Le Centre Pompidou avait ouvert ses portes avec trois expositions marquantes. « Paris-New York » en 1977, « Paris-Berlin » en 1978 et « Paris-Moscou » l’année suivante. Ce même Centre Pompidou ferme ses portes, pour plusieurs années et pour travaux, avec une ultime exposition intitulée « Paris noir » et sous-titrée « Circulations artistiques et luttes anticoloniales, 1950-2000 ».
Salutaire prise de conscience patrimoniale, scientifique et politique ? Exercice tardif de rattrapage vis-à-vis d’œuvres longtemps négligées ? Manifeste sur ce que devrait proposer un musée d’art contemporain en prise avec son temps, même lorsque les collections sont lacunaires ?
Les enjeux autour de cette exposition sont essentiels dans un moment où les musées sont percutés par une réflexion, aussi nécessaire que tardive, sur la nature de leurs collections et leurs choix d’exposition. C’est donc exceptionnellement une seule visite que propose aujourd’hui « L’esprit critique ».
Dans un bâtiment déjà largement vidé et fermé, la proposition du Centre Pompidou retrace cinquante années d’expression artistique réalisée à ou depuis Paris, mais à l’initiative de plus de 150 artistes africains, africains-américains et caribéens, appartenant autant à l’histoire de l’abstraction qu’à celle du surréalisme ou de la figuration.
Dans une scénographie qui se déploie autour d’une salle ronde consacrée à Édouard Glissant et à son idée du « tout-monde », rayonnent des salles consacrées aux « solidarités révolutionnaires », au « saut dans l’abstraction », aux « rites et mémoires de l’esclavage », au « Paris panafricain » ou encore aux « nouveaux lieux du Paris noir ».
Comment les artistes présentés ici s’y prennent-ils pour mobiliser le patrimoine visuel africain, en s’arrachant au folklore dans lequel il a souvent été pris ? Comment cherchent-ils à la fois à s’approprier – et à s’émanciper de – l’héritage culturel européen, à l’instar de l’Atelier 45, groupe artistique martiniquais créé notamment autour de Raymond Honorien, qui rejetait l’exotisme et le « doudouisme » ?
Le commissariat de cette exposition qui a ouvert le 19 mars dernier et sera visible jusqu’à la toute fin du mois de juin est assuré par Alicia Knock, entourée d’Eva Barois de Caevel, Aurélien Bernard, Laure Chauvelot et Marie Siguier.
On en discute avec :
- Magali Lesauvage, rédactrice en cheffe de l’Hebdo, le numéro hebdomadaire spécial enquêtes du Quotidien de l’art ;
- Guslagie Malanda, actrice et curatrice indépendante ;
- Margot Nguyen, travailleuse de l’art indépendante.
« L’esprit critique » est enregistré par les équipes de Gong et réalisé par Karen Beun et Samuel Hirsch.