• mar. Oct 1st, 2024

ces bricoleurs qui aident à retaper les logements


Vieux-Vy-sur-Couesnon (Ille-et-Vilaine), reportage

Élise habite ici depuis 2021. « Habiter est un grand mot, dit-elle timidement. Je campe plutôt ! » À l’étage de la maison, des bruits de scie et de perceuse nous accueillent. Dotée d’un simple toit en plexiglas, la pièce baigne dans la lumière… et la poussière de bois. Au milieu trône une « scie radiale à onglets », précise l’un des ouvriers. Dans la pièce adjacente, difficile de se figurer encore le futur salon, entre les palettes de laine de bois, l’absence de cloisons définitives et l’outillage propre à un chantier.

De l’extérieur, ce grand chamboulement passe inaperçu. La maison d’Élise est identique aux habitations voisines, mitoyennes et sagement alignées le long d’une calme ruelle, à Vieux-Vy-sur-Couesnon. Elles font partie de la cité ouvrière construite en 1927. Les habitants travaillaient à la mine située à quelques encablures. Ils en extrayaient du plomb argentifère et de la pyrite. Après la fermeture des galeries, le logement d’Élise a longtemps servi de résidence secondaire, puis a été mis en vente dans les années 2010. Le temps a passé, personne ne l’a acheté.

Élise a fait appel aux Compagnons bâtisseurs pour l’aider et la former dans ses travaux de rénovation.
© Quentin Bonadé-Vernault / Reporterre

Fuites, infiltrations… Quand Élise l’a visitée, la demeure se trouvait en piteux état. Pas de quoi décourager la trentenaire, qui a flashé sur les gracieuses colonnes qui soutiennent ses perrons et le cadre bucolique. Elle a décidé de signer un chèque de 30 000 euros pour en devenir propriétaire. « Tout était pourri ! J’étais sans doute un peu inconsciente, reconnaît-elle aujourd’hui. Mais elle n’était pas chère, elle me plaisait et je n’aurais jamais pu acheter une maison aussi grande, rénovée. » 

Il fallait tout refaire, la toiture, l’électricité, la plomberie ou encore l’isolation. « Je n’étais pas bricoleuse, mais on apprend ! » assure celle qui vit seule, avec un statut de psychologue contractuelle à l’Éducation nationale. L’association des Compagnons bâtisseurs a beaucoup œuvré à cet apprentissage, à travers son dispositif solidaire Bricobus.

Guillaume et un volontaire découpent des ossatures bois sur le chantier d’isolation.
© Quentin Bonadé-Vernault / Reporterre

Sécurité électrique, fuites d’eau

La néobricoleuse a découvert leur existence grâce à la plateforme locale de rénovation de l’habitat, Pass’Réno, située à Montreuil-le-Gast. « Je m’étais rendue là-bas pour rencontrer un conseiller en travaux. Ils m’ont fourni la carte avec les coordonnées de Bricobus en me disant que ça pouvait m’apporter une petite aide complémentaire », raconte-t-elle.

Car si la rénovation thermique est désormais au cœur de la réhabilitation des logements, encore faut-il pouvoir la financer. L’ensemble des travaux nécessaires pour rénover sa maison ont ainsi été évalués à environ 50 000 euros. Grâce à une PrimeRénov d’un montant de près de 30 000 euros, Élise a pu refaire sa toiture, installer des menuiseries extérieures, acquérir un poêle à bois performant.

« L’aide n’est versée qu’à la fin des travaux, après envoi des factures, explique-t-elle. En attendant, j’ai dû faire un prêt. Pour l’isolation, au début, je me suis dit que je verrai bien, que je pourrai le faire moi-même, que la laine de verre, ça n’était pas si cher. » Finalement, l’équipe de Bricobus lui a proposé de l’accompagner dans ce chantier.

Le Bricobus de l’association dans le jardin de la maison en chantier.
© Quentin Bonadé-Vernault / Reporterre

La camionnette jaune Bricobus sillonne les routes de la communauté de communes du Val d’Ille-Aubigné, située au nord de Rennes, depuis 2018. Ce dispositif, créé en 2017 par l’association des Compagnons bâtisseurs, existe dans la plupart des régions de France. « L’objectif initial du Bricobus est de répondre au mal-logement, explique Frédérick Renault, animateur technique aux Compagnons bâtisseurs d’Ille-et-Vilaine. Nous sommes financés par la collectivité territoriale et venons en aide aux locataires et propriétaires en difficulté financière ou technique. »

Les compagnons interviennent souvent dans les situations d’urgence telles que des problèmes de sécurité électrique, des fuites d’eau ou encore l’absence d’eau chaude. Mais ils apportent aussi leur aide dans le cadre de l’« autoréhabilitation accompagnée aux propriétaires occupants ». C’est ainsi qu’Élise peut bénéficier de leur assistance pour l’isolation de sa maison. Même si « des chantiers comme celui-là, nous n’en réalisons qu’un ou deux par an maximum, en fonction des financements qu’on reçoit de la part des collectivités territoriales et parfois d’autres structures, comme le Fonds de solidarité logement », précise Frédérick.

