• mar. Oct 8th, 2024

les derniers « écureuils » expulsés, la zad n’est plus


Verfeil (Haute-Garonne)

« Lâchez-moi, lâchez-moi ! » Accrochée à la branche de son noyer, Lisa employait ses dernières forces, lundi 7 octobre au matin, pour résister aux forces de police qui tentaient de la déloger de son arbre. Repoussés à une centaine de mètres, plusieurs photographes mitraillaient la scène avec leurs imposants objectifs. Perchée dans sa cabane depuis trois semaines pour empêcher les travaux de l’autoroute A69, comme quatre autres de ses camarades surnommées les « écureuils », Lisa était désormais agrippée par le lieutenant-colonel Llosa et un membre du PSIG, à plusieurs mètres du sol. Les deux hommes, non sécurisés, négociaient avec Lisa, toujours harnachée dans son baudrier.

L’opposante à l’A69 a fini par descendre, acculée par la gendarmerie — elle-même bien aidée par les ouvriers du concessionnaire NGE-Atosca. Depuis vendredi 4 octobre, ces derniers construisaient, avec leurs pelleteuses, bulldozers et camions bennes, une énorme butte en terre pour arriver au niveau des cabanes, perchées à une dizaine de mètres du sol.

Les engins du concessionnaire vont pouvoir terrasser ce terrain, qui abritait il y a peu une centaine d’arbres, un riche écosystème et une maison où logeait une famille.
© Antoine Berlioz / Reporterre

Lundi 7 octobre, ce monticule arrivait quasiment au niveau des écureuils, permettant l’intervention des gendarmes. Sur une vidéo consultée par Reporterre, alors que les camions bennes déversent de la terre au pied des arbres, une écureuil interpelle les ouvriers : « Vous allez nous enterrer là ! », et l’un d’eux répond d’un ton cynique sous son casque de chantier : « C’est le but. »

La gendarmerie et NGE ont monté de la terre aux pieds des arbres pour demander aux activistes de descendre volontairement ou pour les interpeller.
© Antoine Berlioz / Reporterre

Le soir-même, les deux derniers noyers qui empêchaient la poursuite du chantier de l’autoroute A69 étaient vidés de leurs occupants, le tronc recouvert d’une imposante butte de terre. Ils seront abattus dans les prochains jours et les engins du concessionnaire pourront terrasser ce terrain, qui abritait il y a peu une centaine d’arbres, un riche écosystème et une maison où logeait une famille. Les autres opposants, qui étaient réunis depuis le 20 septembre en soutien sur un terrain attenant au « Verger », ont dû partir aussi. La zad du Verger n’est plus.

Des écureuils affaiblies par le manque de nourriture

Près de la route départementale qui borde ce terrain à une vingtaine de kilomètres de Toulouse, le colonel Stéphane Dallongeville, qui dirigeait les opérations sur place, a précisé à Reporterre que « ces buttes de terre nous ont permis de faire descendre les écureuils, c’était une sécurité en plus ».

Un peu avant 18 heures, les cinq dernières écureuils étaient toutes descendues de leurs arbres, et deux d’entre elles étaient placées en garde à vue pour avoir refusé de donner leur identité. « On était extrêmement affaiblies », a raconté Lisa à Reporterre peu après sa descente. « Depuis vingt jours, on était à environ 900 kilocalories par jour, on se rationnait. » 2 100 calories sont recommandées en moyenne par jour pour les femmes. Maigre consolation : les boules de nourriture que les militants au sol arrivaient parfois à leur envoyer à l’aide de lassos (des bolas).

Les cinq dernières écureuils sont descendues.
© Antoine Berlioz / Reporterre

Dans son dernier rapport, la Ligue des droits de l’Homme Midi-Pyrénées a vivement critiqué cette stratégie « d’attrition », puisque les forces de l’ordre limitaient très fortement le ravitaillement des écureuils en nourriture pour les obliger à descendre.

Un militant avec des bolas lors d’un ravitaillement organisé le mercredi 2 octobre.
© Antoine Berlioz / Reporterre

Lisa et ses quatre camarades ont dû également faire face aux nombreuses interventions de la Cnamo, cette cellule de la gendarmerie spécialisée dans les opérations périlleuses, qui a échoué, malgré l’appui d’une nacelle, à faire descendre les écureuils. « Ce qui nous a fait tenir, c’est le soutien au sol », confiait Lisa, visiblement exténuée par ces trois semaines de siège policier.

« Ce qui nous a fait tenir, c’est le soutien au sol »

Lundi 7 octobre, un peu avant 8 heures, une ordonnance délivrée par le tribunal administratif de Toulouse, à la demande du préfet de Haute-Garonne, a permis aux gendarmes d’expulser tous les opposants au sol. Treize d’entre eux ont été placés en garde à vue à la suite de cette opération. « L’expulsion sollicitée présente un caractère d’urgence et d’utilité et ne se heurte à aucune contestation sérieuse », souligne la décision du tribunal administratif.

Assommée par la fatigue mais heureuse d’avoir tenté de sauver ces derniers arbres, Lisa ne savait pas encore comment allait s’articuler la lutte contre l’A69 désormais. « On est enthousiastes pour la suite », affirmait un opposant à l’autoroute. « Il y a de nombreux procès à venir, et il y a plein de nouvelles choses à imaginer pour contrer ce projet. »



Source link

Laisser un commentaire