PORTRAIT CRACHE – Edile un jour ne rime pas forcément avec idylle toujours. Cela fait 10 ans, presque jour pour jour, que la socialiste Anne Hidalgo est maire de Paris. 22 ans à la municipalité, d’abord comme une adjointe patiente à l’ambition dissimulée, puis comme maire de la Ville avec cette gestion si décriée. La native de San Fernando visait haut, mais pas loin, sans faire les choses tout à fait prudemment, n’hésitant pas à se mettre à dos ses partisans, voire ses collègues au Parti socialiste ou les Parisiens.
Inspectrice du travail, ça ne trompe pas, depuis le début des années 80, Anne Hidalgo n’est pas une femme de l’appareil comme d’autres, façon Ségolène, à qui elle préfèrera Dominique Strauss-Kahn pour la primaire socialiste de 2006. Sa carrière politique a été précédée par une carrière de fonctionnaire, au ministère du Travail à partir de 1993 puis comme directrice des ressources humaines à la Compagnie générale des eaux (CGE), devenue Vivendi Environnement puis Veolia Environnement.
La “petite Anne” s’éclipse dans le Bureau des temps
Elle ne prend sa carte au Parti socialiste qu’en 1994, à 35 ans, avant de se rendre à Genève pour une mission du Bureau international du travail, secrétariat de l’Organisation internationale du Travail (OIT).
Dès 1997 elle fait son entrée dans l’exécutif, en travaillant pour trois cabinets ministériels du gouvernement Lionel Jospin. D’abord auprès de Martine Aubry, ministre de l’Emploi, puis auprès de Nicole Péry, secrétaire d’État aux Droits des femmes, où elle participe à l’élaboration des lois sur la parité et l’égalité professionnelle entre femmes et hommes. A partir de 2000, Anne Hidalgo est conseillère technique au cabinet de Marylise Lebranchu, au ministère de la Justice.
Ses premières armes politiques, elle les fera aux élections municipales de Paris de 2001. Cette native de San Fernando (Espagne), qui a grandi à Lyon, est en tête de liste du PS dans le 15e arrondissement de Paris. Totalement méconnue, elle obtient 26,5% des voix au premier tour pour finir troisième au second tour. Elle sera élue conseillère d’arrondissement, faisant son entrée au Conseil de Paris, ce ne sera pas la dernière incompréhension.
Dans la foulée, elle tire profit de la loi sur la parité et le nouveau maire, Bertrand Delanoë, la nomme première adjointe chargée de l’égalité femme/homme et du “Bureau des temps”, un service chargé d’organiser les usages de la population (trajet domicile-travail, activités quotidiennes, modes de transports, congestion, etc), un doigt dans l’engrenage, les prémices d’une catastrophe annoncée, grain de sable qui s’avèrera être plutôt une poignée de gravier.
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La “petite Anne” comme l’appelait Delanoë est encore loin de la mairie de Paris. “Elle était quantité négligeable”, témoigne-t-on, et toujours méconnue du public. Mais un fâcheux événement en 2002 lui offre un avant-goût de ce que c’est qu’être Vizir. Le maire de Paris est poignardé et Hidalgo doit le remplacer. « Certains élus auraient bien aimé profiter de l’occasion pour prendre le pouvoir, mais elle n’a pas flanché, les réunissant, elle leur dit qu’il lui appartenait d’assurer l’intérim », raconte-t-on dans son entourage.
Anne Hidalgo reste alors fidèle à Bertrand Delanoë. La mairie de Paris peut attendre. Elle tente lors des législatives de 2002 de représenter la 12e circonscription de Paris à l’Assemblée mais se fait devancer par Edouard Balladur. Elle se console en 2004 avec un siège au conseil régional d’Ile-de-France se faisant réélire aux municipales de mars 2008 pour rester première adjointe au maire de la capitale, cette fois-ci chargée de l’urbanisme et de l’architecture.
Général Hidalgo, la marche sur Paris
En 2010, elle est réélue conseillère régionale, intègre la commission de la culture et devient présidente de l’organisme Île-de-France Europe, qui assure la représentation de la région à Bruxelles. La mairie de Paris lui semble toute proche en 2012 lorsque François Hollande, élu président contre Nicolas Sarkozy, propose un portefeuille ministériel à Bertrand Delanoë qui rejette l’offre du chef de l’État, exigeant le ministère de l’Intérieur. « Ce moment, Anne Hidalgo le vit comme une humiliation. Elle qui avait si bien caché son ambition pendant toutes ces années en devient agressive”… Chassez le naturel, il revient au galop.
Elle annonce alors son intention de briguer la succession de Bertrand Delanoë aux élections municipales de 2014. Elle est la candidate favorite du PS pour une campagne municipale “joyeuse”, et sa liste l’emporte face à celle de Nathalie Kosciusko-Morizet. Sans être majoritaire, Anne Hidalgo accède au graal, la mairie de Paris. Une première, tout comme sa prise de poste en sa qualité de femme.
