• dim. Mai 19th, 2024

des désaccords stratégiques mènent à la scission


C’est officiellement un divorce à l’amiable. Une scission politique qui témoigne de l’évolution du mouvement climat. Le 25 avril, Alternatiba Paris devient Action Justice Climat. Avec un acronyme, AJC, à prononcer « Agissez ! ». Un nouveau nom pour de nouvelles orientations axées autour de trois piliers : l’écologie populaire, les alliances avec les syndicats et autres organisations et la lutte contre l’extrême droite.

« Cela fait plusieurs années que nous avions des dissensus au sein d’Alternatiba et nous n’avions pas trouvé de place pour les exprimer. Cela s’est accéléré avec la réforme des retraites, Alternatiba Paris s’est tout de suite engagé sur le sujet. On n’investissait plus les mêmes espaces et nous n’avions plus les mêmes stratégies », explique Léa Geindreau, 29 ans, porte-parole du groupe parisien.

Le réseau Alternatiba, lancé en 2013, revendique aujourd’hui 113 groupes locaux, coordonnés par une équipe nationale. Chaque entité locale possède une certaine autonomie dans le choix de ses actions. Mais certains sujets ont créé des tensions, notamment sur les enjeux de gouvernance. « Ça a été l’un des points sur lesquels on n’a pas pu débattre, dit Léa Geindreau. Quand la gouvernance n’évolue pas alors qu’on est beaucoup plus nombreux qu’avant, tout le monde n’arrive pas à trouver sa place. »

Alternatiba Paris a pris part au mouvement contre la réforme des retraites, ici lors de la manifestation intersyndicale du 23 mars 2023.
© NnoMan Cadoret / Reporterre

Elle nous reçoit avec Clém, 26 ans, également porte-parole, dans les locaux de l’association, rue Santeuil à Paris. Accroché au mur du local, une grande banderole héritée de La Base, l’ancien QG d’Alternatiba, fermé en juin 2022. Le tissu est griffonné de mots d’amour envers un lieu devenu l’épicentre de la lutte écologique, surtout pendant les marches pour le climat.

Mais aujourd’hui, Alternatiba Paris veut tourner la page. « Une étude montre que 85 % de la population française est aujourd’hui inquiète du réchauffement climatique. On a gagné cette bataille culturelle en mettant le sujet du climat à l’agenda, grâce aux mobilisations de masse en 2018. Il faut désormais parler d’urgence climatique en la liant à l’urgence sociale », poursuit Léa.

Alternatiba Paris avait apporté son soutien aux salariés de la raffinerie Total de Grandpuits qui protestaient, en janvier 2021, contre la transformation du site en usines spécialisées dans le bioplastique et les biocarburants.
© NnoMan Cadoret / Reporterre

Le slogan « fin du monde, fin du mois, même combat » créé durant les manifestations des Gilets jaunes est plus que jamais d’actualité. Paris s’était également allié au Front de mères pour ouvrir la maison de l’écologie populaire de Verdragon, ainsi qu’avec les raffineurs de Grandpuits en 2021. L’an passé, ils étaient de toutes les manifestations contre la réforme des retraites. « On veut continuer d’affirmer cette ligne-là dans tous les projets qu’on va mener, en donnant la parole aux premiers concernés », explique Clém.

À gauche, le logo d’Alternatiba Paris ; à droite, celui d’Action Justice Climat.

Lyon et Montpellier dans la même dynamique

Paris n’est pas la seule ville à quitter la maison mère : Lyon et Montpellier s’inscrivent dans la même dynamique. « Cela fait plusieurs années qu’on se posait des questions. On avait des envies différentes de l’équipe nationale d’Alternatiba, raconte Justine, 24 ans, du groupe local de Lyon. Notre spécificité, ce sont les luttes contre l’extrême droite, pour lesquelles on se mobilise. La création de ce nouveau mouvement permet d’acter ce tournant antifa. »

Pour lutter contre la récupération de l’écologie par l’extrême droite, Alternatiba Lyon s’est allié à d’autres acteurs. « Nous faisons partie de l’interorganisation Fermons les locaux fascistes, réunissant des syndicats, des associations et des collectifs antifa. On fait aussi des tractages, de la sensibilisation, du plaidoyer », poursuit Justine.

Cette stratégie d’alliance est un autre pilier du nouveau collectif Action Justice Climat. « Il y a besoin de créer des coalitions ponctuelles sur certains sujets pour faire avancer la bataille culturelle », renchérit Léa, à Paris. Dernier exemple en date, les actions menées avec Urgence Palestine. « Il n’y a pas eu de positionnement public de la part d’Alternatiba national sur ce qui se passe en ce moment à Gaza. Peut-être que ce n’est pas un sujet sur lequel ils estiment avoir quelque chose à dire », poursuit-elle. Autre sujet que le nouveau collectif souhaite prioriser : le militantisme soutenable afin d’éviter « de reproduire des logiques de burn out militant », justifie Léa.

Lors de la manifestation contre la réforme des retraites du 23 mars 2023, 3,5 millions de manifestants ont battu le pavé selon la CGT (1,08 million selon la police).
© NnoMan Cadoret / Reporterre

La rupture n’a pas été sans douleur. Une médiation a été menée entre les Parisiens et le réseau national, dont les bureaux sont décentralisés. Mais Léa et Clém n’ont pas envie de laver leur linge sale en public. « Cette médiation a été faite pour clôturer un chapitre. Cela faisait dix ans que nous luttions ensemble. C’est sain de construire de nouvelles choses et de nouveaux modes d’action. On est aujourd’hui hyper enthousiastes », dit Léa.

Des priorités divergentes

Officiellement donc, aucune animosité entre le nouveau groupe Action Justice Climat et son ancienne maison mère. « Pour nous, il ne s’agit pas de différences stratégiques, mais plutôt de nuances sur certains sujets comme la façon de lier écologie et justice sociale », confie Gaspard Tamagny, membre de l’équipe d’animation d’Alternatiba global.

Pour l’équipe historique, l’enjeu de la massification reste essentiel. « Nous ne pouvons pas avoir une vision uniquement sur les grandes villes où ces groupes locaux ont réussi à mobiliser. Dans les territoires ruraux, il y a moins de gens mobilisés sur le climat », rappelle-t-il. Quant à la montée de l’extrême droite, « le sujet nous préoccupe, mais ce n’est pas notre ADN central », poursuit Gaspard Tamagny.

Actuellement, toutes les forces du réseau national sont concentrées sur le Tour Alternatiba à vélo. Un projet qui se poursuit depuis 2015 et qui consiste à parcourir la France à vélo en s’arrêtant dans des villes. « Près de 100 étapes sont déjà validées. Beaucoup de nouvelles personnes nous rejoignent à cette occasion », se réjouit Gaspard Tamagny.

À la suite de ce tour, il espère que de nouveaux groupes Alternatiba naîtront à Paris et Lyon. Un groupe se maintient déjà à Montpellier. « Nous ne sommes pas en concurrence [avec AJC] ni avec les autres membres du mouvement climat. Nous continuerons de travailler ensemble et je pense qu’à plus long terme, nous gagnerons des personnes qui rejoindront le mouvement climat », conclut Gaspard Tamagny.





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