• ven. Mai 17th, 2024

Une invention fulgurante, par Odile Belkeddar (Le Monde diplomatique, mai 2024)

ByVeritatis

Avr 30, 2024


Du temps de la jeune révolution soviétique, les livres pour enfants étaient les « meilleurs du monde », selon la poétesse Marina Tsvetaïeva. Des artistes d’avant-garde ont confronté un public de non-lecteurs (60 % d’analphabétisme) à un bouleversement graphique saisissant (1). Le langage est alors autant dessiné qu’oralisé, concis et rimé, facile à mémoriser comme sur une affiche. Cet art « neuf », qui entend s’adresser prioritairement aux enfants, en tant que « constructeurs » en devenir de la société du progrès pour tous, la chercheuse Dorena Caroli le réinsère dans son contexte, entre le loubok, sorte d’image d’Épinal, la photographie et le dessin qui s’anime mais aussi les travaux du Bauhaus et l’implication décisive de peintres, de graphistes, de photographes majeurs — Lazar Lissitzky, Vladimir Lebedev, Alexandre Rodtchenko, Varvara Stepanova…

Albums, documentaires, livres-jeux, livres-jouets, revues : la liberté d’expérimentation donne lieu à des chefs-d’œuvre rarement traduits en français, jusqu’à la reprise en main idéologiquement normée des années 1930. Le tableau concret des enjeux, entre volonté artistique de stimuler l’imagination chez l’enfant et celle, étatique, de formater une génération, est instructif. Les plus avant-gardistes, comme Les Deux Carrés, de Lissitzky, ou les Animaux à mimer de papier de Serge Tretiakov (2), photographiés par Rodtchenko, restent d’une audace étonnante…



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