Ndlr : à l’occasion de la sortie de l’enquête complète sur les traitements précoces pour la Covid-19 cinq ans après, il était essentiel de revenir sur l’étude observationnelle publiée en 2021 par le Pr Francisco Emmerich. Elle présente un intérêt important car elle apporte une validation externe aux essais cliniques randomisés dont on a pu constater les biais et questionnements. Retrouvez aussi la vidéo récapitulative de cet article :
Au cœur de la pandémie de COVID-19, le Brésil est devenu un laboratoire d’observation tragique. Cependant, une étude scientifique publiée par le Professeur Francisco G. Emmerich dans l’International Journal of Environmental Research and Public Health soulève une question fondamentale : comment deux États voisins, partageant presque tout, ont-ils pu connaître des destins si radicalement opposés ?
Un laboratoire naturel : l’Amazonas vs le Pará
Pour comprendre l’ampleur du mystère, il faut d’abord établir à quel point ces deux États sont des « jumeaux ».
Ces deux États se présentent comme un laboratoire naturel idéal pour une comparaison scientifique :
La seconde vague et la grande divergence
Le point de rupture se produit à partir de novembre 2020, avec l’apparition du variant P.1 (Gamma). Ce variant, identifié pour la première fois en Amazonas, était réputé plus contagieux et dangereux.
Alors que l’on s’attendait à une tragédie similaire dans toute la région, les courbes de mortalité ont divergé de manière spectaculaire entre le 11 novembre 2020 et le 15 mars 2021, :
- L’Amazonas a vu sa mortalité exploser, atteignant un pic de 35,4 morts/jour/million.
- Le Pará, en revanche, a contenu l’augmentation avec un pic limité à 7,0 morts/jour/million.
Au total, durant cette période, l’Amazonas a enregistré une mortalité cumulée 5,5 fois supérieure à celle du Pará (1645 décès par million contre 296),.
Le Variant P.1 n’est pas le seul coupable
Une explication simpliste consisterait à dire que le variant P.1 n’a frappé que l’Amazonas. Or, l’étude démontre que ce variant s’est propagé très rapidement aux États voisins. Des États comme la Rondônia (1076 morts/million) ou le Roraima (851 morts/million) ont payé un tribut très lourd,.
Seul le Pará a montré une résilience exceptionnelle, avec un taux de mortalité bien inférieur à la moyenne nationale brésilienne (550 morts/million).
La variable décisive : une stratégie de santé proactive
L’étude identifie une différence majeure : la politique de santé publique adoptée par le gouvernement du Pará dès le 21 mai 2020.
La méthode du Pará : faciliter l’accès
Contrairement à d’autres régions qui se contentaient de recommandations, le Pará a mis en place un système en trois piliers pour le traitement ambulatoire précoce :
- Achat centralisé : L’État a acheté les médicaments en masse, supprimant les barrières financières et bureaucratiques pour les petites communes.
- Distribution directe : Les stocks ont été envoyés directement dans les unités de santé locales.
- Gratuité totale : Les médecins pouvaient prescrire et remettre immédiatement les médicaments au patient sans frais, garantissant une prise en charge immédiate.
Le laisser-faire en Amazonas
En revanche, l’Amazonas n’a pas mis en place de politique coordonnée. Même si des médecins souhaitaient prescrire des traitements précoces, l’accès aux médicaments était difficile et dépendait des ressources financières personnelles de chaque patient. Le Professeur Emmerich souligne que ce manque de coordination a été un point clé de l’échec en Amazonas.
Des résultats statistiquement incontestables
L’impact de la politique du Pará a été visible dès la première vague : après l’adoption des mesures le 21 mai 2020, l’État a connu une réduction de 95 % des décès en seulement 70 jours. Ce succès initial a permis d’ancrer ces pratiques dans le système de santé avant l’arrivée du variant P.1.
Les chiffres de la seconde vague confirment cette tendance :
- Amazonas : Le pic de la 2nde vague a été 2,26 fois plus meurtrier que celui de la 1ère.
- Pará : Le pic de la 2nde vague a été moins élevé que celui de la 1ère (un ratio de seulement 0,41).
Conclusion du Professeur Emmerich
Pour l’auteur, une telle différence de résultats (5,5 contre 1) entre deux populations identiques ne peut être le fruit du hasard : « La corrélation est significative ».
Il conclut que le soutien ferme au traitement précoce et l’adhésion des médecins locaux ont joué un rôle crucial dans les bons résultats du Pará. Son message final est clair : cette option thérapeutique ne doit pas être négligée dans les politiques de santé publique contre la COVID-19.
À propos de la rigueur de l’étude : l’étude a suivi un processus strict de comité de lecture (peer-review) avant sa publication en mars 2021. Dans un souci de transparence totale, le Professeur Emmerich a rendu publiques toutes les données brutes et les feuilles de calcul utilisées pour ses analyses.
Analogie pour simplifier la compréhension : imaginez deux forêts identiques menacées par un départ de feu (le virus). Dans la Forêt Amazonas, on attend que les arbres soient en flammes pour appeler les secours, et chaque garde-forestier doit se débrouiller pour trouver son propre extincteur. Dans la Forêt Pará, le gouvernement a distribué gratuitement des petits extincteurs à chaque habitant dès les premières fumées. Même si le vent se lève (le variant P.1), la Forêt Pará s’en sort avec peu de dégâts car chaque petit départ de feu a été étouffé avant de devenir un incendie incontrôlable.
Retrouvez la vidéo de l’interview du Pr Francisco Emmerich enfin disponible sur YouTube – France-Soir est encore à ce jour le seul média à avoir interviewé ce professeur sur son étude :