Eline Bonnin, portrait d’une cheffe qui cuisine vegan et facile !


Dix ans après la première pierre de son site Patate & Cornichon, Éline Bonnin s’est lancée dans la création de son application. L’objectif ? Accompagner celles et ceux qui souhaitent végétaliser leur alimentation. Rencontre avec une blogueuse qui a su rendre la cuisine végane fun et facile.

Les années 2010 ont été propices au développement de blogs de cuisine végane reconnus et appréciés, autour d’autrices comme Marie Laforêt, Ophélie Véron ou La Petite Okara. Dans leur sillon, Éline Bonnin a très vite su se faire un nom grâce à son site, Patate & Cornichon. Des recettes « de feignasses » plébiscitées par les internautes, qui prouvent depuis plus de 10 ans qu’il est possible de s’approprier le végétal sans prise de tête.

La cuisine végane décomplexée avec Patate & Cornichon
La cuisine végane décomplexée avec Patate & Cornichon

Mr Mondialisation : Peux-tu nous raconter ton parcours de cuisinière ?

Éline Bonnin : « À l’origine, je suis pâtissière. J’ai suivi un cursus classique et ai occupé ce poste en restauration. C’est en découvrant le véganisme que j’ai dû modifier ma carrière, en créant d’abord des cours de cuisine végétale à Lyon. Ensuite, j’ai émigré à Montréal car je savais que la culture québécoise était plus ouverte à ce sujet. J’y ai ouvert un café-restaurant, avant de davantage me concentrer sur la création de recettes. C’est ainsi que j’ai créé Patate & Cornichon, puis que j’ai sorti un premier livre de cuisine – un second est à venir en octobre ! »

Mr Mondialisation : Qu’est-ce qui t’a fait passer de la restauration classique au 100% végétal ?

Éline Bonnin : « J’ai découvert le véganisme par le biais de l’éthique animale. Ce qui est particulier dans mon cas, c’est que je n’étais pas spécialement sensible à cette cause, et n’avais jamais eu d’animaux. Je suis de nature très rationnelle… C’est en lisant « Voir son steak comme un animal mort », de Martin Gibert, que j’ai découvert que manger de la viande n’était pas nécessaire, et en plus, cruel. Cela peut désormais être évité dans nos sociétés contemporaines.

J’ai donc estimé que je devais faire ma part, alors que je n’étais pas spécialement sensible au sort des animaux. Une réflexion qui s’est avérée plus logique que basée sur mon empathie, mais ce n’est pas parce qu’on n’est pas « fans » des animaux qu’on doit fermer les yeux. Mon empathie s’est développée par la suite. J’ai passé des journées dans des refuges et du temps auprès des animaux. J’ai découvert leurs individualités, leurs liens sociaux, leurs préférences, leur intérêt à vivre. 

« j’ai réalisé que nous n’avons aucune légitimité de vie ou de mort sur les animaux. »

Je viens d’une famille en partie composée de chasseurs et d’éleveurs. Ma sœur et moi sommes les seules véganes, et les seules à avoir vécu en ville, donc on nous a longtemps vues comme déconnectées de la réalité du terrain. Mais un de mes oncles m’a dit qu’il commençait à réfléchir à tout ça et aujourd’hui, nous habitons toutes les deux à la campagne. La preuve que c’est possible, quel que soit le contexte ! »

Mr Mondialisation : D’où t’es venue l’idée de créer un blog, puis une application de cuisine végane ?

Éline Bonnin : « La naissance du site remonte à une dizaine d’années. À l’époque, c’était une envie de mon mari, qui trouvait les recettes véganes trop axées sur la diététique. Pour lui qui voulait manger gourmand, il avait le sentiment qu’il manquait quelque chose. Patate & Cornichon n’était pas conçu pour durer, mais il a vite rencontré du succès et a prouvé qu’on peut très bien manger gourmand, facile et végane.

L’application Patate & Cornichon, un formidable outil pour cuisiner végane au quotidien !

Longtemps, ce n’est resté qu’un hobby. Puis je me suis professionnalisée et j’ai donc voulu améliorer mon site. C’est là que m’est venue l’idée de créer une application, d’autant plus avec mon mari qui est développeur de métier. Je voulais accompagner les gens dans leur quotidien, les aider dans leurs courses… Je me concentre à temps plein sur cette activité depuis 1 an et demi ! Créer une appli coûte très cher et est très chronophage mais nous avons de super retours depuis sa naissance en mai dernier. Elle s’adresse aux véganes comme aux personnes en transition et a pour but de servir d’outil au quotidien. Nous continuons de l’améliorer et travaillons notamment sur des « meal plans », qui permettent de programmer ses repas. »

Mr Mondialisation : Depuis le temps que tu cuisines végane, les tendances, ingrédients et techniques ont évolué. Quels changements t’ont marquée ?

