Voilà qui ne risque pas de calmer les tensions entre Copenhague et Washington. Donald Trump a annoncé dimanche 21 décembre la nomination du gouverneur de Louisiane, Jeff Landry, au poste d’envoyé spécial des États-Unis au Groenland. Le Danemark a exprimé son “indignation” et son intention de convoquer l’ambassadeur des États-Unis.
Peu après son élection, le président américain a déclaré avoir “besoin” du Groenland, territoire stratégique riche en minéraux, situé à la croisée des océans Atlantique nord et Arctique et semi-autonome sous souveraineté danoise.
De quoi lancer les hostilités avec Copenhague, qui ont culminé en mars 2025 avec la visite du vice-président JD Vance à la base militaire américaine de Pituffik, où il a critiqué publiquement le Danemark pour son sous-financement présumé du territoire et a appelé à une prise plus sérieuse de sa sécurité face aux intérêts russes et chinois dans les routes arctiques. Cette visite avait été écourtée et limitée à la base après des protestations des leaders groenlandais et danois, qui y voyaient une pression inacceptable.
“Faire du Groenland une partie des USA”
En août 2025, une campagne d’influence américaine présumée au Groenland est révélée au Danemark. Ces opérations visaient, selon la presse, à infiltrer la société groenlandaise, à compiler des listes de soutiens potentiels à une sécession et à tisser des réseaux avec des politiciens et des leaders locaux pour favoriser des liens plus étroits avec Washington. Copenhague a réagi en convoquant le chargé d’affaires américain pour une discussion urgente, le ministre des Affaires étrangères Lars Løkke Rasmussen qualifiant ces agissements d' »entièrement inacceptables » et la Première ministre Mette Frederiksen dénonçant toute interférence dans les affaires internes du Royaume.
La semaine dernière, c’est au tour des renseignements danois de révéler leur méfiance à l’égard de l’Oncle Sam. Dans un rapport annuel, ils ont souligné que le Groenland, en raison de sa position stratégique et de ses ressources, suscite un intérêt croissant des États-Unis dans le cadre de la compétition pour l’Arctique entre Washington, Moscou et Pékin. Cette attention américaine accroît selon eux “les risques d’espionnage, notamment cyber, et de tentatives d’influence sur le territoire danois”.
Les appréhensions des renseignements danois se sont confirmées à peine quelques jours plus tard. Dimanche, Donald Trump a annoncé la nomination du républicain Jeff Landry au poste d’envoyé spécial de son pays au Groenland. “Je suis heureux d’annoncer que je nomme le GRAND gouverneur de Louisiane, Jeff Landry, au poste d’envoyé spécial des États-Unis au Groenland”, a écrit le président américain sur Truth Social. “Jeff comprend à quel point le Groenland est essentiel à notre sécurité nationale, et il défendra avec force les intérêts de notre pays pour la sûreté, la sécurité et la survie de nos alliés, et, en fait, du monde entier”, a-t-il ajouté.
Jeff Landry a remercié Donald Trump dans un post sur X. “C’est un honneur de vous servir bénévolement pour faire du Groenland une partie des États-Unis”, a-t-il assuré. “Le président Donald Trump a tout à fait raison ! Nous devons faire en sorte que le Groenland rejoigne les États-Unis. Ce serait formidable pour eux, formidable pour nous ! Faisons-le !”, avait-il écrit auparavant.
Le Danemark “indigné”
La décision de la Maison Blanche et les déclarations des deux Américains ont “indigné” le Danemark, qui a annoncé hier, lundi 22 décembre, la convocation prochaine de l’ambassadeur américain à Copenhague pour “obtenir des explications”. ”Je suis profondément indigné par cette nomination et par cette déclaration, que je trouve totalement inacceptables”, a réagi le ministre des Affaires étrangères danois, Lars Lokke Rasmussen. “Tant que nous avons un royaume au Danemark qui se compose du Danemark, des îles Féroé et du Groenland, nous ne pouvons pas accepter que certains sapent notre souveraineté”, a-t-il fustigé.
Le premier ministre du Groenland, Jens-Frederik Nielsen, et la première ministre danoise, Mette Frederiksen, ont réagi à leur tour dans une déclaration conjointe. Ils ont rappelé que “les frontières nationales et la souveraineté des États sont fondées sur le droit international”, et qu’on “ne peut pas annexer un autre pays. Pas même en invoquant la sécurité internationale”.
S’adressant aux Groenlandais, Jens-Frederik Nielsen a déclaré dans un post Facebook que la nomination de Jeff Landry “ne changeait rien pour nous ici chez nous. Nous déterminerons notre avenir nous-mêmes. Le Groenland est notre pays, le Groenland appartient aux Groenlandais”, a-t-il rappelé. En janvier dernier, 85 % des Groenlandais s’étaient dit opposés à une future appartenance aux États-Unis.