Après son cuisant échec lors des dernières présidentielles, le gouvernement pro-européen de Donald Tusk a réussi à remporter hier, le 11 juin, un vote de confiance au Parlement. Le Premier ministre, qui espérait une victoire de son allié Rafal Trzaskowski pour accélérer son agenda politique, se retrouve dans une impasse et doit encore cohabiter jusqu’aux prochaines légisaltives avec un nationaliste, à savoir Karol Nawrocki, qui remplace Andrzej Duda.
L’élection présidentielle polonaise de 2025 a représenté un scrutin particulièrement disputé et historique pour la Troisième République, marqué par une forte mobilisation et des résultats très serrés. Le président sortant Andrzej Duda, élu en 2015 et réélu en 2020 sous la bannière du parti national-conservateur Droit et justice (PiS), n’était pas éligible pour un troisième mandat. L’élection s’est donc tenue dans un contexte de cohabitation, le Premier ministre Donald Tusk, à la tête d’une coalition libérale et pro-européenne, gouvernant face à un exécutif désormais issu d’un autre camp politique.
Tusk espère “un terrain d’entente”
Le maire de Varsovie, Rafał Trzaskowski, candidat de la Coalition civique et soutenu par Donald Tusk, est arrivé en tête avec 31,36 % des voix au premier tour, suivi de près par Karol Nawrocki, par le PiS, avec 29,54 % des suffrages. Au second tour, Karol Nawrocki a finalement remporté l’élection avec 50,89 % des voix contre 49,11 % pour Rafał Trzaskowski, soit une victoire très serrée, la plus étroite de l’histoire du pays lors d’un second tour présidentielle.
Cette victoire de Nawrocki constitue un revers pour le Premier ministre Donald Tusk, qui espérait éviter une nouvelle cohabitation afin de mener à bien ses projets législatifs comme la séparation du procureur général et du ministre politique, des réformes sociales comme le logement et la retraite des indépendants, ainsi que le renforcement des règles anti-népotisme. Il comptait aussi accélérer la “normalisation européenne” et la démocratisation des institutions judiciaires.
Au lendemain de ce second tour des présidentielles, Donald Tusk a annoncé son intention de réclamer un vote de confiance pour resserrer les rangs de la coalition. Le gouvernement a été soutenu par 243 députés, 210 étant contre lors de ce vote. “J’avais besoin de ce retour de confiance pour des raisons évidentes”, a-t-il déclaré après le vote. “Mon intention n’était pas de montrer que j’étais fort et que j’avais une majorité, mais de mettre fin à toutes les spéculations”, a expliqué le Premier ministre, qui a rappelé avant le vote que l’exécutif devait fournir “un travail très dur et sérieux, dans des conditions qui ne s’amélioreront pas”.
Interrogé à propos de cette nouvelle cohabitation, il a dit son espoir “qu’un terrain d’entente” soit trouvé, ce qui “sera mieux pour la Pologne”. “”Si le président décide d’opter pour la confrontation, je compatis”, a-t-il ajouté. “Deux ans et demi de travail très difficile nous attendent, et dans des conditions qui n’iront pas en s’améliorant”, avait-il admis avant le vote.
L’agenda politique de Tusk sous la menace de Nawrocki
Donald Tusk s’est montré tout de même déterminé à poursuivre son agenda pour les mois à venir. “Le projet [de séparation du procureur général du ministre politique] est prêt. Il devrait être dans l’intérêt de tous”; a-t-il déclaré aux députés du PiS, dont les dirigeants pourraient faire l’objet de poursuites judiciaires.
Mais les analystes rappellent que Nawrocki, en tant que chef de l’État, dispose du droit de veto sur certains textes et pourrait tenter de faire tomber le gouvernement ou de bloquer ses réformes, tout en renforçant l’opposition du PiS, comme cela a été le cas avec Andrzej Duda.
Cette cohabitation fragile et déjà tendue pourrait surtout compliquer les relations avec Bruxelles. Depuis la présidence tournante polonaise de l’UE et son retour au pouvoir en 2023, Donald Tusk a mis l’accent sur la sécurité européenne, la défense et la transition énergétique tout en renforçant la coopération au sein de l’Union et le soutien à l’Ukraine, n’hésitant pas à exprimer son hostilité à l’égard de Moscou.
Sur cette dernière question, Nawrocki a déjà exprimé son opposition à une adhésion de Kiev à l’OTAN tout comme l’accueil des réfugiés ukrainiens en Pologne. Il entend, sur le plan national, bien soutenir les réformes judiciaires mises en place par le précédent gouvernement conservateur du parti Droit et justice (PiS).