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« Le vote à la proportionnelle est indiscutablement le meilleur système »


12 juillet 2024 à 09h31
Mis à jour le 13 juillet 2024 à 09h40

Durée de lecture : 4 minutes

Face à l’impasse, la période est à la créativité politique. Quitte à ressortir des cartons de vieux serpents de mer démocratiques. La sénatrice Mélanie Vogel, du groupe Écologiste — Solidarités et territoires, a dégainé le 10 juillet une proposition de loi en faveur du passage du scrutin majoritaire au scrutin proportionnel. Les électrices et électeurs voteraient alors pour des listes de candidats, comme pour les municipales et les européennes. L’avantage : mieux représenter la diversité des différents courants politiques. L’inconvénient : la difficile constitution d’une majorité.


Reporterre — En quoi le scrutin proportionnel peut-il être une réponse à la crise actuelle ?

Mélanie Vogel — C’est indiscutablement le meilleur système pour représenter au mieux les opinions dans la société. Il compose un Parlement plus représentatif. Le système majoritaire d’aujourd’hui produit des majorités fictives. Vous pouvez rassembler seulement 30 % des voix dans la société et obtenir tout de même, sous la Ve République, une surconcentration des pouvoirs à l’exécutif. Cela crée les conditions pour qu’une minorité — qui représente une minorité dans la société, même si elle est substantielle — gère seule le pays.

« Le système majoritaire pousse les citoyens à voter “utile” »

Le système majoritaire pousse les citoyens à voter « utile », à faire des choix stratégiques, sans pour autant indiquer leur préférence. Ces majorités fictives ne s’appuient pas sur une base concrète, ancrée dans la société. Dernier avantage de la proportionnelle : elle crée une nouvelle culture politique qui met l’intelligence collective — et pas forcément les logiques d’appareil — au cœur du projet.


L’Assemblée ne ressemble-t-elle pas aujourd’hui à ce qu’aurait produit un scrutin proportionnel ?

Peut-être, je ne saurais dire, mais comme nous ne disposons pas de la culture politique qui va avec, nous sommes bloqués. Que vous ayez perdu avec 2 % ou 49,5 % des voix, c’est la même chose. Le scrutin majoritaire empêche d’avoir une culture du consensus et de faire de la politique de manière intelligente, sans s’insulter et en faisant émerger de l’intelligence collective. Pendant très longtemps, les Français ont eu l’habitude de donner une majorité absolue au président de la République. Avec la Vᵉ République, même sans base sociale au Parlement, le président a les pleins pouvoirs et peut faire tout ce qu’il veut. Cela n’incite pas les candidats à se parler entre eux et à créer du consensus.

En Allemagne, par exemple, ce type de scrutin à la proportionnelle crée beaucoup de stabilité puisque le paysage politique se compose au gré de coalitions à périmètres très variables. En Espagne, même avec la proportionnelle, cela reste globalement très polarisé gauche-droite. Chez nous, tous les partis sont organisés autour de l’obsession de la présidentielle. Ça marche… jusqu’au jour où l’Assemblée ne produit plus de majorité absolue, comme aujourd’hui. Et là, tout est complètement bloqué. Le scrutin majoritaire place l’intelligence collective dans le seul bon vouloir du président de la République. S’il veut de l’intelligence, il peut. S’il veut tout péter, il fait passer ses lois avec des 49.3 [qui permet l’adoption d’un texte sans vote], et peut ne pas écouter 2 millions de personnes dans la rue. Dans un régime mature, ce n’est plus possible.

L’heure est plutôt à l’appel à une nouvelle Constitution…

Évidemment qu’à terme, il faut qu’on ait une réforme beaucoup plus large de nos institutions. Mener un processus constituant pour changer de régime est absolument nécessaire. L’un n’exclut pas l’autre. L’avantage de ma proposition, c’est qu’elle peut être mise en œuvre sans modification constitutionnelle. Et nous pourrions avoir des scrutins proportionnels dès les prochaines élections.

Au-delà de ce qui se passe actuellement, je suis vraiment persuadée que quelque chose comme En Marche ! n’aurait jamais existé avec un scrutin proportionnel. Cette formation est un pur produit du présidentialisme et du système de vote majoritaire, créé autour de l’ambition d’une personne d’accéder au pouvoir, sans lignes idéologiques bien claires. Le fameux « en même temps », ça ne fait pas un projet et ça a beaucoup moins de risques d’émerger dans un système proportionnel.



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