Parti socialiste, ou l’éternel cycle de la trahison


Depuis ses origines, le Parti socialiste a été accusé à maintes reprises de trahison envers les classes populaires. Si le désastre du mandat Hollande semblait l’avoir entériné, les récentes alliances, notamment avec la France Insoumise, avaient réinstallé le doute. Le récent revirement de la formation d’Olivier Faure auprès du camp d’Emmanuel Macron coupe court à l’incertitude. Retour historique sur les ambivalences du PS.

En 2014, au sein du calamiteux quinquennat Hollande, le PS faisait émerger un certain Emmanuel Macron, alors ministre de l’Économie. Plus de dix ans plus tard, après avoir mis en scène une rivalité factice, l’actuel président et le mouvement social-libéral se tendent à nouveau les bras.

Le flou permanent ?

Depuis l’avènement du Nouveau Front Populaire (alliance entre La France Insoumise, les Écologistes, Le Parti communiste français et le Parti socialiste), l’attitude des dirigeants du PS a de quoi interloquer. Sous des airs de juste mesure et d’ouverture au compromis, la formation de Boris Vallaud a surtout largement renié le programme signé avec les autres organisations de gauche en 2024.

Après avoir longtemps offert un sursis à François Bayrou, le PS en fait aujourd’hui autant avec Sébastien Lecornu. Les deux sont pourtant bien issus du macronisme et défendent une politique en opposition à celle de rupture normalement portée par la gauche. Dans une sorte de brouillard constant, le PS a ainsi tout fait pour entretenir une confusion sur ses positions, entre mouvement dit « de gauche » et interlocuteur particulier du gouvernement.

Nouvel ami de la Macronie ?

Le 9 décembre dernier s’est produit un évènement inédit dans toute l’Histoire de la cinquième République : un parti se réclamant de l’opposition a voté le budget de la Sécurité sociale établi par le camp Macron.

Il est vrai qu’en observant de plus près ce texte, il y a largement de quoi être sceptique. Limitation des arrêts de travail, 4 milliards en moins dans le budget de la santé, ou encore une surtaxe sur les mutuelles qui devrait engendrer une hausse de leur coût, les mesures polémiques sont nombreuses. Surtout en comparaison du maigre décalage de la réforme des retraites dont ne cessent de se vanter les socialistes, mais qui ne changera pourtant pas grand-chose.

Pourtant, ce budget validé par les socialistes est diamétralement opposé au programme sur lequel ces derniers ont été mandatés. Celui-ci prévoyait notamment l’abrogation de la réforme des retraites, un grand plan d’embauche des professionnels du soin et surtout une rupture avec le macronisme. La France insoumise en a déduit que le PS a « changé d’alliance », quittant le NFP pour la majorité présidentielle.

Les verts complices ?

Plus surprenante, dans cet épisode, la position des Écologistes a aussi fait grincer des dents. Si neuf d’entre eux ont bien voté contre, vingt-six se sont abstenus et trois ont même franchi le Rubicon, en appuyant le texte.

Or, il manquait seulement 13 voix pour renverser la décision dans l’autre sens. Le rôle des députés du camp écologistes a donc été déterminant. Et bien que la patronne du groupe à l’assemblée, Cyrielle Châtelain, ait expliqué avoir été victime d’un chantage de la part du gouvernement, certains regrettent que le parti de Marine Tondelier n’ait pas eu le courage de pousser Sébastien Lecornu dans ses retranchements.

Peur des élections ?

Au fond, si le PS se montre aussi conciliant avec le clan présidentiel, ce n’est pas juste pour se donner l’image d’un mouvement responsable, ouvert aux compromis, face à l’intransigeance de la France Insoumise. C’est également pour ne pas risquer une nouvelle dissolution.

Car, en définitive, dans le cas où le budget de Sébastien Lecornu viendrait à être refusé par le Palais Bourbon, il y a fort à parier qu’Emmanuel Macron n’aurait plus d’autre choix que de renvoyer les Français aux urnes. Ce scénario reste d’ailleurs encore possible, puisqu’il ne s’agissait ici que du premier scrutin de l’Assemblée nationale concernant le budget de la Sécurité sociale. Or, il doit définitivement être entériné à l’occasion d’un second vote en même temps que le budget général de l’État.

Si d’aventure ce texte ne passait pas et que le président appelait les Français à de nouvelles législatives, le Parti socialiste pourrait alors se retrouver en grande difficulté, puisqu’il ne bénéficiera plus de l’alliance avec la France Insoumise, poids lourd de la gauche dans le pays. Dans ces conditions, il est aisé de comprendre pourquoi le PS souhaite éviter cette situation.