Léo se dit « bénévole professionnel ». Il donne de son temps à plusieurs associations.
© Quentin Bonadé-Vernault / Reporterre

Souffler de la ouate de cellulose

Le jour de notre reportage, le compagnon bâtisseur et son équipe sont venus épauler Élise pour la pose de la laine de bois dans le futur salon, l’une des dernières étapes de la rénovation thermique. Léo, Guennan et Guillaume s’affairent à découper et fixer des linteaux, et à poser l’isolant sur les murs. Les deux premiers sont volontaires en service civique, le troisième est bénévole.

« Cette aide est en fait un échange, estime ce dernier, venu à plusieurs reprises sur le chantier au cours des derniers mois. Il y a un besoin de la part de la personne chez qui on intervient, et de notre côté, le chantier nous permet d’apprendre les gestes techniques. Ici, j’ai pu découvrir comment on faisait pour souffler de la ouate de cellulose grâce à une aiguille d’injection sous les rampants [partie inclinée du toit]. »

Vêtue d’un sweat-shirt rouge et armée d’une longue scie électrique, Guennan découpe des blocs de laine de bois. « C’est la première fois que je pose de l’isolant », dit la jeune femme, qui réalise une formation d’architecte. Ses verres de lunettes sont recouverts d’une fine couche de poussière. Elle accompagne les Compagnons bâtisseurs sur les chantiers depuis plus de sept mois. « Ça me permet de voir le côté technique du travail, et d’être sur le terrain avec les gens. »

Une aventure participative

Bricobus se veut une aventure participative qui permet d’initier chacun au bricolage, y compris les proches du bénéficiaire. « Des amis et mon frère ont ainsi participé à l’isolation des combles en août dernier », précise Élise, qui avance elle-même sur le chantier pendant les week-ends et les vacances.

Les compagnons lui ont apporté deux choses essentielles, estime-t-elle : le prêt de matériel et l’assistance à la maîtrise d’ouvrage. « C’est difficile de se projeter entièrement avant les travaux, d’entrer dans cet univers du bâtiment, de savoir coordonner les artisans. Si je les avais rencontrés plus tôt, il y a des erreurs que je n’aurais pas commises. »

Sans cette aide, Élise n’aurait pas pu accéder à une isolation aussi ambitieuse.
© Quentin Bonadé-Vernault / Reporterre

 

Les Compagnons bâtisseurs n’interviennent pas gratuitement. Ils présentent des devis pour les différentes interventions. Mais une partie de la facture est prise en charge grâce à diverses subventions, aides ou dons qu’ils peuvent débusquer. « La facture de l’isolation thermique de la maison sera réduite d’environ 15 000 euros au total », a calculé Élise qui, sans cette aide, n’aurait pas pu accéder à une isolation aussi ambitieuse, avec des matériaux biosourcés.

L’inflation n’a pas aidé

Avec un logement mal ou non isolé, les habitants peuvent basculer dans une situation de mal-logement. Ce sont des situations que rencontre régulièrement Frédérick Renault. « Avec la pandémie de Covid, beaucoup de personnes ont eu envie de posséder une maison. Or, certaines se retrouvent en difficulté à la suite de cet achat immobilier, notamment des jeunes femmes. L’inflation n’a pas aidé. Même avec un salaire de 2 000 euros par mois, on peut se retrouver pris à la gorge si on n’a pas bien mesuré l’ampleur de la rénovation, avertit-il. Parfois, il nous arrive même de conseiller à la personne de revendre. »

Autre situation constatée : alors qu’ils ont bénéficié de la PrimeRénov, les propriétaires se retrouvent pourtant sans isolation digne de ce nom. Une anomalie qui montre le manque de contrôle sur la qualité des travaux financés avec l’argent public.

En attendant la fin du chantier, Élise doit faire avec la fine couche de poussière qui recouvre tout. Mais ce qui aurait pu être une épreuve difficile s’est révélé une riche expérience grâce au Bricobus des compagnons : « Je suis maintenant en mesure de former à mon tour des bénévoles qui n’ont aucune expérience ! Et puis j’ai appris qu’on peut faire pas mal de choses seule ou sans aide qualifiée. »




Source link