Petit, agressif, diurne… le moustique tigre (Aedes albopictus) vous a gâché la vie l’été dernier ? Pour réduire ses nuisances, il existe des solutions simples à mettre en œuvre dès le début du printemps, sans attendre de se faire piquer par la première spécimen (seule la femelle pique). Faute de mesures précoces, la situation peut devenir ingérable : une femelle de moustique tigre vit environ trois semaines, pendant lesquelles elle est capable de pondre jusqu’à 200 œufs par ponte, à raison d’une ponte tous les quatre jours.
Pour bien le combattre, encore faut-il bien connaître ses habitudes. Contrairement aux moustiques plus communs (Culex pipiens et Culiseta annulata), le tigre ne pond quasiment jamais dans l’eau. La femelle dépose ses œufs sur les parois asséchées et verticales de toutes sortes de contenants, quelques millimètres au-dessus du niveau de l’eau. Aussi ne se reproduit-elle pas dans les milieux naturels, comme les mares, les fossés ou les marais. Il s’agit d’un insecte plutôt urbain ou périurbain, qui aime le béton et le plastique.
Autre caractéristique : le moustique tigre ne se développe pas dans les grands volumes d’eau. Donc, pas de panique avec la piscine du voisin ! Elle n’attirera pas plus de moustiques tigres, surtout si elle est entretenue et traitée au chlore. En revanche, Aedes albopictus aime l’eau stagnante (sans mouvement, qu’elle soit claire ou pas), et le moindre objet creux peut devenir un site de ponte, autrement désigné comme « gîte larvaire ». Un simple bouchon de bouteille lui suffit.
Les œufs peuvent rester tout l’hiver en « diapause » sur les bords du récipient. Ils sont très résistants, y compris au gel et à la sécheresse. Aux premières pluies ou arrosages de printemps, lorsque les parois du contenant sont submergées, ils vont éclore, et les larves commencer à se développer dans l’eau. Entre l’éclosion de l’œuf et l’émergence de l’adulte, il faut compter huit jours en période chaude, mais plusieurs semaines quand la température de l’eau n’est pas très élevée.
Une fois en possession de ces connaissances, voici les principaux conseils à suivre :
- 1. Faites la guerre à tous les petits récipients d’eau
- 2. Créez un environnement hostile au moustique tigre
- 3. Protégez-vous en intérieur et en extérieur
- 4. Sensibilisez votre voisinage
1- Faites la guerre à tous les petits récipients d’eau
Il est important d’agir le plus tôt possible au printemps. Le stade larvaire aquatique est celui où il est plus facile d’intervenir. Une fois que le moustique est adulte et vole, la lutte devient beaucoup plus complexe.
• Les objets :
« La lutte contre les gîtes larvaires, c’est la base fondamentale, insiste Guillaume Lacour, entomologiste médical et responsable scientifique à Altopictus, une entreprise spécialisée dans la lutte contre le moustique tigre. Les autres actions viendront seulement en complément. » Pots, arrosoirs, jouets pour enfant, soucoupes, outillage de jardin, pluviomètres, siphons extérieurs, pieds de parasol, bâches, brouettes, vieux pneus… Tous les objets peuvent devenir des sites de ponte. Il est donc primordial de les vider très régulièrement, de les mettre à l’abri ou de les positionner pour qu’ils ne puissent stocker aucune goutte d’eau (arrosoirs tête en bas, seaux retournés, etc.).
« Fixez-vous un jour du moustique dans la semaine, conseille Morgane Querharo, chargée de coordonner le réseau Piktro à Graine Occitanie, une association qui informe et accompagne dans la lutte contre le moustique tigre. Ce jour-là, faites le tour du jardin, de la terrasse et videz tous les récipients, rangez les jouets, etc. » Pour les plantes en pot, elle conseille de mettre du sable dans la coupelle, ce qui permet d’arroser la plante sans que l’eau ne soit exploitable par le moustique. Enfin, prenez garde à certaines plantes à larges feuilles pouvant retenir l’eau.
