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« Hors-la-loi », le gouvernement impose sans débat le futur énergétique de la France


12 avril 2024 à 09h38
Mis à jour le 13 avril 2024 à 09h18

Durée de lecture : 5 minutes

De combien doit-on réduire notre consommation d’énergie d’ici 2050 ? Et comment ? Combien d’éolien, de photovoltaïque ou de nucléaire ? Autant de questions fondamentales pour notre avenir climatique, auxquelles le gouvernement français aurait dû répondre avant juillet 2023, via une « loi de programmation sur l’énergie et le climat ». Ce texte ne verra jamais le jour. Le ministre délégué à l’Industrie et à l’Énergie Roland Lescure a annoncé dans le Figaro, mercredi 10 avril au soir, que ces objectifs seront inscrits dans la programmation pluriannuelle de l’énergie. Via un décret, donc, plutôt qu’un projet de loi débattu au Parlement. Un choix qui interroge et inquiète chez les ONG environnementales pour trois raisons.

1 – Une solution « hors la loi » et peu démocratique

En choisissant la voie réglementaire, le gouvernement « se met hors la loi », assure Anne Bringault, directrice des programmes au Réseau Action Climat. « Le Code de l’Énergie est très clair : il aurait fallu une loi. » Un texte, donc, qui ne viendra pas. Il y a bien eu un projet de loi relatif à la souveraineté énergétique. Il a été abandonné. Le gouvernement craignait de ne pas trouver de majorité pour le faire passer. « C’est une vision étrange de la démocratie de n’accepter de débattre devant le Parlement que quand on est certain qu’il adoptera les mesures que l’on souhaite », critique Nicolas Nace, chargé de campagne énergie chez Greenpeace France.

« C’est une vision étrange de la démocratie »

Pourtant, un débat parlementaire « est important pour construire une vision partagée », appuie Anne Bringault. Alors que là, le risque est que la trajectoire énergétique de la France soit perçue comme « imposée par le haut, unilatéralement par Emmanuel Macron et Bruno Le Maire », regrette Nicolas Nace. « Ce n’est pas comme cela qu’on va réussir la transition. »

Le cabinet de Roland Lescure assure de son côté que son choix apportera la « solidité juridique nécessaire ». Quant au besoin de débat démocratique, il compte l’assurer via une consultation organisée avec la Commission nationale du débat public. Le résultat serait connu à l’automne, et le décret de programmation pluriannuelle de l’énergie serait publié à la fin de l’année.

2 – Un manque de vision à long terme

Une « solidité juridique » dont doute Nicolas Nace. « N’importe quel futur président ou présidente, n’importe quel gouvernement pourra, dans le cadre d’un simple décret, modifier totalement la stratégie française pour l’énergie et le climat », dit-il. Inscrire de tels objectifs dans un décret est « opposé à l’idée de planification, qui suppose de voir à long terme et sécuriser les acteurs ». C’est notamment nécessaire pour encourager les entreprises à investir dans les énergies renouvelables ou la rénovation des logements. Une loi aurait donné « un signal politique beaucoup plus fort », ajoute Anne Bringault. Le gouvernement assure offrir au contraire « visibilité et efficacité », a insisté le cabinet du ministre Roland Lescure.

3 – Des objectifs peu ambitieux

Sur le fond, le texte suscite également le doute. Le cabinet de Roland Lescure a énoncé une série d’objectifs qu’il compte inscrire dans cette programmation pluriannuelle de l’énergie. Notamment diviser par deux notre consommation d’énergie, et atteindre la neutralité carbone d’ici 2050. Pour cela, il faut diminuer la consommation d’énergies fossiles. « Cela veut dire que l’on va produire plus d’énergie électrique », a détaillé le cabinet de M. Lescure. « Donc augmenter notre production de nucléaire et augmenter notre production d’énergie renouvelable. Il y a une opposition entre les deux. On veut dépasser ces clivages. »

L’idée est d’augmenter la capacité nucléaire « avec une production de l’ordre de 400 TWh, lancer la construction des six EPR2 pour une entrée en production entre 2035 et 2042 », a précisé Roland Lescure au Figaro. Côté énergies renouvelables, l’ambition est de multiplier par cinq la production de gaz renouvelable (méthanisation) d’ici 2035, par cinq également celle du photovoltaïque, par deux celle des éoliennes terrestres et de la chaleur renouvelable.

Pas de quoi impressionner Nicolas Nace, qui note que le gouvernement « se contente d’aller au minimum de ce qui doit être fait au niveau européen et encore, sur les énergies renouvelables, ce ne sera probablement pas suffisant ».

« La France n’est pas un pays moteur sur le solaire »

La production d’énergie photovoltaïque multipliée par cinq ? « Quand on regarde ce qui se passe dans les pays voisins, y compris moins ensoleillés comme les Pays-Bas, on se rend compte que ça ne fera pas de la France un pays moteur sur cette énergie », dit-il.

Multiplier par deux l’éolien ? « C’est continuer comme on faisait les années précédentes », relève Anne Bringault. Surtout, pour l’instant, elle ne trouve pas trace de l’objectif de baisse de notre consommation d’énergie de 30 % d’ici 2030, comme le prévoyait le projet de loi abandonné. « C’est important car on est sur un horizon assez court », insiste-t-elle. « Si ce n’est pas retenu, ce sera un échec grave. » Or, sobriété énergétique et énergies renouvelables « sont les deux seuls leviers que l’on va pouvoir activer rapidement, puisque les nouveaux réacteurs nucléaires n’entreront pas en fonctionnement avant 2035 et plus certainement 2040 ».



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