Quand l’industrie de l’armement trouve sa place dans les produits bancaires dits “durables”


La guerre n’est plus seulement un fait géopolitique, elle est devenue un produit financier. Sous couvert de transition écologique et de finance responsable, des milliards d’euros estampillés « verts » alimentent aujourd’hui l’industrie de l’armement. Selon une enquête publiée par Voxeurop, en collaboration avec Mediapart, El País et IrpiMedia, les investissements ESG (Environnement, Social et Gouvernance) dans les entreprises de défense ont dépassé 50 milliards d’euros en 2025, avec le soutien actif de la Commission européenne. Derrière le vocabulaire du développement durable, chars, drones et munitions trouvent désormais leur place dans des portefeuilles censés financer un avenir « soutenable ».

Cette bascule n’a rien de spontané. Elle résulte d’une stratégie coordonnée entre industriels de l’armement et institutions européennes visant à redéfinir le sens même du mot « durable ». Comme le montre Voxeurop, la Commission européenne a progressivement élargi le cadre réglementaire de la finance verte, notamment via le règlement SFDR, en affirmant sa « neutralité sectorielle ». Concrètement, seuls quelques types d’armes dites controversées sont exclues, tandis que bombes, drones armés, chars ou systèmes d’artillerie sont jugés compatibles avec les objectifs ESG. La formule martelée à Bruxelles — « pas de durabilité sans sécurité » — sert désormais de justification idéologique à cette normalisation.

Les conséquences sont lourdes. Des entreprises comme Safran, Thales, Rheinmetall, Airbus ou BAE Systems figurent parmi les principaux bénéficiaires de ces fonds « verts », tandis que des géants de la gestion d’actifs comme BlackRock ou DWS les distribuent largement. Plus grave encore, des fabricants directement impliqués dans des conflits meurtriers, comme l’entreprise israélienne Elbit Systems, se retrouvent intégrés à des fonds labellisés « transition climatique » ou « ESG ». Ainsi, des épargnants européens peuvent financer, sans le savoir, des opérations militaires que des instances internationales qualifient de crimes de masse, voire de génocide.

Ce que révèle cette enquête dépasse la question financière : la durabilité est devenue un outil de blanchiment moral. La Commission européenne ne se contente plus de tolérer ces investissements, elle les légitime activement, allant jusqu’à exclure des réunions officielles les acteurs de la finance éthique qui osent remettre en cause cette dérive, comme le rapporte Voxeurop. En réhabilitant l’armement dans l’imaginaire écologique et réglementaire, l’Union européenne transforme la guerre en opportunité durable. Pourtant, comme le rappelle l’experte de l’ONU Attiya Waris, aucune définition crédible de la durabilité ne peut inclure des activités dont la finalité est de détruire des vies humaines et des écosystèmes. Derrière le vernis vert, la réalité demeure brutale : la guerre paie, surtout lorsqu’elle est rebaptisée durable… 

Le vert est dans la pomme !





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