour les Gazaouis déplacés. Elle leur rappellera une fois de plus que leur vie est suspendue à un fil et que leur survie dépend moins de leur niveau de préparation que de leur endurance.
Ils attendent parce qu’ils ne peuvent rien faire d’autre. Ils se préparent avec le peu qu’ils ont. Ils prient pour que cette fois-ci, les vents soient cléments.