• Les récupérateurs d’eau :
L’opération s’avère un peu plus complexe avec les récupérateurs d’eau, l’un des lieux de prédilection du moustique. « Si vous possédez un modèle avec un robinet en bas, le plus simple et efficace est d’arrêter la gouttière quelques centimètres au-dessus de l’orifice d’entrée du récupérateur et de coller sur cet orifice un morceau de moustiquaire bien solide en plastique », explique Guillaume Lacour. L’eau continuera à aller dans le récupérateur, mais pas les moustiques. Une fois en place, le dispositif est pérenne.
Pour celles et ceux qui possèdent un récupérateur sous forme de bidon, « les fameux bidons bleus », comme les appelle Guillaume Lacour, la technique est plus compliquée : « On recommande de tendre sur le bidon une moustiquaire de façon bien serrée, afin qu’il n’y ait aucun espace sur les côtés. » Il existe dans le commerce des moustiquaires rondes (ou filets de protection) en tissu avec un cordon pour serrer autour du bidon. Mais cela demande de refixer correctement la moustiquaire avec le cordon à chaque utilisation, et de vérifier qu’il n’y ait pas un seul espace. « Les gens le font les premières fois, mais cette manipulation est difficile à tenir sur la durée », constate le responsable scientifique d’Altopictus. La solution : remplacer le cordon par un fil de plomb. Ceux qu’on utilise dans les rideaux ou pour la pêche. « Le filet va se tendre et se remettre en place tout seul. C’est moins contraignant au quotidien. »
• Les autres endroits sensibles de la maison :
Les rigoles : n’oubliez pas de les nettoyer régulièrement pour éviter qu’elles ne se bouchent et que l’eau n’y stagne.
Les regards de descente de gouttière : ils font partie des lieux pas simples à gérer. Comme pour les récupérateurs avec robinet, Altopictus préconise de couper la gouttière un peu au-dessus du regard et d’équiper ce dernier d’une moustiquaire pérenne. Si vous ne pouvez pas couper la gouttière, visionnez le tutoriel publié par la ville de Bordeaux afin d’installer une moustiquaire correctement autour du conduit. Autre solution : combler le « piège à sable » présent au fond du regard avec du béton, jusqu’au niveau du tuyau d’évacuation pour éviter toute eau stagnante. S’il s’agit d’un regard en ciment, vous pouvez tout simplement y verser de l’eau bouillante. Une solution fatale aux larves, mais temporaire…
Les terrasses à plots posées sur du béton : c’est l’un des obstacles majeurs à la lutte contre le moustique tigre. L’eau passe à travers les planches ou les dalles et stagne en dessous en raison de l’absence ou d’une mauvaise évacuation. « L’idéal est de faire corriger la malfaçon pour permettre une évacuation correcte », conseille Guillaume Lacour.
Si aucune évacuation n’est possible, vous pouvez recourir à un produit liquide à base de polydiméthylsiloxane (PDMS). Un film de silicone va s’étaler sur toute la surface de l’eau et étouffer les larves en les empêchant de respirer à la surface. Attention : « On ne peut pas utiliser ce type de produit à base de pétrole si l’eau retourne dans la nature ou s’évacue ensuite en station d’épuration », prévient le spécialiste d’Altopictus. Il existe d’autres produits du même type, mais à base d’huiles végétales, moins problématiques pour l’environnement.
2- Créez un environnement hostile au moustique tigre
• De l’air : le moustique tigre aime se reposer dans les herbes ou les broussailles à l’abri du vent. Il ne vole jamais très haut, et pique plutôt au niveau des jambes et des chevilles. Lors du déjeuner sur le balcon ou la terrasse, utilisez un ventilateur.
• Des oiseaux : même si aucune étude ne montre pour l’heure que les oiseaux ont intégré le moustique tigre à leur menu, vous pouvez tout de même tenter l’installation de nichoirs à martinets, hirondelles, rougequeues ou encore gobemouches. En revanche, si les chauves-souris peuvent être utiles pour les moustiques communs, elles ne chasseront pas le tigre, trop diurne pour elles.
