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À Lyon, les écologistes bataillent contre l’extrême droite écofasciste


2 mai 2024 à 09h09
Mis à jour le 3 mai 2024 à 09h37

Durée de lecture : 4 minutes

Villeurbanne (Rhône), reportage

« La campagne écofasciste prend de l’ampleur à Lyon, l’extrême droite y voit un potentiel pour recruter », observe Sam [*], membre du collectif antifasciste la Jeune garde Lyon. Face au jeune homme, la petite salle du centre culturel La Rayonne, à Villeurbanne, peine à contenir son public. Les intéressés débordent jusque dans le couloir pour assister à la formation sur l’écofascisme — l’appropriation des enjeux écologiques par les organisations fascistes —, donnée fin avril en collaboration avec Action Justice Climat (AJC, ex-Alternatiba Rhône), dans le cadre du Réveillon des luttes organisé par Solidaires.

Si le sujet attire la foule, c’est que l’extrême droite a l’habitude de battre le pavé lyonnais. Le groupuscule Les Remparts, né des cendres de Génération identitaire après sa dissolution en 2021, occupe le bar La Traboule, dans le quartier historique du Vieux Lyon, et s’entraîne dans la salle de boxe mitoyenne L’Agogé. Lyon populaire, un autre groupuscule qui agrège des identitaires aux néonazis, est quant à implanté dans le quartier de Confluence. Régulièrement, des nervis venus de toute la région mènent des ratonnades sous le nom de « Guignol squad », le terme utilisé par l’extrême droite pour revendiquer des actions violentes. Comme le 11 novembre dernier, lorsqu’une cinquantaine de militants cagoulés se sont attaqués à une conférence sur la Palestine, blessant sept personnes.

Lire aussi : La menace écofasciste, l’enquête de Reporterre

Quand elle ne fait pas le coup de poing, l’extrême droite consolide sa colonne vertébrale intellectuelle. Les militants de Lyon populaire pilotent depuis octobre 2023 une campagne sur « l’écologie intégrale », qui récupère la notion de limite écologique à ne pas dépasser (les limites planétaires dont le dépassement par les sociétés humaines a conduit à la crise écologique globale actuelle), mais également les « lois de la nature ». Une vision considérant comme « contre-nature » l’homosexualité ou la procréation assistée par la science.

À coup de conférences, de tractages sur les marchés ou de « nettoyage » de décharge à proximité d’un campement de gens du voyage, ils prônent la consommation en circuit court, le recours à l’énergie nucléaire et s’opposent à ce qu’ils nomment les « dérives bioéthiques » : IVG, GPA, transidentité…

Festival de « l’écologie intégrale », organisé par le groupe néofasciste Lyon populaire le 9 mars 2024.
Instagram/Lyon populaire

« Ce discours peut parler au grand public et permettre de justifier le reste de leurs idées », pointe Sam. Ainsi, « l’Europe serait polluée par des espèces invasives : les migrants ». Si la recette fonctionne, elle pourra être appliquée par d’autres groupuscules. « Lyon est le labo de l’extrême droite : ils produisent des discours qui alimentent toute l’extrême droite française », explique-t-il.

« Ne pas leur laisser le terrain »

Pour contrecarrer l’écofascisme, Action Justice Climat et la Jeune garde veulent identifier et colmater les brèches des discours écologistes. « Certaines thématiques peuvent porter à confusion et être reprises pour attirer de futurs militants », avertit Arthur, membre d’AJC. Dans le centre culturel de Villeurbanne, les exemples fusent : « Le rejet de toute technologie et de toute modernité », propose un participant. « Dénoncer qu’il y a trop de personnes sur Terre », suggère un autre. Des pistes proches de celles mises en lumière par Antoine Dubiau, chercheur en sciences sociales et auteur d’Écofascismes (éd. Grévis, 2022) : la surpopulation, la collapsologie, la décroissance, la santé et la critique de la modernité.

En contrepoint, l’AJC et la Jeune garde prônent « une écologie émancipatrice » qui affirme ses valeurs et alliances. Comme celle de la manifestation « Génération climat, génération Adama » qui, en 2020, a lié les luttes climatiques, sociales et sanitaires.

Collage de stickers « écologie intégrale » par Lyon populaire sur la place Carnot, au centre-ville de Lyon, le 2 mars 2024.
Capture d’écran Instagram/Lyon populaire

Les activistes climat et antifascistes font également partie du collectif Fermons les locaux fascistes, aux côtés d’autres syndicats, partis politiques et associations (Nouveau parti anticapitaliste, NPA ; CGT ; SOS Racisme, etc.). L’interorganisation part d’un constat : dissoudre les groupuscules est inefficace si leurs militants disposent de lieux pour se rassembler. Problème : les locaux des Remparts et de Lyon populaire appartiennent à des associations sans lien apparent avec les groupuscules. Pour les déloger, le collectif fait du lobbying auprès des élus, organise des manifestations et se rapproche des riverains impactés. « Nous allons tracter dans le Vieux Lyon pour montrer notre présence et ne pas leur laisser le terrain », dit Tatiana, d’Action Justice Climat.

Si, pour l’instant, AJC n’a pas été pris pour cible par l’extrême droite, l’Alternatibar, un des lieux de rassemblements écolos, doit baisser son rideau métallique lorsque passent les manifestations fascistes. Le bar a été nommément ciblé dans le dernier trimestriel du média d’extrême droite Livre noir, car « fréquenté occasionnellement » par la Jeune garde. Une identification qui renforce la vigilance des militants, dit Tatiana : « On prévient nos militants de ne pas venir ou de repartir seul de nos événements, on met en place un service d’ordre et on prévoit quoi faire pour guider les gens en cas d’attaque. »



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