• sam. Mai 18th, 2024

notre sélection écolo du printemps


LIVRES

Éloge de la haie

Difficile de classer ce petit ouvrage écrit d’une plume enlevée. Une enquête ? Un essai botanico-philosophico-historico-artistique ? Un récit ? Sans doute un peu de tout ça, et surtout une ode à la haie, cette beauté familière et échevelée qui parcourt nos campagnes. Sonia Feertchak nous embarque dans ses pérégrinations dans le York, près d’une jolie rivière d’Eure-et-Loir, ou dans sa courette parisienne, à la rencontre de cet écosystème foisonnant. À travers des observations précises et émerveillées, elle parle des haies qu’elle fréquente depuis son enfance comme de véritables compagnes. Pour réfléchir à cette relation, elle invite philosophes, jardiniers, naturalistes, écrivains et artistes. La disparition des haies est évidemment évoquée, mais l’ouvrage est résolument optimiste et invite à l’action concrète. C’est cultivé dans tous les sens du terme, beau et joyeux. Poétique, mais aussi politique.

Éloge de la haie — Pour un désordre végétal, de Sonia Feertchak, aux éditions Philosophie Magazine Éditeur, février 2024, 204 p., 19,50 euros.

La Fin du monde est un concept sans avenir

C’est une somme très impressionnante — plus de 1 200 pages en deux colonnes de texte — que livrent les éditions du Seuil pour rendre hommage à Paul Virilio, un penseur de la technologie que l’époque oubliait. Il s’agit de « fortifier » son œuvre d’« un bunker littéraire et critique ». Voilà qui est fait, et si la lecture totale en est improbable, on peut glaner au fil du parcours de belles pépites, qui témoignent de la pertinence de cet architecte qui s’est éteint en 2018. Le cœur de sa pensée était l’analyse du phénomène nouveau de la vitesse, propre à l’époque moderne, et qui se croisait avec le phénomène de l’accident, de plus en plus fréquent et grave. Cela l’avait conduit à s’intéresser aux mouvements de lutte écologique, et à suggérer le besoin d’une sensibilité au réel moins soumise à l’insistance de l’époque sur l’instant et l’accélération. De quoi nous faire retrouver le présent avec un autre regard.

La Fin du monde est un concept sans avenir, de Paul Virilio, aux éditions du Seuil, novembre 2023, 1 248 p., 48 euros.

Océans

Si vous souhaitez en apprendre plus sur l’océan (et sur les activités qui le détruisent), ce livre est pour vous. Concocté avec des scientifiques et des activistes écologistes — le doctorant en écologie marine et vulgarisateur Raphaël Seguin, le chercheur au CNRS Joachim Claudet, la fondatrice de Sea Shepherd France Lamya Essemlali, etc. —, cet ouvrage joliment illustré aborde de manière didactique l’histoire de la conquête des océans, les conséquences de l’exploitation minière des fonds marins, la pollution sonore, ou encore les mécanismes du chant des cétacés. À mettre entre toutes les mains avides d’eau salée.

Océans, de Raphaël Seguin, Daniel Pauly, Anne-Sophie Roux, Éric Lamblin, Laurie Debove, Lamya Essemlali, Joachim Claudet, aux éditions La Relève et la peste, décembre 2023, 230 p., 22 euros.

Le guide Terre vivante du potager productif et écologique

Quelle taille pour mon potager ? Où le placer ? De combien d’eau aurai-je besoin ? Combien de légumes différents cultiver pour commencer ? Les questions sont pratiques, les réponses claires, précises, applicables. Ce manuel de jardinage n’est pas juste un ouvrage de plus, c’est un très utile condensé des savoir-faire diffusés par la maison d’édition Terre vivante. De nombreuses photos, schémas et tableaux rendent le contenu pédagogique. Tous les aspects de la vie du potager sont traités : fertiliser le sol, planifier les semis et les plantations, économiser l’eau… Les différentes techniques, leurs avantages et inconvénients sont présentés. Utile autant pour le néophyte que le cultivateur confirmé, ce guide mérite amplement d’être ajouté à la sélection des meilleurs livres de jardinage de Reporterre.

Le guide Terre vivante du potager productif et écologique, aux éditions Terre vivante, février 2024, 320 p., 35 euros.

