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Des oiseaux de la Loire sacrifiés pour un feu d’artifice du 14 juillet


13 juillet 2024 à 09h39
Mis à jour le 13 juillet 2024 à 10h26

Durée de lecture : 4 minutes

À Nevers, jamais deux sans trois. Pour la troisième année consécutive, le feu d’artifice du 14 juillet sera tiré depuis le pont de Loire. Peu importe que des oiseaux protégés nichent et se reposent sur la bien nommée île aux sternes, située à quelques encablures. Peu importe que la Ligue pour la protection des oiseaux (LPO) de la Nièvre alerte chaque année sur les risques pour les œufs et les poussins. Peu importe la pétition et la médiatisation de cette affaire en 2023. Le maire Denis Thuriot, qui n’a pas répondu à nos questions, n’en démord pas.

Barges artificielles contre île naturelle

Quand Reporterre l’avait interrogé l’an dernier, il nous avait assuré qu’il « travaillerai[t] à la recherche d’un nouveau site » pour 2024. « Lors d’une réunion organisée le 29 avril dernier, la ville nous a présenté le chiffrage pour 3 ou 4 autres lieux », confirme Johann Pitois, vice-président de la LPO Bourgogne Franche-Comté. Mais dans chaque cas, le surcoût est estimé à 50 000 euros par la Ville en raison de la mise en sécurisation (location et installation de barrières sur plusieurs kilomètres notamment).

« On nous a aussi expliqué qu’en raison des Jeux olympiques et du plan Vigipirate renforcé, les effectifs de police et de gendarmerie seraient réduits et que seul le site du pont de Loire permettait d’assurer une sécurité satisfaisante », rapporte celui qui est aussi le responsable de la LPO locale.

Les services techniques de la mairie ont par ailleurs proposé à l’association d’installer des barges sur la Loire afin d’accueillir les oiseaux. « Nous leur avons expliqué que ces barges ne remplaceraient pas une île très attractive, s’agace Johann Pitois. En outre, si ces barges pouvaient éventuellement convenir aux sternes pierregarins, les sternes naines, elles, ne nichent pas sur des dispositifs artificiels. »

En résumé, la mairie n’a trouvé aucune solution viable, contrairement à Moulins, Tours ou Gennes-Val-de-Loire, ses consœurs qui, au cours des dernières années, ont su adapter leurs festivités à la nidification des sternes. Dans la cité neversoise, ce 14 juillet, le spectacle pyrotechnique aura donc lieu au même endroit que l’an dernier.

Perturbation intentionnelle d’espèces protégées

Pierrot Pantel a décidé de ne pas attendre le 14 juillet pour réagir. Le chargé de mission juridique à l’Association nationale pour la biodiversité (ANB) a déposé plainte le 12 juillet auprès du tribunal judiciaire de Nevers au nom de son association et de deux autres organisations — l’Aspas et Global Earth Keeper. La plainte vise le maire Denis Thuriot et l’entreprise de pyrotechnie pour « perturbation intentionnelle d’espèces protégées » et « violation d’un arrêté visant à favoriser la conservation de biotopes nécessaires aux espèces protégées » lors du feu d’artifice de 2023. À l’époque, quelque 80 individus d’espèces protégées en reproduction et/ou repos avaient été recensés sur cette même île : sternes, petits gravelots, bergeronnettes, etc.

« Il y a clairement eu perturbation intentionnelle des oiseaux, estime Pierrot Pantel, qui s’appuie sur l’arrêté du 29 octobre 2009 fixant la liste des oiseaux protégés. À partir du moment où les oiseaux s’envolent, cela suffit pour qualifier l’infraction. » Or, le 14 juillet 2023, les volatiles se sont tous envolés au premier tir de fusée, personne ne le remet en question.

« Une nuit sans couvaison peut être fatale »

« Ce dossier est assez intéressant car l’intentionnalité est parfaitement établie, et même assumée par M. Thuriot dès le 22 juin 2023 devant la presse », note le juriste de l’ANB. La perturbation intentionnelle d’une espèce protégée est sanctionnée d’une contravention de 4e classe, soit 750 euros. « Nous allons demander que cette amende soit payée pour chaque oiseau des 80 qui ont été perturbés », ajoute Pierrot Pantel.

Cette année, l’île abrite 6 couples couveurs de pierregarins et 5 de naines, selon le décompte de la LPO. Un couple, chassé par la dernière crue en juin, nourrit deux jeunes un peu plus en amont du fleuve. « Certes, il s’agit de petits effectifs, mais raison de plus pour en prendre soin ! considère Johann Pitois. Nous sommes inquiets, car il s’agit de la période de couvaison. Si la colonie s’éloigne à cause du feu d’artifice et ne revient que le lendemain, il y a un risque pour les œufs. Une nuit sans couvaison peut être fatale, d’autant que les températures ne sont pas très chaudes en ce moment. »

Le risque est grand aussi pour les deux jeunes : s’ils sont déjà en capacité de voler le 14 juillet, un envol de pleine nuit et sans expérience peut les désorienter et les empêcher de retrouver leur chemin. La LPO promet d’être sur le pont avec jumelles, avant, pendant et après le spectacle. Et d’attaquer à son tour la mairie en justice en cas de dommages pour les sternes.



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