• Des poissons : si vous avez un bassin, mettez-y des poissons qui se régaleront des larves.
3- Se protéger à l’intérieur et à l’extérieur
« Il faut équiper toutes les fenêtres de moustiquaires pour pouvoir aérer son logement sans prendre le risque de se faire piquer, recommande Guillaume Lacour. En Camargue, où les habitants ont toujours vécu avec les moustiques, les fenêtres sont toutes équipées. » À l’extérieur, portez des vêtements amples et clairs, le moustique préférant les couleurs sombres.
Utilisez des répulsifs. Les plus efficaces sont à base de DEET, d’IR3535 ou d’icaridine, même si toutes les références ne se valent pas. Certains produits à base de citriodiol, qu’on peut aussi trouver sous le nom de PMD ou d’huile essentielle d’eucalyptus citronné (ou citriodora), se révèlent efficaces selon des tests réalisés par l’UFC-Que choisir et 60 Millions de consommateurs. Tout dépend de leur formulation. Ces répulsifs avec huiles essentielles sont cependant déconseillés pour les enfants de moins de 3 ans et les femmes enceintes ou allaitantes.
Faut-il acheter un piège ? Pièges à CO2, pièges-pondoirs, pièges à larves, pièges à femelles gravides : il en existe différents types. Tous ne sont pas forcément adaptés et tous ne se valent pas. Et surtout, un piège ne doit venir qu’en complément de la lutte hebdomadaire contre les gîtes larvaires. Ne vous précipitez pas sur le premier attrape-moustique vendu.
Guillaume Lacour conseille les pièges à femelles gravides, c’est-à-dire ceux qui vont attirer et piéger les femelles à la recherche d’un lieu de ponte : « L’efficacité des pièges Biogent BG–GAT a été prouvée scientifiquement. Les femelles sont attirées par l’eau qui stagne au fond du récipient. Un filet les empêche d’accéder à l’eau, et quand elles veulent ressortir, elles se retrouvent collées sur la paroi intérieure. » L’entomologiste déconseille en revanche les pièges à larves avec un système d’entonnoir censé bloquer la sortie des moustiques. Il cite l’exemple de trois habitants qui s’en étaient équipés : « Dans les trois cas, le piège ne piégeait plus, mais il produisait des moustiques. Il suffit que le couvercle bouge un peu pour qu’il devienne un super gîte larvaire. »
De façon générale, Altopictus recommande de privilégier des pièges imagocides, c’est-à-dire qui tuent les moustiques adultes, « sans produit biocide, à placer en extérieur, qui ont démontré leur efficacité contre le moustique tigre (BG-Mosquitaire, BG–GAT, Mosquito-Magnet, Biobelt) et avec un meilleur rapport coût-efficacité ». Côté prix, le BG–GAT reste le plus accessible, aux alentours d’une soixantaine d’euros le pack de deux.
4- Sensibiliser votre voisinage
« Le moustique tigre vole peu, rappelle Guillaume Lacour. Il ne dépasse pas un rayon de 150 m. Si on arrive à mobiliser son voisinage, on peut réellement réduire les nuisances. La lutte doit être communautaire. »
Mais le sujet est explosif, constate le spécialiste. L’insecte peut devenir un motif de conflit important avec ses voisins. Aussi la diplomatie est-elle de mise. « Il ne faut pas vouloir imposer les choses. Invitez vos voisins à l’apéro. Montrez-leur comment vous avez procédé pour vous débarrasser des larves de moustiques dans votre récupérateur d’eau ou votre regard, par exemple. »
Le moustique tigre peut aussi être un vecteur de liens. Dans certaines villes, des citoyennes et citoyens se sont emparés du sujet et transmettent bénévolement les bonnes pratiques aux habitants du voisinage. Pourquoi ne pas créer une « brigade du tigre » dans votre quartier, comme l’ont fait des Toulousaines et Toulousains ?