Un refuge pour la liberté d’expression… de soi
Oubliez les comédies à sketchs et faites place à l’auto-dérision et à l’évocation des parcours personnels. En France, l’humour rime désormais avec des seuls en scène qui, forts des origines de leurs interprètes, ne craignent pas d’aborder les multiples facettes de la société. Quitte à provoquer la polémique et à subir des accusations de communautarisme.
Georges Rouault. – « Jeune Clown à la fleur rouge », 1949-1956
© ADAGP, Paris, 2025 – Centre Pompidou, MNAM-CCI – photographie : Philippe Migeat – RMN-Grand Palais
«L’humour n’a pas vocation à ajouter de la division à la division », martelait Mme Sybile Veil, présidente-directrice générale (PDG) de Radio France, dans un message adressé aux salariés de l’entreprise en novembre 2023. Si son inquiétude répondait à la polémique déclenchée par une blague de l’humoriste Guillaume Meurice sur l’antenne de France Inter, elle révélait aussi plus largement les attentes paradoxales qui entourent aujourd’hui la scène humoristique hexagonale.
D’un côté, le marché de l’humour n’a jamais été aussi florissant. Dans un secteur du spectacle vivant particulièrement dynamique (sa part dans la consommation culturelle des ménages a augmenté de 30 % entre 2000 et 2023), le registre comique a su conquérir ces dernières années une place croissante (13,5 % de la fréquentation du spectacle vivant), qui se traduit par la dimension des salles auxquelles accèdent aujourd’hui les têtes d’affiche. Fary, révélé dans les émissions de Laurent Ruquier sur France 2, a investi l’Accor Arena Bercy, tandis que Redouane Bougheraba a rempli le stade Vélodrome à Marseille. Depuis 2008 et l’ouverture du Jamel Comedy Club, les clubs de comédie ont essaimé à Paris (une vingtaine aujourd’hui) et en province (plus d’une centaine), formant de nouvelles générations d’humoristes qui saturent les réseaux sociaux de leurs performances. Les trois premiers comptes en nombre d’abonnés sur TikTok relèvent de ce genre.
Ce dynamisme s’accompagne d’une présence soutenue des humoristes dans les médias traditionnels, que ce soit à travers les émissions télévisuelles, les chaînes de streaming comme Netflix et Amazon Prime Video ou bien sur les ondes hertziennes. Conçu à l’origine par la radio pour engager les auditeurs en diffusant des rires sonores, l’humour s’est mû progressivement en pommade déposée sur une actualité anxiogène. Aussi bien sur les antennes du service public que celles de M. Vincent Bolloré (Europe 1), les pastilles radiophoniques de plaisanteries se sont mêlées à l’information, dans un ballet de plus en (…)
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