REVUE

L’Amorce

C’est une première : L’Amorce, la revue contre le spécisme, est sortie en format papier. Né en 2018, ce média en ligne publie régulièrement des entretiens avec des militants, des critiques d’ouvrages et des réflexions pour « se pencher, obstinément, sur cette discrimination selon l’espèce qu’est le spécisme ». Mi-avril, la revue s’est déclinée en format papier, avec une sélection d’articles déjà publiés sur le site internet, mais aussi de nouveaux textes, notamment une rubrique pour répondre à des propos d’autrices ou d’auteurs s’opposant à l’antispécisme. Joliment édité, accompagné de belles illustrations naturalistes, ce premier numéro donne à comprendre la pensée antispéciste, pour les initiés comme pour celles et ceux qui n’y connaissent rien. Un bel objet qui pousse à la réflexion.

L’Amorce, revue contre le spécisme, N°1, aux éditions Eliott Éditions, avril 2024, 128 p., 15 euros.

BD

Pillages

Afin de satisfaire l’appétit des Occidentaux, 17 000 chalutiers industriels vident les mers africaines. Ce pillage charrie son lot de catastrophes : les fonds marins sont rasés, les pêcheurs réduits à l’esclavage, les autres travailleurs de la mer condamnés à la pauvreté. Cette histoire tragique est racontée par le dessinateur Renan Coquin et Maxime de Lisle, de Seastemik (une organisation militant pour la réduction de la consommation de poissons) et commandant en second sur un navire de l’association Sea Shepherd en Afrique de l’Ouest. On y suit plusieurs personnages, tous pris « dans les filets d’un dispositif économique devenu fou », pour reprendre les termes du philosophe Baptiste Morizot, qui préface l’ouvrage : le capitaine tyrannique d’un chalutier chinois, de jeunes militants écologistes bravant tempêtes et pirates afin de freiner la catastrophe… Un récit éloquent et bien documenté, qui interroge avec subtilité les dérives de notre système alimentaire.

Pillages, de Maxime de Lisle et Renan Coquin, aux éditions Delcourt, avril 2024, 120 p., 17,95 euros.

Terres rebelles, le voyage zapatiste en Europe

C’est un récit de voyage atypique. En 2021, sept zapatistes ont quitté le Mexique en bateau pour rejoindre l’Europe. Une autre délégation, venue en avion, les a rejoints sur le continent. Le but : aller tous ensemble à la rencontre des initiatives qui se construisent pour bâtir un monde meilleur. Construite en plusieurs épisodes, cette bande dessinée aux superbes couleurs pastel nous fait voguer de l’espace autogéré Les Tanneries, à Dijon, à la coopérative agricole Longo Maï, dans les Alpes-de-Haute-Provence. Sont également distillés ici et là des flashbacks pour comprendre l’histoire et la culture du mouvement zapatiste depuis les années 90. Un régal pour les yeux, du miel pour le cœur.

Terres rebelles, le voyage zapatiste en Europe, de Jérôme Baschet, Lisa Lugrin, Métie Navajo, aux éditions Futuropolis, janvier 2024, 208 p., 25 euros.

Béton, enquête en sables mouvants

Il est partout autour de nous, nécessite l’extraction d’une quantité folle de ressources et requiert énormément d’énergie pour sa production… Voici le béton ! Dans cette BD, une architecte, un journaliste enquêteur et un dessinateur nous décryptent tous les enjeux de ce matériau fétiche de la construction contemporaine. On alterne entre explications techniques illustrées de dessins inventifs et enjoués, et une enquête haletante. Car même en Suisse, pays où vivent les auteurs, les géants du BTP œuvrent en sous-main pour ouvrir de gigantesques carrières d’extraction de sable. Une alerte nécessaire sur l’ampleur de l’emprise délétère du béton.

Béton, enquête en sables mouvants, d’Alia Bengana, Claude Baechtold et Antoine Maréchal, aux éditions La Cité graphique, avril 2024, 160 p., 24 euros.

