• ven. Sep 20th, 2024

Au festival électro Tomorrowland, 100 000 personnes viennent en avion


Dès aujourd’hui et pour deux week-ends, le festival de musique électronique Tomorrowland va accueillir 400 000 personnes venues du monde entier. À l’international, la célébrité de ce festival égalerait presque celle du footballeur Kevin De Bruyne ou du roi Philippe de Belgique. « Tomorrowland est une énorme réussite : quand on est Belges et que l’on voyage à l’étranger, le premier truc dont on vous parle, avant la bière et le foot, c’est Tomorrowland, dit Louis Collinet, fondateur et directeur de Tapio, plateforme de conseil de stratégie climat basée à Bruxelles. Le pendant négatif, c’est que les gens voyagent de loin pour venir. »

Environ 10 000 festivaliers viennent par avion, via des offres groupées proposées par les organisateurs. Pire encore : selon Tapio, environ 100 000 personnes arrivent par les airs. Cela fait de Tomorrowland le festival le plus polluant de Belgique. « Avec les estimations faites – en toute indépendance par rapport au festival –, c’est 370 kilos de CO2 par festivalier. » Une hypothèse basse. À titre de comparaison, selon le rapport Décarbonons la culture du Shift Project publié en 2021, les spectateurs des Vieilles charrues rejettent 50 kg de CO2. « Si on va à Tomorrowland, je ne serais pas surpris que les festivaliers pensent assister à un festival durable, parce que des efforts sont faits sur le recyclage. C’est un peu la définition du greenwashing : une stratégie de communication », juge Louis Collinet.

Contactée, l’organisation du festival renvoie vers une brochure assurant que 46 000 festivaliers européens viennent à Tomorrowland en voyage groupé – avion ou train.

Les transports, poste polluant numéro un

La mobilité représente, selon le rapport de Tapio, 79 % des émissions du festival. « À partir du moment où des gens viennent du bout du monde, c’est antinomique par rapport à la notion de sobriété », dit Louis Collinet. Toutefois, les études convergent sur un fait : les transports sont – de loin – le poste le plus polluant pour tous les festivals belges.

Fondateur du festival de Dour, Carlo Di Antonio – par ailleurs bourgmestre de la ville et ancien ministre wallon (Les Engagés, centre-droit) de la Transition écologique – ne nie pas le problème. « On a des bus qui viennent de Bordeaux, de Marseille qu’on a du mal à remplir, alors qu’il y a 100 bagnoles qui viennent de Marseille, peste-t-il, plaidant pour une dissuasion financière. « Notre point faible, c’est que les parkings sont gratuits. Il faut rendre moins attractive la voiture, et financer des voyages en bus abordables avec les recettes des parkings, c’est ce que je vais proposer [à l’équipe]. »

« Notre point faible, c’est que les parkings sont gratuits »

Tout ne repose pas sur les épaules des festivaliers. Il faut aussi acheminer sur site des milliers de bénévoles, sans compter les artistes qui se produisent. Faire venir Metallica ou Nicki Minaj à Bruxelles ou Liège revient à exploser le bilan carbone. « C’est dur de se définir comme festival durable sans faire des choix violents [tels que renoncer à programmer des stars internationales]. Il va falloir faire des choix, et emmener son public dans ces choix », estime Louis Collinet.

Les gobelets lavables font polémique

Outre le bilan carbone, la pollution plastique est un enjeu de taille. Les festivals belges sont agités par la polémique autour de l’obligation de n’utiliser que des gobelets réutilisables : Tomorrowland a refusé, et pourrait payer 500 000 euros d’amende par jour. L’équipe, interrogée sur ce sujet, s’est contentée de nous renvoyer vers un rapport interne sur le développement durable. Son refus s’explique par « trop de défis opérationnels, pratiques et logistiques pour utiliser des gobelets réutilisables. Mais, plus important, cela n’a aucune vertu environnementale. » Le festival avait demandé une dérogation pour écouler ses stocks de gobelets jetables, dérogation refusée par le gouvernement flamand.

Du côté de Dour, on a appliqué la loi, mais les arguments sont les mêmes : les gobelets lavables n’auraient aucune vertu écologique. « Un gobelet réutilisable représente 10 ou 12 fois plus de plastique qu’un gobelet jetable, mais on n’arrive jamais à l’utiliser 10 ou 12 fois, grince Carlo Di Antonio. On utilise un million de gobelets, comme ils sont incapables de les nettoyer ici, ça fait 150 km pour aller à Anvers, pour être lavés et séchés… »

Le festival de Dour s’est mis aux gobelets jetables, tout en estimant qu’ils n’ont aucune vertu écologique.
Flickr / CC BYNCND 2.0 / Olivier Bourgi

Sous-utilisés, ils sont effectivement plus polluants. Selon le collectif R2D2, qui aide les festivals français à réduire au maximum leurs déchets plastiques, la meilleure option reste bien les gobelets réutilisables en plastique, à condition qu’ils soient utilisés au moins quinze fois. Reste aux équipes des festivals à s’organiser en conséquence.

D’autre part, le fondateur du festival a des doutes sur les comportements individuels des participants. Sont-ils en mesure, dans une atmosphère festive, de garder leur gobelet et de le ramener au bar au moment de la prochaine tournée ? Au cœur de la nuit, après le concert de Subtronics, le journaliste qui écrit ces lignes a pu constater que quasiment aucun gobelet n’avait été abandonné, à la différence de milliers de bouteilles d’eau en plastique.

Certains festivals belges tirent leur épingle du jeu, à l’instar du Couleur Café, à Bruxelles. Tapio a estimé son bilan carbone à 471 tonnes, soit… 300 fois moins que Tomorrowland. Du côté d’Esperanzah à Floreffe, on se démarque par le respect des circuits courts et des produits frais. « On les envie sur ce point », sourit Carlo Di Antonio.

Enfin, dans les bonnes pratiques et malgré une balance négative, on citera… Tomorrowland, qui collabore avec le collectif After Festival Récup qui récupère tentes, sacs de couchage et denrées alimentaires laissés sur site. « Nous aidons des sans-abri et des migrants à Calais, et pour nous, les sacs de couchage, c’est de l’or. On les met tous dans les conteneurs, et en novembre-décembre, on nous envoie les sacs de couchage lavés », dit Renaud Jean-Louis, du collectif.



Source link

Laisser un commentaire

Votre adresse e-mail ne sera pas publiée. Les champs obligatoires sont indiqués avec *