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Des PFAS à haute dose dans les crevettes et les homards



Si vous êtes un grand amateur de fruits de la mer, cela vous expose aux PFAS. C’est la conclusion que l’on peut tirer d’une étude du Dartmouth College (États-Unis), publiée le 12 avril. Dix chercheurs y démontrent qu’une alimentation riche en fruits de mer et en poissons expose aux alkyls poly et perfluorés. Présents dans les poêles, les textiles imperméables, les emballages, le papier toilette ou le dentifrice, les PFAS — des polluants éternels toxiques pour l’humain — sont omniprésents.

Ces scientifiques ont mesuré les niveaux de concentration de vingt-six types de PFAS dans différents échantillons d’espèces marines, parmi les plus consommées. Ainsi, cabillaud, saumon, crevette, thon, coquilles Saint-Jacques, homard et églefin — fraîchement pêchés — ont été achetés, le même jour, sur un marché de la côte du New-Hampshire, au nord-est des États-Unis, avant d’être analysés. Jusqu’ici, la littérature scientifique s’était davantage penchée sur les espèces d’eau douce.

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Résultats ? Les crevettes et les homards trônent sur le podium de la contamination, avec respectivement huit et neuf composés de PFAS détectés. Par exemple, la concentration la plus haute observée était de 2,7 nanogrammes de PFOS par gramme de chair dans les crevettes. Quant aux autres produits, les concentrations étaient globalement inférieures à un nanogramme par gramme de tissus comestibles inspectés.

« Les PFAS suivent la circulation océanique »

Difficile, en revanche, de déterminer où et comment ces substances chimiques ont pénétré la chaîne alimentaire marine. Ni les stations d’épuration ni les usines de potabilisation de l’eau n’éliminent aujourd’hui ces molécules. Les plus grandes espèces — plus loin des côtes — ingèrent ces molécules en mangeant des espèces plus petites déjà contaminées. « Peu piégés dans les sédiments, les PFAS suivent la circulation océanique, et sont lentement transportés depuis leurs sources nord-américaines et européennes vers le reste des océans », expliquent, dans The Conversation, Wilfried Sanchez, écotoxicologue et Yann Aminot, biogéochimiste des contaminants organiques, tous deux à l’Ifremer. « Les PFAS n’épargnent pas non plus les organismes des profondeurs. Des campagnes de mesures réalisées dans les grands fonds marins (entre 800 et 1300 mètres de profondeur) du golfe de Gascogne ont mis en évidence la présence de ces molécules dans tous les échantillons de crustacés et de poissons collectés, avec des concentrations variant entre quelques µg à quelques dizaines de µg/kg (poids frais). »

Les animaux achetés par les scientifiques dans le New Hampshire ont aussi pu être contaminés lors de l’achat : ils ont en effet été soit emballés, soit placés dans des contenants en plastique.

Une fois dressé le constat de cette contamination XXL, les chercheurs de l’université étasunienne ont mené une enquête auprès de 1 829 habitants du New Hampshire. C’est dans cet État que l’on consomme le plus de produits marins. Les adultes consultés en mangent en moyenne 33,9 grammes par jour. Une valeur correspondant presque aux directives de l’État américain, qui recommande d’en manger 32,4 grammes par jour.

Pour les plus gros consommateurs, « le risque d’exposition au PFOS et au PFUnDA [deux composés chimiques de la famille des PFAS] dans les crevettes et le homard achetés dans le commerce est considéré comme excessif par rapport aux valeurs sanitaires indicatives », détaille l’étude. Autrement dit, leurs concentrations peuvent nuire à la santé des personnes les consommant trop souvent.

Effets néfastes sur la santé

Or, chez l’humain, « les PFAS sont associés à un taux de cholestérol élevé, à des troubles de la thyroïde, de la reproduction et du foie, à des troubles du développement du fœtus, au cancer et à d’autres effets néfastes sur la santé », précisent les auteurs. Un corpus de connaissances dénonçait déjà le caractère perturbateur endocrinien des PFAS, et toutes ces conséquences, en décembre 2020.

Les scientifiques du Dartmouth College appellent ainsi à l’élaboration de directives de santé publique plus strictes. Ils souhaitent notamment que soit établie une quantité limite à ne pas dépasser. « Notre recommandation n’est pas de ne plus en manger, précise la co-autrice Megan Romano, professeure agrégée d’épidémiologie à la Geisel School of Medicine de l’université. Les fruits de mer sont une excellente source de protéines maigres et d’acides gras oméga. » Des graisses essentielles pour maintenir des fonctions physiologiques, soutenir le développement neurologique périnatal et réduire le risque de maladies cardiovasculaires tout au long de la vie.

Il apparaît toutefois primordial de mettre en balance les bénéfices et les risques. Aux yeux de Kathryn Crawford, première autrice de l’étude et professeure-adjointe d’études environnementales au Middlebury College, des recommandations claires contribueraient à protéger les personnes les plus vulnérables à ces polluants. Notamment les femmes enceintes, les enfants et les populations côtières, où la prédilection culturelle pour ces mets se heurte aujourd’hui aux découvertes préoccupantes de la science.



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