La Route

Il n’est jamais trop tard pour découvrir un classique, repris par les traits de Manu Larcenet. Dans un monde dévasté, glacé, couvert de cendres et de corps sans vie, un père et son fils errent en tentant de gagner le sud. C’est précis, poignant, totalement déchirant. On a la gorge serrée devant la dignité de ce duo. Leur refus de tuer ne serait-ce qu’un chien pour s’alimenter, alors que le pays est parcouru de hordes de cannibales aux pratiques barbares. La détermination du père à tenir debout pour amour pour son fils et à le protéger des horreurs rencontrées. La pureté du fils, qui veut partager leurs maigres victuailles avec un vagabond croisé en chemin, alors même qu’ils meurent de faim. Le lien avec l’écologie n’est pas évident a priori. Quoi qu’il en soit, en pleine crise écologique, ce livre nous confronte à la question de ce que nos sociétés humaines pourraient devenir en cas de destruction totale de nos lieux de vie.

La Route, de Manu Larcenet (d’après le livre de Cormac McCarthy), aux éditions Dargaud, mars 2024, 160 p., 28,50 euros.

LIVRE POUR ENFANTS

La vie en vert

Un bel album documentaire pour les 6 ans et plus. Illustré avec beaucoup de fraîcheur, le texte explique avec pédagogie — et moult détails — le fonctionnement des plantes, leur histoire et leur relation avec le monde animal. Avec un focus passionnant sur l’origine (végétale) des énergies fossiles. Comprendre l’importance de la nature pour mieux la préserver : la recette n’est pas nouvelle, mais elle est ici magnifiquement mise en œuvre.

La vie en vert : l’histoire des plantes de notre planète, de Nicola Davies et Emily Sutton, aux Éditions des Éléphants, mars 2024, à partir de 6 ans, 40 p., 16 euros.

DOCUMENTAIRES

L’Expérience biosphère : 120 jours dans le désert

Au printemps 2023, les explorateurs Corentin de Chatelperron et Caroline Pultz ont passé quatre mois dans une biosphère low-tech, en plein milieu du désert mexicain. L’objectif : vivre de manière écologique en produisant eux-mêmes eau, nourriture et énergie dans un environnement pauvre en ressources. De cette expérience, que vous avait raconté Reporterre, l’ingénieur et la designeuse ont tiré un documentaire de 54 minutes, à visionner gratuitement sur Arte TV. On les suit dans leurs galères, des souris grignotant leurs réserves aux fuites de spirulines, en passant par les blaireaux chapardeurs et les dessalinisateurs récalcitrants. Beaucoup d’embûches, mais aussi de joies : parvenir à faire pousser céleri, menthe et fraises au milieu du désert ; réussir à adoucir de l’eau salée… Une épopée inspirante, que l’on achève en rêvant de nouvelles manières d’habiter la Terre.

Un documentaire de Laurent Sardi, en accès libre jusqu’au 28 mai sur Arte TV, 54 minutes

Macron l’Américain — La France livrée aux Gafam ?

Off Investigation est un média indépendant, avec lequel Reporterre a coproduit les enquêtes vidéos sur Sainte-Soline et les mégabassines. Off Investigation poursuit sa route, avec des enquêtes serrées, dont Macron l’Américain — La France livrée aux Gafam ?. Ce documentaire décrit les liens anciens d’Emmanuel Macron avec les réseaux d’influence étasuniens et comment, depuis un voyage dans la Silicon Valley, il s’est pris d’amour pour les Gafam. Au point de leur accorder des avantages démesurés quand il était ministre de l’Économie puis président de la République. Uber a ainsi vu les règles assouplies en sa faveur, Amazon un tapis rouge lui être déroulé pour s’implanter en France, et Microsoft a récupéré la gestion des données de santé des 67 millions de Français.

Off Investigation, avril 2024, en accès libre, 1 h 11

FILMS

• Sky Dome 2123

Budapest, 2123. Le changement climatique a ravagé la Terre. Plus aucune espèce végétale ou animale ne survit à la surface de notre planète. Les survivants ont été contraints, pour échapper aux tempêtes, de se réfugier sous un immense dôme de plastique. D’impitoyables lois régissent cette société cruellement confrontée, malgré les technologies de pointe dont elle dispose, au manque d’oxygène et de nourriture. À ses 50 ans, chaque être humain est emmené dans un mystérieux « générateur » afin que son corps soit transformé en arbre nourricier. Lorsque Stefan, un psychologue de 28 ans, voit sa femme prématurément sacrifiée par ce système, il décide de tout mettre en œuvre pour la sauver. Un film d’animation post-apocalyptique marquant, porté par de très belles images et un scénario tout en finesse.

