Des ports, des usines, des mines dans l’escarcelle de Pékin
Les nouvelles routes de la soie passent par l’Albanie, le Monténégro, jusqu’en Slovénie. Mais c’est avec Belgrade que Pékin a noué les liens les plus étroits, sur la base d’une amitié née en 1999, sous les bombes américaines qui détruisaient l’ambassade chinoise de l’ex-capitale yougoslave. Aujourd’hui, cette relation privilégiée contribue au dynamisme de l’économie serbe, sans toujours emporter l’adhésion de la population.
Marko Djurica. — Un employé devant l’usine de traitement de cuivre exploitée par la société Zijin Mining, Krivelj, Serbie, 2024
REUTERS / Marko Djurica
Trois femmes sont de garde, dans une cabane dressée sur le bas-côté de la route qui passe au milieu du village de Krivelj, au cœur du bassin minier de Bor, dans l’est de la Serbie. Un brasero réchauffe l’air encore frais de ce début de printemps et un câble électrique a été tiré pour brancher une télévision. Un voisin apporte de chez lui des tasses de café turc et lance l’alerte : « Une voiture ! Sortez, ce sont des frères chinois ! », ainsi désignés ironiquement alors que le gouvernement de Belgrade aime à mettre en valeur l’amitié du « frère » Xi Jinping. Aussitôt, les trois femmes bloquent le passage, contraignant le véhicule des « frères chinois » à faire demi-tour.
Ces scènes se répètent plusieurs fois par jour depuis le 29 janvier, quand les habitants ont dressé un barrage filtrant, surmonté de l’écriteau « Vous n’êtes pas les bienvenus ». Les excavations des mines de cuivre à ciel ouvert cernent Krivelj. La disparition du village est programmée depuis les années 1970. Héritier de la Compagnie française des mines de Bor, créée en 1904, le Bassin minier et fonderies de Bor (RTB Bor) appartenait à l’État serbe jusqu’à ce que, en 2018, il cède 63 % de son capital au géant chinois Zijin Mining Group.
Les Chinois promettaient alors de reprendre les 200 millions de dollars de dette de l’entreprise publique, de conserver cinq mille emplois et d’investir 1 milliard d’euros en six ans. Depuis, l’exploitation progresse à un rythme soutenu, des pans entiers de montagne sont broyés par les explosifs. « On trouve de l’or et du cuivre dans notre région depuis l’Antiquité », explique Mme Jasna Tomić, qui dirige le conseil des riverains de Krivelj. « Depuis l’arrivée des Chinois, la vie est devenue impossible pour les quarante-quatre familles encore présentes. L’air est irrespirable et les murs se fissurent. Zijin veut construire un barrage pour produire sa propre électricité. En janvier, un semi-remorque passait chaque minute dans le village. »
En bloquant la seule voie d’accès au puits de Novo (…)
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Jean-Arnault Dérens &
Laurent Geslin
Journalistes. Auteurs de l’ouvrage Les Balkans, carrefour sous influences. En 100 questions, Tallandier, Paris, 2023.