« Un mandat puissant et sans précédent » ?, par Jerome Karabel (Le Monde diplomatique, décembre 2024)


L’Amérique plus que jamais polarisée

La réélection de M. Donald Trump avec, cette fois, une avance en voix sur son adversaire traduit d’importants glissements électoraux vers le Parti républicain au sein des catégories populaires, mais aussi chez les jeunes et les Hispaniques. L’écart entre les deux candidats a beau être inférieur à 2 % du corps électoral, les démocrates ne parviennent pas à se défaire d’une image de parti élitiste, urbain et surdiplômé.

Comment pareil personnage a-t-il pu se faire élire président ? Si l’on veut commencer à comprendre la victoire de M. Donald Trump, il faut prendre la mesure de ce qu’elle reflète, à savoir une polarisation de la vie politique américaine qui ne cesse de se creuser. Entre 1994 et 2014, la proportion de républicains voyant dans les démocrates une « menace pour le bien-être du pays » a plus que doublé, passant de 17 % à 36 % ; même évolution chez les démocrates, dont 16 % considéraient les républicains comme une menace en 1994, contre 27 % vingt ans plus tard. Tel fut l’arrière-plan de l’élection de 2016, remportée d’une courte tête par M. Trump.

Depuis près d’un quart de siècle, le poids relatif de chacun des deux grands partis est remarquablement similaire. Au fil des sept scrutins présidentiels qui se sont tenus de 2000 à 2024, le vote démocrate et le vote républicain ont l’un et l’autre oscillé à l’intérieur d’une fourchette très étroite : entre 48 % et 53 % pour le premier, entre 46 % et 51 % pour le second. Cela signifie que tout républicain qui se lançait dans la course présidentielle en 2024 pouvait compter sur un plancher d’environ 45 % des voix ‒ un facteur crucial pour comprendre comment un candidat cumulant autant d’attributs négatifs que M. Trump a pu recueillir la moitié des suffrages.

Autre caractéristique du paysage politique américain : la montée du vote de rejet, caractérisé par un choix électoral moins motivé par la sympathie pour l’un des deux partis que par la détestation de l’autre. Pour mesurer le phénomène, les chercheurs utilisent des « thermomètres à émotions » permettant d’exprimer des notes en degrés sur une échelle de 0 (négatif) à 100 (positif). En 1978, 19 % des personnes interrogées attribuaient 30 degrés ou moins à la formation adverse ; en 2012, cette proportion était passée à 56 %, soit un quasi-triplement. En parallèle, on a assisté à une aggravation de la « polarisation affective », qui se manifeste par une aversion profonde à l’égard des supporteurs de l’autre parti.

La polarisation est (…)

Taille de l’article complet : 2 567 mots.

Cet article est réservé aux abonnés

Lycées, bibliothèques, administrations, entreprises,
accédez à la base de données en ligne de tous les articles du Monde diplomatique de 1954 à nos jours.
Retrouvez cette offre spécifique.



Source link

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *