
Henri Michaux (1899-1984) « n’est pas fou », il est à l’« écoute de l’intracorporel », prévient l’essayiste américaine Susan Sontag, dans l’entretien qui ouvre avec énergie ce livre étonnant, appuyé sur un fonds d’archives (documents, photographies…) et de lettres inédites, témoignant des expérimentations que le poète mena avec les psychotropes entre 1955 et 1966 — en relation notamment avec l’hôpital Sainte-Anne et les laboratoires pharmaceutiques suisses Sandoz (1). Michaux note. Il est sous l’emprise de la mescaline, un alcaloïde extrait du peyotl, petite cactée du désert mexicain aux propriétés hallucinogènes. Il traduit son voyage intérieur, fait de vitesse et de « graphie hirsute », en écritures et dessins, qu’il appellera mescaliniens. Mais il s’agit là aussi de transcriptions dans un cadre d’études scientifiques, pour relever, sur l’estran d’une conscience balayée par les flux et reflux cérébraux, les éclats de ces effractions sensorielles. Avec Michaux, nous dit la chercheuse et écrivaine Muriel Pic, qui fait intelligemment respirer ce précieux fonds en sept « leçons », la science trouve un « témoin et acteur » libre et attentif pour explorer, avec diverses substances (mescaline, haschich, LSD, champignons, cocaïne, etc.), les « confins de la conscience humaine ». Avec des ouvrages tels que L’Infini turbulent (1957) et Connaissance par les gouffres (1961), Michaux a commenté ces moments.