Une longue histoire de retournement de vestes

Depuis son origine, le PS est un habitué des voltes-faces contraire à ce que les Français seraient en droit d’attendre d’un mouvement dit « de gauche ». Dès 1914, son ancêtre, la Section Française de l’Internationale Ouvrière (SFIO), se rallie à l’Union sacrée pour la guerre. En 1936, le Front populaire, qu’elle dirige, traîne à mettre en place ses engagements : le peuple doit l’y pousser.

La SFIO ne prend pas non plus de mesures concrètes contre le massacre de la République espagnole à la fin des années 30. Il est également possible de la créditer d’une répression des grèves ouvrières après 1945, ainsi que d’un rôle important dans la guerre d’Algérie et dans la politique coloniale.

Si on lui doit des avancées majeures, comme l’abolition de la peine de mort, les 35 heures de travail hebdomadaire ou encore le mariage pour tous, force est de constater que, depuis les années 80, l’exercice du pouvoir du parti socialiste a surtout été l’occasion de détériorer sa crédibilité auprès de ses électeurs, ce qui constitue une des causes de la montée de l’extrême droite.

N’ont pas été oubliés le virage libéral orchestré par ce parti dès 1983, les privatisations massives sous Lionel Jospin et surtout la désastreuse présidence de François Hollande, aussi catastrophique que celui de Nicolas Sarkozy. On pense aussi à la déchéance de nationalité ou aux lois Macron et El Khomri, prémisses de la mandature actuelle.

La fin des alliances ?

Aux présidentielles de 2022, il a manqué 421 421 voix à l’Union populaire pour passer. À peine un quart du score de Yannick Jadot (EELV), la moitié de celui de Fabien Roussel (PCF), un peu moins que celui d’Anne Hidalgo (PS). Face à ces scores minables et prévisibles, le militant et journaliste Tal Madesta adressait sur Instagram ses remerciements acerbes « aux partis de la gauche institutionnelle qui préfèrent se branler sur leurs candidatures de bourgeois·es de merde qui fédèrent même pas assez pour leur permettre de rembourser leurs frais de campagne plutôt que d’appeler à une véritable union de la gauche ».

À ce propos, la journaliste Victoria Berni-André écrivait dans Vivant·es et dignes (Hors d’Atteinte, 2024) : « Hidalgo, Jadot, Roussel ont par la suite eu l’audace d’appeler à faire barrage au fascisme… au second tour. Exprimant clairement leur préférence à voir gagner Macron plutôt que Mélenchon. Cette manœuvre honteuse n’était guère étonnante: pour rappel, c’est Jadot qui disait en février 2019 des manif’ des Gilets jaunes « il faut que ça s’arrête », qui en mars 2019 voulait incarner une écologie favorable à « la libre entreprise et l’économie de marché », qui en septembre 2020 stigmatisait les femmes souhaitant couvrir leur corps à la piscine, ou encore qui, en mai 2021, manifestait avec le syndicat de police Alliance. Roussel était d’ailleurs également à cette manif’, ce à quoi on peut ajouter sa critique du féminisme intersectionnel et son amour proclamé de la viande.

Ce qu’ont en commun Roussel, Jadot et Hidalgo, c’est qu’iels ont toustes les trois fustigé Mélenchon, confortant ainsi la stratégie macroniste qui discréditait la gauche en permanence tout en flirtant avec l’extrême droite, pour ensuite se positionner en rempart. La meilleure façon d’y faire barrage était de se réunir dès le premier tour autour de l’Union populaire. »

Après cette période calamiteuse, divers citoyens de gauche avaient d’ailleurs appelé à ne plus jamais voter PS. Malgré tout, avec la NUPES, puis avec le NFP, initiés par la France Insoumise, le PS a réussi à reprendre quelques couleurs avant de finalement retomber dans ses travers. Une attitude qui ne devrait plus lui permettre d’obtenir la confiance de LFI, mais aussi des sympathisants de gauche.

Reste que le parti à la rose compte probablement se refaire une santé sur les cendres du macronisme avec un électorat centriste qui pourrait se tourner vers lui. Il faudra, sans doute, attendre les prochaines municipales de mars 2026 pour y voir plus clair.

Simon Verdière


Photo de couverture : Olivier Faure. 2018. Wikimedia.

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