• lun. Mai 6th, 2024

Vos bouteilles de Perrier sont-elles contaminées par du caca ?


Perrier a-t-elle mis en vente, en connaissance de cause, des eaux contaminées par du caca ? Mercredi 24 avril, l’entreprise Nestlé Waters, qui possède la marque Perrier, a en tout cas annoncé à l’AFP avoir, « par précaution », détruit une partie de sa production. En cause : une contamination par des bactéries fécales. Au moins deux millions de bouteilles ont été détruites, a aussi précisé l’entreprise au Monde et Franceinfo, qui enquêtent conjointement sur la contamination des eaux minérales depuis plusieurs mois.

« Toutes les bouteilles mises à disposition de nos clients et de nos consommateurs peuvent être consommées en toute sécurité », veut rassurer Nestlé, contacté par Reporterre. « Nestlé minimise », proteste Ingrid Kragl, directrice de l’information de Foodwatch. L’association de consommateurs demande un rappel massif des bouteilles d’eau déjà commercialisées. Car pour elle, rien ne garantit qu’elles ne présentent pas, elles aussi, un danger.

« Un risque pour la santé des consommateurs »

En effet, l’eau de Perrier est pompée à sa source historique, à Vergèze, dans le Gard. Or, après les fortes pluies de la tempête Monica, le 10 mars dernier, l’un des puits qui alimentent la production s’est retrouvé contaminé par des bactéries fécales. Nestlé euphémise en évoquant une « déviation ponctuelle ». « Des analyses complémentaires ont été initiées, sous le contrôle des autorités, qui ont conduit à la suspension immédiate de l’exploitation de ce puits et à la destruction par précaution de plusieurs lots de bouteilles », nous détaille le service communication du groupe.

L’arrêté du préfet du Gard daté du 19 avril dernier, qui nous a été transmis par la préfecture, est plus éloquent. Il constate « à partir du 10 mars et sur plusieurs jours […] une contamination d’origine fécale (coliformes, Escherichia coli), mais aussi par des germes de l’espèce Pseudomonas aeruginosa ». Il estime que la contamination de l’eau embouteillée ne peut être exclue, et qu’il y a un « risque pour la santé des consommateurs ». Il demande « de suspendre sans délai l’exploitation » du forage incriminé. Nestlé Waters ne pourra pomper à nouveau qu’à condition d’avoir identifié et supprimé les sources de pollution et fourni jusqu’à douze mois d’analyses conformes.

L’industriel veut-il réellement protéger les consommateurs ?

« Ce qui est alarmant, c’est que sans cette décision du préfet du Gard, les bouteilles seraient peut-être parties sur le marché », s’inquiète Ingrid Kragl. « Pourtant, la loi prévoit que dès qu’un industriel identifie un risque sur sa chaîne de production, il doit alerter les autorités. » Nestlé assure que c’est ce qu’il a fait : « Nous avons immédiatement mis en place le protocole prévu », nous répond-t-on.

Pas de quoi convaincre l’association de la réelle volonté de l’industriel de protéger les consommateurs. « Ce n’est pas la première fois qu’il pleut de cette façon-là. Est-ce qu’il n’y a pas déjà eu des contaminations auparavant ? Est-ce qu’on a quand même mis les produits sur le marché ? » questionne la directrice.

Pour elle, la confiance est rompue. Car depuis fin janvier, les révélations inquiétantes pleuvent sur les pratiques de Nestlé. Le 30 janvier dernier, Le Monde et Franceinfo avaient révélé que Nestlé et d’autres industriels avaient illégalement filtré les eaux vendues en bouteille, afin de masquer leur contamination. Début avril, ils poursuivaient l’enquête en dévoilant une expertise de l’Anses (Agence nationale de sécurité sanitaire) datée d’octobre 2023. Celle-ci relevait une contamination microbiologique (bactéries coliformes, Escherichia coli, entérocoques) régulière pouvant pour certains puits « atteindre à plusieurs reprises une concentration élevée ».

Tant les sources de la région Grand Est (Hépar, Vittel et Contrex), que celles de Perrier en Occitanie étaient concernées. Des PFAS — des « polluants éternels » — et des pesticides dans des proportions dépassant parfois la limite réglementaire pour l’eau minérale naturelle de 0,1 microgramme par litre avaient également été trouvés par l’Anses. Qui concluait que ces non-conformités « ne devraient pas conduire à la production d’eaux embouteillées ».

« Nous conduisons ainsi quotidiennement des tests approfondis avec plus de 700 analyses sur ce site », se défend encore Nestlé concernant Perrier. Le groupe nous assure avoir « renforcé ses procédures de contrôle et de gestion intégrée de la qualité de ses produits » à Vergèze, mais seulement depuis… 2023.

La Commission européenne dans la boucle

Déjà, début avril, Foodwatch s’interrogeait : « Lorsque l’eau minérale est polluée, il ne fait aucun doute que la mise en bouteille et la commercialisation doivent être suspendues. Or, ce n’est pas ce qui s’est passé. Nestlé Waters continue-t-elle aujourd’hui de commercialiser ses produits non conformes ? A-t-elle renoncé aux filtrations illégales ? La pollution a-t-elle subitement disparu et si oui, comment ? » Trois semaines plus tard, force est de constater que certaines bouteilles étaient effectivement polluées.

L’association est toujours sur le front et a écrit à la Commission européenne, car les eaux de Nestlé ne sont pas consommées uniquement dans l’Hexagone. « Or, la France n’a jamais informé la Commission européenne de quoi que soit, ni les autorités des autres pays européens », déplore Mme Kragl. « Je partage entièrement votre point de vue sur le droit à la transparence. Il est de la plus haute importance de veiller à ce que les consommateurs reçoivent des informations claires et fiables », a répondu à l’association la Commissaire européenne à la Santé Stella Kyriakides.

La France devra s’expliquer auprès de ses partenaires européens mardi 30 avril. À voir si, à cette occasion, les autorités françaises apporteront des réponses aux nombreuses questions en suspens.



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