• lun. Mai 20th, 2024

Le Rassemblement national défend les intérêts des grands industriels


Les eurodéputés du Rassemblement national (RN) sont plus prompts à défendre les intérêts des grandes industries que ceux des classes défavorisées. Voilà, en creux, la conclusion du travail mené par Jordan Allouche, activiste et lobbyiste écologiste, restitué sur la plateforme en ligne JeVoteLobby.

Accessible depuis le 7 mai, ce site internet recense « 10 histoires » montrant comment les 18 eurodéputés Rassemblement national ont, à de multiples reprises durant cette mandature, suivi le positionnement des entreprises de l’énergie, de l’automobile, de l’agrochimie ou encore des Gafam [1] dans leurs votes au Parlement européen. Le résumé de la plateforme est cash : « Je vote pour les lobbies… quand je vote Rassemblement national. »

Parmi les dix histoires sélectionnées, il y a par exemple celle des superprofits générés par les entreprises du secteur de l’énergie. En octobre 2022, une résolution adoptée par le Parlement européen a instauré une « taxe sur les bénéfices exceptionnels des entreprises énergétiques », pour soulager la pression du coût de l’énergie, exercée notamment sur les ménages vulnérables et les petites et moyennes entreprises (PME).

« Le RN se place quasiment toujours du côté des patrons, des acteurs économiques, de l’entreprise »

Tandis que certains eurodéputés du groupe d’extrême droite Identité et Démocratie (ID) ont voté pour cette résolution, les parlementaires français du RN — alors qu’ils appartiennent eux aussi au groupe ID — ont préféré s’y opposer. 17 eurodéputés RN sur 18 (Jordan Bardella, Thierry Mariani, Mathilde Androuët, Catherine Griset, etc.) ont voté contre.

Jordan Bardella, candidat pour les élections du 9 juin, affirmait pourtant en février dans Le Figaro que « les taxes sur l’énergie étouffent les Français »… alors qu’il n’avait pas voté quand il en a eu l’occasion, pour aider les foyers les plus vulnérables. « À rebours de son discours en faveur des classes sociales défavorisées, le Rassemblement national se place quasiment toujours du côté des patrons, des acteurs économiques, de l’entreprise, résume Jordan Allouche. C’est un parti qui est en réalité plus libéral que le PPE [groupe européen auquel appartient la majorité présidentielle française] ou que la droite. »

Le RN contre les mesures environnementales

Les autres exemples s’accumulent au fil des pages du site internet. En novembre 2023, les députés européens devaient se prononcer sur l’interdiction des emballages à usage unique dans la restauration rapide. Les acteurs de ce secteur économique — notamment McDonald’s et KFC — ont mené un lobbying intense contre cette proposition. Résultat : la vente à emporter a été exemptée de cette interdiction, par un amendement adopté avec les voix du RN.

De la même manière, en juin 2022, le Parlement européen a adopté sa position sur le règlement mettant fin à la vente de véhicules neufs à moteur thermique en 2035. Plusieurs constructeurs automobiles de luxe ont poussé pour être exemptés, ce qu’ils ont obtenu. Cette fois, les eurodéputés du Rassemblement national (10 sur 18) se sont abstenus lors du vote.

« Il est très difficile de prouver qu’il y a eu des rencontres entre tous ces lobbies et le Rassemblement national », explique Jordan Allouche. Pour cause : ce n’est que depuis l’automne 2023 que les parlementaires européens ont l’obligation de déclarer leurs rendez-vous avec des représentants d’intérêts.

Mais le militant a tout de même creusé pour dénicher les notes de position — voire des amendements prérédigés — des acteurs économiques, et les a croisés avec les votes des eurodéputés du RN. Force est de constater que dans la plupart de ses votes, le Rassemblement national aligne ses positions avec celles des grandes industries et des lobbies — ou, a minima, s’abstient pour ne pas aller à leur encontre.

Autre enseignement : « Il y a une opposition systématique aux enjeux de transition écologique », affirme Jordan Allouche. Le Réseau Action Climat (RAC), fédération d’associations écologistes françaises, avait justement attribué la note de 6 sur 100 au parti d’extrême droite, dans son récent « décryptage des votes des eurodéputés français », publié en avril. « Le Rassemblement national […] a systématiquement voté contre toutes les mesures portées par les associations environnementales : sur la performance énergétique des bâtiments tout comme sur la réduction des pesticides et la restauration de la nature », écrit le RAC.

Le résultat du travail de JeVoteLobby laisse donc imaginer à quoi pourrait ressembler le Parlement européen si le Rassemblement national obtenait un score important le 9 juin (le parti d’extrême droite est actuellement crédité d’environ 30 % dans les sondages) : des parlementaires qui se désintéressent de la justice sociale et des enjeux d’écologie. « Selon les projections, il pourrait très bien y avoir une alliance entre la droite et l’extrême droite européenne, estime Jordan Allouche. Une politique ultralibérale serait alors probablement menée. »



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