Exit la “petite Anne” de Delanoë, arrive l’Hidalgo autoritaire celle qui multiplie les scandales, les procès et les décisions impopulaires. Les promesses électorales cèdent la place à des dérives de gestion. A commencer par la dette de la ville, qui progresse de 110% entre 2014 et 2021, c’est-à-dire durant le premier mandat, et ce malgré “l’excellente maîtrise budgétaire” et les “efforts historiques” dont se targuera en 2016 la mairie, elle ne se prive pas sur les dépenses. Pour absorber cette dette, elle relèvera de 20% la surtaxe d’habitation pour finir par la quintupler en 2017. Le début de la paupérisation de Paris.
Si Paris, théâtre de l’accord éponyme en 2016 lors de la COP21, est “sur la bonne voie” en matière de lutte contre le réchauffement climatique, nombreuses des mesures environnementales adoptées suscitent critiques et quolibets. Les restrictions de la circulation automobile provoquent des manifestations, à l’image de l’instauration d’une zone à trafic limité (ZTL) dans l’hypercentre de Paris, la limitation de la vitesse, la piétonisation des voies sur berges, le “fiasco” des stations de vélos et l’augmentation des pistes cyclables, la liste est longue et non exhaustive, le Parisien est résilient.
Quant à la propreté, Anne Hidalgo est très critiquée, la capitale est surnommée “Paris Poubelle” ou “l’homme sale de l’Europe”, malgré un budget annuel de 550 millions d’euros. Face à cette situation, la Maire préfère appeler les Parisiens “à se prendre en charge” plutôt que de prendre les choses en main, faites ce que je dis, pas ce que je fais… Fluctuat nec mergitur, heureusement tout le monde n’a pas fait latin.
Politique urbanistique décriée, hausse des coûts de logements, scepticisme vis-à-vis d’une candidature de Paris pour les JO 2024 dont les chantiers sont à la ramasse, une gestion contradictoire de la crise migratoire, opposition à la création d’une police municipale en dépit d’une insécurité croissante dans les rues de la Ville … La popularité de Hidalgo s’effrite à partir de 2017.
Anne la mal aimée est lâchée par le PS, celle qui prônait une gestion collégiale avant de devenir “l’autoritaire”, se soucie peu de son équipe et des conseils. En 2018, son premier adjoint, Bruno Julliard, démissionne évoquant une “inconstance” et une “gestion inefficace et solitaire” de la maire.
Elle sera pourtant réélue en juillet 2020 pendant le COVID, à la tête d’une capitale toujours plus endettée, promettant même de poursuivre certaines de ses mesures controversées. Anne Hidalgo remporte cette élection avec le plus faible pourcentage d’inscrits de l’histoire de la ville, tirant partie de cette forte abstention.
Une adepte des volte-face
Solitaire et versatile, elle l’est souvent, quitte à s’opposer à son parti et à multiplier les volte-face sur de nombreuses décisions. En témoigne sa déclaration formelle en 2020, dans laquelle elle écarte toute candidature à la présidentielle de 2022, candidature qu’elle officialisera une année plus tard. Promettant la revalorisation salariale, l’euthanasie, une assurance-chômage universelle et la parité homme-femme. Elle évoquera également la suppression de la plateforme Parcoursup, la neutralité carbone à l’horizon 2050 et l’abaissement de la vitesse autorisée sur les autoroutes. Sujets fondamentaux à l’heure du quoi qu’il en coute.
Esseulée au milieu d’une gauche morcelée, à laquelle elle ne s’identifie pas, étant “social-démocrate”, ce qui est, de son avis, « la seule alternative possible pour un gouvernement de gauche ». Les intentions de vote à son égard ne dépassent pas les 5% elle propose donc de désigner un candidat unique à l’issue d’une primaire de gauche. “Non merci”, lui répondra-t-on.
Ses tentatives de discréditer les partis de gauche, à commencer par la France Insoumise, n’y feront rien et Anne Hidalgo obtient le pire score de l’histoire du PS à une présidentielle, soit 1,7% des voix. Elle s’opposera à une coalition du PS avec les autres forces de la NUPES pour les législatives de juin.
En novembre 2023, elle fait l’objet de plaintes pour détournement de fonds publics. Son voyage en Nouvelle-Calédonie en octobre fait couler beaucoup d’encre. Anne Hidalgo s’est déplacée pour visiter un site de surf mais son séjour, qui devait durer une semaine, n’a pris fin qu’en novembre. Elle est alors accusée d’avoir associé son agenda politique à des vacances privées, en dépensant la coquette somme de 59 500 euros, lors d’une période marquée par le surendettement de la ville. Les plaintes, déposées par des élus et des associations comme AC!, ont mené à l’ouverture d’une enquête par le Parquet national financier (PNF) puis à la perquisition, début mars du siège de la Mairie.