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Histoires de Palestine, par Akram Belkaïd (Le Monde diplomatique, avril 2024)

ByVeritatis

Avr 5, 2024


Sera-t-elle un jour indépendante ? La dévastation de Gaza par l’armée israélienne, qui atteint un niveau rare dans l’histoire tourmentée du Proche-Orient, incite au pessimisme quant au sort de la Palestine. Dans un essai historique dense et percutant (1), Jean-Pierre Filiu donne les raisons de cet énorme gâchis et explique pourquoi le mouvement national palestinien a échoué. Parce qu’il a fait face à plus fort que lui sur le plan militaire ? Certainement. Parce qu’Israël a toujours bénéficié du soutien politique occidental, soutien que l’on peut selon lui expliquer, entre autres, par la convergence entre la vision biblique de la Terre promise et le sionisme ? Indubitablement. Mais, rappelle ce grand spécialiste de la région, il y a aussi eu l’incapacité de dirigeants palestiniens, à commencer par Yasser Arafat, de prendre la mesure de l’enjeu et de tirer réellement profit d’une aide politique, financière et diplomatique de grande ampleur. Dynamiques factionnelles, opacité financière et absence de démocratie interne ont finalement coûté cher aux Palestiniens.

Faut-il pour autant estimer l’affaire entendue ? La lecture du témoignage de Salah Hammouri, incarcéré durant plus de dix ans par Israël, démontre l’incroyable détermination de son peuple et sa capacité d’endurance inégalée (2). Emprisonné pour la première fois à 17 ans, Hammouri, aujourd’hui avocat, raconte l’arbitraire de l’occupant, les détentions administratives sans motif officiel (un héritage du mandat britannique), les incessants transferts, les brimades et l’obsession israélienne de corseter la société palestinienne en essayant, en vain, d’instiller la peur et de briser l’élan contestataire. À l’heure où nombre d’Israéliens ainsi que leurs soutiens en Occident n’hésitent plus à nier l’existence d’une nation palestinienne — il en est ainsi de ceux qui préfèrent parler d’« Arabes » plutôt que de « Palestiniens » —, un ouvrage collectif dirigé par l’archéologue Sabri Giroud propose cinquante portraits de femmes et d’hommes ayant fait l’histoire d’un peuple qui attend toujours son État (3). Si certaines figures sont connues (Edward Saïd, Arafat, Mahmoud Darwich), d’autres entrées ont le mérite de mettre en avant des personnalités dont le parcours est emblématique d’une « Palestine dans la tourmente ». On pense notamment au poète Nuh Ibrahim et aux militantes Aïcha Odeh et Naïla Ayesh. La qualité des contributeurs démontre à quel point la question palestinienne demeure centrale pour nombre d’intellectuels et de spécialistes français. Une « passion française » que l’on retrouve dans tous les milieux, notamment politiques. Mis à jour et augmenté, le roman graphique d’Alain Gresh et d’Hélène Aldeguer (4) résume sept décennies de relations franco-israéliennes. Une tranche d’histoire où l’on est peu à peu passé d’une vision engagée de la France pour une paix juste au Proche-Orient à un alignement déférent de Paris sur les positions israéliennes.

(1Jean-Pierre Filiu, Comment la Palestine fut perdue. Et pourquoi Israël n’a pas gagné. Histoire d’un conflit (XIXe-XXIe siècle), Seuil, Paris, 2024, 432 pages, 24 euros.

(2Salah Hammouri, Prisonnier de Jérusalem. Un détenu politique en Palestine occupée. Propos recueillis par Armelle Laborie-Sivan, Orient XXI – Libertalia, Paris-Montreuil, 2023, 144 pages, 10 euros.

(3Sabri Giroud (sous la dir. de), La Palestine en 50 portraits. De la préhistoire à nos jours, Riveneuve, Paris, 2023, 560 pages, 29 euros.

(4Alain Gresh et Hélène Aldeguer, Un chant d’amour. Israël-Palestine, une histoire française, Libertalia, Montreuil, 2023, 200 pages, 24 euros.



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