De Tibor Bánóczki et Sarolta Szabó, sortie le 24 avril, 1 h 52

PODCASTS

• Une minute d’éternité avec François Sarano

Dans cet épisode du podcast d’aventures « Les Baladeurs », le docteur en océanographie et plongeur professionnel François Sarano revient sur sa rencontre, en 2006, avec un grand requin blanc, Lady mystery. Avec la verve d’un conteur et la sensibilité d’un poète, l’ancien compagnon de route du commandant Cousteau nous raconte l’océan. Pas celui dont parlent les études scientifiques et les rapports d’activistes, à grand renfort de chiffres et de schémas arides ; un océan où les poulpes nous fixent de leurs yeux dorés, où l’on peut nouer des relations de « confiance » avec les requins, et où les baleines dansent. 46 minutes de magie, qui passent comme une seconde.

« Les Baladeurs », un podact réalisé par Thomas Firh, assisté par Nicolas Alberty, disponible gratuitement sur toutes les plateformes de podcast, 46 minutes

La Catastrophe de Tchernobyl : 26 avril 1986

Ce documentaire réalisé à partir de sons d’archives et de récits de témoins nous plonge au cœur de l’accident nucléaire de Tchernobyl, le 26 avril 1986. On a beau connaître l’histoire, on est de nouveau saisi par l’ampleur de la catastrophe : le sol de la salle de contrôle qui se gondole, les 50 tonnes de matières radioactives relâchées dans le ciel d’Ukraine, les milliers de liquidateurs sacrifiés pour tenter d’endiguer le désastre. Aux explications techniques succèdent des récits haletants et poignants des protagonistes. Parmi eux, celui de Piotr Palamarchuk, chef de laboratoire, qui raconte la mobilisation générale dès les premières minutes, les nausées et les vomissements alors que son corps subit des doses mortelles de radiations. Ce documentaire rappelle aussi les défaillances des autorités d’Union soviétique et le déni français.

La Catastrophe de Tchernobyl : 26 avril 1986, une série du podcast « Ils l’ont vécue » de France Culture, 4×20 minutes, produit par Marie Chartron et réalisé par Laure-Hélène Planchet, disponible gratuitement sur toutes les plateformes de podcast

ARTS

• Théodore Rousseau, la voix de la forêt (Paris)

Écouter « gémir » les arbres, entendre « la voix de la forêt ». Telle est l’obsession de Théodore Rousseau, peintre hétérodoxe du XIXe siècle, en rupture avec les techniques académiques de son époque à la fois par son style, qui préfigure l’impressionnisme, et sur le fond, lui qui ose faire des arbres, des paysages, le sujet central de ses peintures. Ce Républicain, conspué par la monarchie de Juillet, voulait faire de la contemplation de la nature le nouveau ciment culturel de la société. Insatiable admirateur de la forêt de Fontainebleau dont il dénonçait la destruction, c’est lui qui obtient, en emmenant d’autres artistes dans son combat, la création d’une « réserve artistique » qui préserve une première partie de la forêt en 1853. L’œuvre et les idées de cet écologiste précurseur sont à découvrir au fil de la belle exposition que lui consacre le Petit Palais, à Paris, jusqu’au 7 juillet 2024.

Théodore Rousseau, la voix de la forêt, exposition au Petit Palais à Paris, Avenue Winston Churchill 75008, jusqu’au 7 juillet 2024

• L’Office de tourisme de la jungle parisienne

Des racines qui débordent du bitume, un tronc grignotant du grillage, des feuilles surgissant derrière une porte close… Avec son projet photographique « Office de tourisme de la jungle parisienne », lancé au début du printemps, le photographe Ludovic Gaillard explore « l’impossible idéal » du sauvage en ville. « On veut toujours plus de nature dans Paris, explique-t-il à Reporterre. Et en même temps, nous restons très attachés à un style architectural qui repose sur son contrôle. » Son travail peut être découvert en ligne et dans les rues de la capitale. Pendant au moins un an, le photographe baladera dans tous ses recoins un présentoir, empli de cartes postales en libre service à la gloire des chênes, lianes et autres herbes folles citadines. Les différentes étapes de cette exposition itinérante seront annoncées en amont sur la page Instagram dédiée au projet.

L’Office de tourisme de la jungle parisienne, de Ludovic Gaillard, une exposition itinérante à Paris et sur Instagram





Source link

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *