L’Union Européenne accumule les initiatives pour démontrer son dédain pour la transparence, un des traits fondamentaux de la démocratie.
Qu’il s’agisse des subventions octroyées par la Commission à des ONG dont un nombre significatif vise à faire pression sur le Parlement, ou des contrats et des contacts avec un fournisseur pour les injections ARN, ou encore de dispositif d’Etats souverains sur le financement des groupes de pression étrangers sur leur territoire, la transparence ne convient pas à l’Union Européenne (UE) !
Qu’on en juge :
Aucune transparence sur les milliards d’euros de subventions en tous genres à des ONG : Le 7 avril dernier, la Cour des comptes européennes a publié son rapport sur les subventions accordées à 4400 ONG : il s’agit de 7,4 milliards € en trois ans, de 2021 à 2023, dont 4,8 milliards issus du budget de l’UE. Pour la Cour, ces financements manquent de transparence ; l’information reste imprécise et incomplète ; aucune vision ni analyse d’ensemble des dépenses n’est possible. L’octroi se fait au fond en mode ‘fire and forget’ : une fois versée, le suivi de la subvention n’est pas assuré ; en matière de subventions, c’est particulièrement propice à l’arbitraire, voire à la fraude. D’ailleurs, des activités de ‘sensibilisation’ ainsi financées par l’UE n’ont pas été divulguées, y compris du lobbying envers le Parlement : un comble ! Et la Cour précise que la situation ne s’améliorera pas avant fin 2027.
Seule est disponible une analyse par pays de deux dispositifs, FAMI et FSE+ : il montre que certains pays bénéficient de montants disproportionnés (Espagne, Suède, République tchèque, Lituanie), et d’autres disent ne rien avoir reçu. Est-ce crédible ?
La Commission ne vérifie d’ailleurs ni la nature des ONG qu’elle gratifie de subventions, ni la transparence de leur financement. Elle ne daigne pas publier le nom des 30 ONG qui – dans chaque domaine, santé, recherche, environnement… ont reçu 40% du total, soit € 3,3 milliards entre 2014 et 2023 ; le nombre d’ONG se partageant ces 40% n’est même pas précisé. En supposant un parfait non-recouvrement entre les 6 domaines, soit 180 ONG, cela fait 18,3 millions d’euros par ONG sur la période, 1,9 million l’an. Cela ne mériterait-il pas que chacun puisse en connaisse le nom ?
La Commission et le Parlement européens s’arcboutent sur un refus de transparence quant au contrat d’achats d’injections ARNm et aux SMS entre le PDG de Pfizer et von der Leyen. Dans l’affaire dite ‘Pfizergate’, le Tribunal de l’UE a statué le 14 mai dernier sur le refus obstiné de la Commission, depuis des années, de transmettre les SMS échangés entre le PDG de Pfizer et von der Leyen. Pour mémoire, il s’agit d’une négociation commerciale sur l’achat groupé d’injections ARNm pour toute l’UE : une affaire de ‘seulement’ € 35 milliards, traitée seule par la présidente, qui plus est sans mandat. La présidente et toute la Commission mettaient en avant mordicus la thèse peu charpentée que ces SMS ne sont pas des documents publics inclus dans le champ du droit des citoyens de l’UE à la pleine information. Sans surprise au plan du droit – mais de nos jours, sait-on jamais ? – le Tribunal a – comme en juillet 2024 sur l’accès au texte des contrats d’achats des injections Covid 19 – donné tort à la Commission, et annulé sa décision de non-transmission des SMS échangés avec Pfizer par la présidente. Bien entendu, la Commission va faire appel devant la Cour de Justice, ce qui lui permet de gagner quelques mois.
Au même moment, le Parlement Européen votait à propos des contrats ARNm et des SMS Pfizer : dans les deux cas, le Parlement a voté contre la transparence. Merci aux partis français qui ont contribué par leurs votes à cette démission de l’esprit démocratique : Les écolos, les socialos, les pro-Macron, le LR ; même LFI a voté contre un amendement sur les SMS : il était proposé par les partis de droite au Parlement.
Le 24 mai, la Commission annonce qu’elle exige que la Hongrie retire le projet de loi « Transparence de la vie publique » déposé à son Parlement national le 13 mai ; à défaut elle saisirait la Cour de Justice. De quoi s’agit-il ? La Hongrie a mis en place en 2023 un Bureau de Protection de la Souveraineté chargé d’investiguer les ONG et media paraissant exercer une influence étrangère dans le pays ; l’UE n’a pas apprécié et la Commission a finalement attaqué en décembre dernier la Hongrie devant la Cour de Justice européenne sur le motif que cette réglementation locale serait incompatible avec les Traités. Le nouveau projet de loi hongrois complète le dispositif de 2023 : il prévoit que certains media et ONG, ceux qui pourraient menacer la souveraineté du pays, soient inscrits sur une liste ; les ONG et media de cette liste seraient soumis à des limitations de leur financement externe.
