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Greffe d’utérus. Les expérimentations se développent en France, malgré de nombreux problèmes éthiques.

ByVeritatis

Avr 13, 2024


Les expérimentations sur la greffe d’utérus se multiplient en Inde et aux États-Unis, mais aussi en Europe et notamment en France. Présentée comme une alternative à la GPA, qui demeure illégale dans notre pays comme dans d’autres, pour des femmes souffrant de stérilité utérine, ces essais soulèvent de nombreuses questions éthiques, d’autant qu’en l’état actuel des connaissances, on préfère prélever les utérus à greffer sur des donneuses vivantes.

Une petite fille sur cinq mille est atteinte du syndrome de Mayer-Rokitansky-Küster-Hauser (syndrome MRKH) c’est-à-dire nait avec une absence totale ou partielle de l’utérus et parfois du vagin. Bien qu’ayant des trompes et des ovaires normaux, elle ne pourra donc porter un enfant une fois devenue adulte. Il en va de même pour les femmes ayant dû subir une hystérectomie pour des raisons médicales.

Pour permettre aux femmes souffrant de stérilité utérine de devenir mère, l’Académie nationale de médecine française a recommandé, dans une décision du 23 juin 2015, que soit poursuivi le programme de recherches « strictement encadré », « pour toute innovation en transplantation d’organes et en assistance médicale à la procréation ». Dont acte. La recherche se développe jusqu’à ce jour.

La transplantation d’utérus, un protocole expérimental.

Dès 2015, l’institution souligne que la transplantation de greffe d’utérus en est encore « au stade expérimental » et qu’il est nécessaire qu’une information « claire et détaillée, tenant compte des inconvénients et des risques de la transplantation de l’utérus, soit délivrée aux donneuses vivantes et aux receveuses qui participeront à ces programmes de recherche. ».

C’est toujours vrai en 2024.

La recherche française privilégie les donneuses vivantes, les greffes d’utérus prélevés sur des donneuses en état de mort cérébrale s’étant soldées par un échec dans la quasi-totalité des tentatives.

On compte dans le monde, une centaine de greffes d’utérus réussies dont un peu moins de la moitié a permis de donner naissance à un enfant.

En France, trois bébés sont nés grâce à une telle greffe, en 2019, 2022 et 2023, à l’hôpital Foch de Suresnes où le professeur Jean-Marc Ayoubi, chef du service de gynécologie-obstétrique et médecine de la reproduction de l’établissement, dirige un protocole de recherche en la matière. Les donneuses vivantes étaient toutes un membre de la famille (mère ou sœur) de la receveuse.

Des risques de complication majeurs.

Avant de donner sa bénédiction pour de tels programmes de recherche, l’Académie nationale de médecine prend, dans son rapport de juin 2015, la précaution de souligner les risques importants encourus par la donneuse et par la receveuse, et les dangers du traitement immunosuppresseur, nécessaire pour éviter un rejet, tant pour la mère et pour l’enfant.

L’institution insiste sur les problèmes éthiques que pose cette procédure de greffe dangereuse, alors même que vivre sans utérus ne pose pas de problème de santé particulier si ce n’est une infertilité, pouvant certes être vécue douloureusement, mais enfin non létale.

La greffe d’utérus « se distingue de toutes les autres greffes. D’abord, parce qu’elle n’est pas vitale, note l’académie, Son objectif n’est pas d’assurer la survie du patient comme dans une greffe de cœur ou de foie ; elle n’en facilite pas la survie comme dans la greffe de rein ; elle n’en améliore pas la vie comme dans une greffe de mains ou de visage ».

Une objection éthique relevée par le professeur Jean-Marc Ayoubi lui-même, dans un article de décembre 2021.

« Le don d’organe vivant altruiste est toujours controversé et encore plus pour une transplantation qui n’est pas vitale, le problème majeur étant que la chirurgie du donneur est beaucoup plus étendue qu’une simple hystérectomie avec des risques de complications majeures », explique le médecin.

Mais dès 2015, face à tous ces obstacles éthiques, l’Académie de médecine conclut que la greffe d’utérus « apporte à la femme un sentiment de réparation d’une injustice de la nature et surtout elle permet de donner la vie ».

Des « incertitudes concernant l’avenir à moyen et long terme des enfants nés dans ces conditions si particulières »

Dans son rapport, l’Académie nationale de médecine se dit aussi « préoccupée par les incertitudes concernant l’avenir à moyen et long terme des enfants nés dans ces conditions si particulières ». En effet, les conséquences pour l’enfant, du traitement immunosuppresseur subi par la mère, sont mal connues à long terme et « le risque d’apparition de pathologie (hémopathie, cancer) ne peut être formellement exclu », relèvent les académiciens.

Ils s’inquiètent aussi des enjeux psychologiques d’un tel traitement de l’infertilité, tant pour la donneuse, que pour la receveuse et pour l’enfant.

Mais enfin, ils constatent qu’il est de plus en plus difficile d’adopter un enfant d’une part, et que, d’autre part, « les décisions de justice concernant la GPA s’accumulant, la question des avantages et des inconvénients respectifs de la transplantation utérine et de la GPA ne manquera pas de se poser. »

Ils estiment donc que « la transplantation utérine aurait plusieurs avantages dont le moindre ne serait pas, sinon de tarir le commerce éhonté des ‘ventres à louer’ et l’asservissement des femmes, du moins d’en diminuer le formidable développement. »

Bien qu’insistant sur la difficulté de trouver des organes, les académiciens n’envisagent à aucun moment l’hypothèse, que puisse se développer un « commerce éhonté » d’utérus.

Alors même qu’ils écrivent que « dans nos sociétés modernes, le désir d’enfant est devenu tellement impérieux que certaines femmes sont prêtes à tout pour devenir mère. »

Les transexuelles féminins, un futur vivier d’utérus ?

Les membres de l’académie de médecine évoquent par contre, dès 2015, la possibilité d’utiliser des utérus prélevés « chez les transsexuelles féminins souhaitant devenir hommes (FtM), et acceptant l’utilisation altruiste de leur utérus, hypothèse explorée et vérifiée par les psychiatres de l’Hôpital Foch ». 

Au-delà du nouveau vivier d’utérus que pourrait offrir les transexuelles féminins, les académiciens expliquent que la jeunesse des donneuses serait un atout qui permettrait de « diminuer les risques de complication obstétricales ».

L’hôpital de Suresnes prend en charge des candidates à la transition de genre, et les chercheurs en matière de greffe d’utérus ont proposé que la possibilité de don d’organes soit élargie aux transitionneuses.

Mais cette possibilité a été rejetée jusqu’à présent par les différentes instances éthiques et législatives, de crainte qu’on encourage des hystérectomies par intérêt scientifique et parce que l’ablation d’un utérus à des fins de greffe est plus dangereuse qu’une hystérectomie simple.





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