Perditions scientifiques, par Lotfi Hadjiat



L’ivresse des sens n’est qu’une échappatoire au vertige du gouffre. 

Le flux inarrêtable de l’intuition sensible, le flux du multiple, de la multitude, n’est finalement qu’une perception confuse de la béance.

Il suffit d’un rien pour passer de la béatitude à la béance… une erreur de chemin, un choix anodin… Mais il suffit aussi d’un rien, un événement, pour passer de la béance à la béatitude : l’arrestation et l’incarcération de Macron…

En vérité je vous le dis, la conscience de la mort précède la conscience de la vie. 

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Pour être tout à fait clair, la béatitude ce n’est pas la vie consciente, c’est plutôt la vie où la conscience s’éteint.

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La conscience de la mort inaugure la perception de la béance. 

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La conscience de la mort fonde le savoir, car la mort est irreprésentable, et nos représentations viennent ensuite combler cette irreprésentabilité, cette faille, pour tenter de rendre cohérent cette incohérence… En vain…

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L’incohérence de la mort est une incohérence, une faiblesse pour le corps, qui réactivement produit de la cohérence logique pour combler cette incohérence. La pensée logique est une pensée du corps. Une pensée défensive, sécuritaire… qui finit par enfermer notre esprit dans une forteresse sécuritaire… dont on se desasservit en revenant à la question de la mort pour retrouver le jeu des représentations…

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Le bébé qui vient de naître vit dans la béatitude, mais il ne le sait pas, il n’a pas conscience de la vie. Et quand il commence à savoir quelque chose, il prend conscience de ce qu’il sait et de ce qui lui reste à savoir, de ce qu’il ne sait pas, de son ignorance, de la béance de son ignorance. 

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La conscience de notre ignorance ouvre la béance. 

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La conscience est toujours conscience d’un manque, d’une disparition. On a conscience de la vertu lorsqu’elle disparaît au milieu du vice. La conscience de race apparaît quand la race disparaît. On se rend compte à quel point une personne nous était précieuse lorsque celle-ci meurt. Et à quel point la santé est précieuse lorsqu’on est gravement malade. C’est encore dans la servitude qu’on prend conscience que la liberté est le bien le plus précieux, comme disait Hô-chi Minh. Et c’est lorsqu’on subit l’injustice qu’on devient viscéralement attaché à la justice. Dieu nous prive, nous éprouve et nous frustre pour nous apprendre ce qui a de la valeur et ce qui n’en a pas, sagesse divine ; et c’est en se dissimulant à nous qu’Il fait naître en nous la foi. 

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Il ne peut y avoir conscience de la béatitude, puisque la conscience s’éteint dans la béatitude, qui ne peut pas être un savoir. 

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La compréhension – qui précède le savoir – est une tentative de préhension d’un phénomène, de saisir le phénomène pour le réduire à une représentation, ce sont ces représentations qui forment la conscience. Et comme on ne peut saisir la béatitude, il n’y a donc pas conscience de la béatitude, ni représentation possible de celle-ci.  

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Les sciences sortent de terre, surtout les mathématiques. Géo-métrie veut dire « mesure de la terre » en grec ancien. Et l’arithmétique a commencé au Néolithique à Sumer, au tout début de l’agriculture, lorsqu’on eut besoin de compter les grains, les sacs de grains… de blé, d’orge… de gérer les stocks, de payer les travailleurs, de prévoir pour les prochaines semences…, la pratique a précédé la théorie… les sciences sont sorties de terre et nous ramènent à la terre, à la matière, et nous enlisent dans la matière jusqu’à nous enfermer dans la matrice scientifique, qui réduit le vivant à un objet, interchangeable, réparable, augmentable… matrice scientifique qui annihile la vie par cette réduction objectale… l’Arbre de science était bien l’Arbre de mort… la révolte paysanne c’est le retour à l’Arbre de vie. 

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Oui, Heidegger, les sciences arraisonnent le vivant, le classe, le divise… Diviser pour régner, oui mais surtout, diviser pour savoir…

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« La science ne veut pas connaître l’homme, mais seulement le mesurer », disait Søren Kierkegaard. Le mesurer et le diviser à l’infini… l’atomiser…

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« La science n’explique jamais l’essence des choses, mais seulement leurs relations », disait Schopenhauer. Les sciences ne peuvent pas connaître la mort, ni le vivant, puisqu’elles l’annihilent… elles ne peuvent pas non plus connaître l’unité puisqu’elles procèdent d’une pensée duale, contradictoire… alors que peuvent-elles connaître ?… le périssable, l’évanescent, le disparaissant, c’est-à-dire rien.  

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Pour suivre l’auteur :

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