La Commission européenne a obtenu le feu vert politique pour relever fortement les seuils d’acétamipride autorisés dans le miel, malgré les alertes scientifiques et l’opposition d’une partie des eurodéputés. Sont en jeu la protection des pollinisateurs, la santé humaine et l’ouverture du marché aux miels importés.
En cinq mois, Bruxelles aura multiplié par vingt la limite maximale de résidus d’acétamipride autorisée, passant de 0,05 mg/kg à 1 mg/kg. Un choix d’autant plus explosif que ce néonicotinoïde est interdit en France depuis 2018 pour ses effets sur l’environnement. « Quand les abeilles butinent, elles peuvent ramener des molécules d’acétamipride à la ruche, qui vont ensuite se retrouver dans le miel », explique Muriel Pascal, apicultrice bio en Lozère.
En mai 2024, l’Autorité européenne de sécurité des aliments recommandait de réduire drastiquement l’exposition humaine à cette substance, en raison d’incertitudes sanitaires, notamment neurotoxiques. Comme le rapporte Reporterre, des traces ont déjà été détectées dans l’urine de nouveau-nés et le liquide céphalo-rachidien d’enfants. Pourtant, la Commission a choisi d’anticiper l’assouplissement plutôt que la précaution, tout en mandatant l’Efsa pour approfondir l’évaluation des risques. Une ligne dénoncée par plusieurs élus.
Pour l’eurodéputée écologiste Marie Toussaint, l’objectif serait de « tirer les normes vers le bas » afin de faciliter l’importation de miels étrangers, parfois plus chargés en résidus. La demande initiale de relèvement émane d’Albaugh Europe, filiale d’un géant agrochimique qui commercialise des insecticides à base d’acétamipride hors UE. « On peut donc s’interroger sur l’indépendance de ces recherches scientifiques », souligne-t-elle.
Chez les apiculteurs, comme chez leurs collègue agriculteurs, finalement, la colère est vive. « 1 milligramme d’acétamipride par kilo de miel… C’est énorme ! », alerte Muriel Pascal. Le toxicologue Jean-Marc Bonmatin prévient aussi d’un signal délétère envoyé au monde agricole : « allez-y ! vous pouvez traiter à fond puisque les seuils ont été relevés ! ». Malgré une tentative parlementaire pour bloquer la mesure, rejetée mi-décembre, la nouvelle norme entrera en vigueur dans les prochains mois.