Ce dispositif est comparable à celui mis en place par la Géorgie : l’UE avait de façon similaire exigé qu’il soit retiré par le pays, sauf à compromettre sa candidature à l’UE. Des manifestations ‘spontanées’ avaient éclaté tout au long du dispositif législatif pour faire pression sur les députés. Malgré cela, la Géorgie a maintenu son projet, maintenant adopté : les ONG et media à fort financement étranger doivent s’y faire enregistrer.
Point commun aux critiques contre la Hongrie et la Géorgie : il s’agit d’une législation répliquant un dispositif russe. Ce n’est pas faux : la Russie entend bien protéger sa souveraineté, mise à mal depuis l’écroulement de l’union soviétique ; d’où la loi sur les agents étrangers de 2012 qui oblige toute personne ou organisation sous financement ou influence étrangers à s’enregistrer. Mais un point crucial est oublié : les Etats-Unis ont mis en place un texte similaire depuis 1938 : le Foreign Agents Registration Act -FARA). Le texte oblige les agents représentant les intérêts de puissances étrangères à divulguer leurs relations avec le gouvernement étranger et fournir des informations sur les activités concernées et leur financement. Il vise à permettre au gouvernement et à la population étatsuniennes d’évaluer leurs déclarations et activités. Russia Today a ainsi dû s’enregistrer. L’Europe remettrait-elle en cause la légitimité de ce texte comme elle le fait pour la Hongrie et la Géorgie ?
Un des aspects les moins repris dans les médias sur le FARA est que la présidence Kennedy avait décidé d’obliger l’American Zionist Council (AZC) à s’enregistrer comme agent d’Israël. En effet, l’AZC avait été créé à partir de fonds apportés par l’Etat d’Israël. Robert Kennedy, responsable du Department of Justice, était sur le point d’envoyer à l’AZC une injonction de mise en conformité avec FARA lorsque le président Kennedy fut assassiné. Au même moment, le président était en conflit avec le premier ministre israélien quant aux projets nucléaires militaires du pays. Le non-enregistrement de l’AZC – devenu l’American Israël Public Affairs Committee (AIPAC) – au titre de la loi FARA perdure, et c’est un des éléments du contexte particulier qui explique comment le Congrès et les administrations étatsuniens successifs sont depuis demeurés dévoués à Israël.
Il y a bien sûr une différence entre le texte étatsunien et ceux de Russie, Géorgie et Hongrie : le texte étatsunien vise les agents d’entités contrôlées par l’étranger. Or le mode opératoire étatsunien en matière d’influence peut insérer des ONG non formellement contrôlées (par exemple, l’Open Society Foundations de la famille Soros) entre les fonds de l’USAID, ou du National Endowment for Democracy, et les actions concrètes d’influence et ingérence ; et il en va de même pour l’influence européenne qui représente une part des concours de l’UE aux ONG: le large périmètre d’effet des lois en Russie, Géorgie ou Hongrie y trouve sa justification.
L’Union Européenne a une volonté d’influence dans les pays dont les dirigeants ne pensent pas « bien », Etats-Membres de l’UE (Hongrie, Slovaquie) ou autres (Serbie, Géorgie par exemple) : toute législation de transparence est un obstacle à son action d’influence, qui confine bien sûr à de l’ingérence tant la limite est ténue ! Un tel obstacle doit être abattu par tout moyen, négligence, refus de communication, menaces juridiques et financières…
L’Union Européenne et la transparence, cela fait décidément deux ! Le narratif UE sur la défense des valeurs démocratiques devrait seulement susciter sourire et haussement d’épaules. En effet la non-transparence s’ajoute au combat contre la liberté d’expression sur les réseaux sociaux et la liberté de penser en général, concrétisé par le Digital Services Act et la posture anti X et Musk ; elle s’ajoute aussi au dispositif contre le vote ‘populiste’ promu par l’ancien commissaire Breton, mis en œuvre récemment en Roumanie et en Allemagne : les hauts fonctionnaires de Bruxelles ont de la cohérence, et les élites locales, notamment en Allemagne et en France, mettent la main à la pâte !
Cour des comptes européenne – Rapport spécial 11/2025: Transparence des financements accordés par l’Union européenne à des ONG
Tribunal de l’Union Européenne, juillet 2024 – La Commission n’a pas donné au public un accès suffisamment large aux contrats d’achat de vaccins contre la Covid-19
Tribunal de l’Union Européenne, mai 2025 – Accès aux documents : la décision de la Commission refusant à une journaliste du New York Times l’accès aux messages textes échangés entre la présidente von der Leyen et le PDG de Pfizer est annulée
The DOJ Orders the American Zionist Council to Register as a Foreign Agent
Les circuits du financement de l’influence – Fact Check: George Soros received $260m from USAID | TruthOrFake Blog