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L’autoroute et le marchand de sable, par Nelo Magalhães (Le Monde diplomatique, avril 2024)

ByVeritatis

Avr 11, 2024


Toujours plus de camions, encore plus de bitume

Le Parlement européen a adopté le 12 mars dernier une directive favorable aux « mégacamions ». La circulation de ces mastodontes — dont le poids peut atteindre 60 tonnes — affaiblit le fret ferroviaire autant qu’elle dégrade l’état du réseau routier, support de 90 % du transport hexagonal de marchandises. En France, comme ailleurs, c’est le libre-échange qui aménage le territoire.

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Margaux Valengin. — « Slowdo », 2023 www.margauxvalengin.com

De son premier enrobé à sa dernière bande blanche, l’autoroute est un produit idéologique. En Italie puis en Allemagne, l’autostrada et l’Autobahn se rattachent explicitement aux régimes fasciste et nazi. En France, elle « désenclave », mène aux vacances (« autoroute du Soleil »), apporte « le progrès, l’activité et la vie », s’enthousiasme en 1962 le ministre des finances Valéry Giscard d’Estaing. Après que le Congrès mondial de la route a formulé sa définition, le législateur français la reprend en 1955, et avalise plusieurs choix de nature politique. Première nouveauté, il s’agit d’une voie « réservée à la circulation mécanisée ». De bon sens aujourd’hui, cette exigence constitue alors une victoire de l’automobile dans la longue lutte de mise à l’écart des autres usagers — piétons, bicyclettes, tramways, hippomobiles — des réseaux routiers, particulièrement violente en ville dans l’entre-deux-guerres. L’autoroute doit du reste être « libérée de tout accès direct des riverains ainsi que de toute intersection à niveau avec d’autres circulations » et, précise une circulaire ministérielle en 1962, répondre à une « vitesse de base élevée ». Cet impératif de fluidité hiérarchise les mobilités : la suppression des feux rouges et des passages à niveau, nécessaire aux trajets longue distance, se traduit par une profonde coupure territoriale (« effet tunnel ») et par l’allongement des trajets de courte distance des riverains… qui finissent par se reporter vers leurs voitures pour franchir l’autoroute. L’espace continu des uns, marqué par de rares points d’entrée et de sortie, requiert la discontinuité de l’espace des autres.

Mais l’autoroute est aussi un produit matériel. Ses propriétés se reflètent dans sa géométrie et les reliefs. La vitesse de base revient à exiger des pentes très faibles, des rayons de courbure importante, ou une largeur suffisante pour les dépassements. L’interdiction de toute intersection avec d’autres voies implique des ponts, viaducs, tunnels, échangeurs (…)

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Nelo Magalhães

Postdoctorant à l’Institut de la transition environnementale (ITE – Alliance Sorbonne Université). Auteur d’Accumuler du béton, tracer des routes. Une histoire environnementale des grandes infrastructures, La Fabrique, Paris, 2024, dont ce texte est adapté.



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