Éline Bonnin : « Je trouve que cette cuisine est devenue plus accessible, avec une belle évolution des ingrédients disponibles, même bruts. Ici au Québec, tofu et tempeh se trouvent très facilement et ne sont pas chers. J’utilise peu de produits transformés dans mes recettes, mis à part le fromage râpé végane qui est assez récurrent. Il possède ce « petit plus » qui change tout. Or, c’est un ingrédient qui a longtemps été difficile à trouver. C’est super d’avoir ce type de produits disponibles aujourd’hui !

Côté techniques, j’ai été, comme beaucoup, bluffée par la découverte de l’aquafaba [l’eau de cuisson des pois-chiches qui remplace les blancs en neige, NDLR]. Tous ces apports ont permis de rendre la cuisine végane moins complexe. Aujourd’hui, j’aime alterner entre des recettes techniques, comme de beaux gâteaux, et des choses très simples. Les ingrédients qui étaient bizarres hier sont devenus plus communs, à l’instar du fruit du Jacquier, qui commence à se faire une place en France. Cela reste assez cher et exotique, mais c’est une alternative très intéressante à cuisiner. »

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La charlotte aux fraises végane de Patate & Cornichon : un régal pour les yeux comme pour les papilles !

Mr Mondialisation : As-tu le sentiment que les mœurs ont également évolué ?

Éline Bonnin : « Oui, clairement. Il y a dix ans, j’intéressais uniquement les véganes. Aujourd’hui, blog et appli sont utilisés par tout le monde, de la maman qui a un enfant intolérant au lactose à la personne âgée qui doit surveiller son cholestérol. Le véganisme est mieux accepté car nous sommes nombreux à avoir prouvé que c’était bon.

Par contre, côté engagement écologique et éthique, j’ai le sentiment que le COVID a rabattu les cartes : la volonté de devenir végane me semble avoir reculé, remplacée par les plaisirs et les besoins personnels, plus centrés sur soi que sur les autres. Il existe notamment une grande mode actuelle autour des produits laitiers, via la burrata ou le cottage cheese… C’est un peu triste quand on connaît le fléau que représente l’industrie laitière. »

Mr Mondialisation : Quelles sont les plus grosses difficultés rencontrées par tes lecteurs ?

Éline Bonnin :« Elles se concentrent principalement sur les repas du soir et l’organisation des menus de la semaine, d’où la création des « meal plans ». Je travaille aussi sur la préparation des repas à l’avance, type one pots, ou des recettes petits budgets. La tendances des demandes va au budget et à la simplification. Je propose moins de recettes complexes qu’avant et tente d’aider les lecteurs à se simplifier cuisine et courses du quotidien. »

La soupe thaï au tempeh : un classique revisité, simple et tellement bon…

Mr Mondialisation : Comment vois-tu l’avenir de la cuisine végétale ?

Éline Bonnin : « Je pense qu’on est en bonne voie. Grands chefs et pâtissiers s’y intéressent, comme Pierre Hermé… Ces avancées sont importantes pour que la cuisine et la pâtisserie végétales soient prises au sérieux, deviennent une expertise. Elles sont en effet souvent relayées au côté « bloggeurs », mais c’est oublier que nous sommes souvent professionnels. Les demandes augmentent aussi autour des ateliers, des services traiteur ou des collectivités car c’est une alimentation inclusive par définition. C’est donc en bonne voie, mais souvent menacé par les modes alimentaires, ou les fausses croyances autour des quantités de protéines à ingurgiter par jour… »

« En France, j’ai le sentiment que le véganisme est plus mal perçu, qu’il possède toujours ce côté « extrémiste » »

Mr Mondialisation : La perception du véganisme en général te semble-t-elle avoir également évolué ?

Éline Bonnin : « Ici, au Canada francophone, on est assez libre de faire qu’on veut et c’est très bien. La véganisme est un choix personnel qui n’y est pas contredit et peu décrié. Il se retrouve dans beaucoup de métiers créatifs, tels la cuisine mais aussi le textile. Du coup, il a aussi tendance à être dépolitisé : on ne perçoit plus vraiment son côté revendicatif.

En France, j’ai le sentiment que le véganisme est plus mal perçu, qu’il possède toujours ce côté « extrémiste ». Je pense que nous devrions trouver un juste milieu : être végane, c’est une façon de mieux manger et de repenser son rapport aux êtres vivants, mais c’est aussi politique. Ma façon à moi de militer, ce sont mes recettes qui offrent le choix et la possibilité de manger autrement. »

L’application Patate & Cornichon est disponible sur l’App Store et sur Google Play.

– Propos recueillis par Marie Waclaw


Source image d’en-tête : Patate & Cornichon

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