De la canalisation à l’affrontement
À partir du début du XXe siècle, la république a cherché à mieux encadrer les protestations populaires dans la rue en privilégiant l’évitement. Depuis les années 2000, l’approche est plus punitive. La priorité est donnée à l’arrestation des « fauteurs de troubles ». Une évolution qui favorise les violences et pose la question du respect du droit de manifester.
À la tribune du Palais-Bourbon, un député dénonce les violences qu’ont subies quelques jours plus tôt des protestataires, dans une petite ville du nord de la France. La journée a débuté par un regroupement devant une usine. Vers 9 heures, « les gendarmes, sur ordre du lieutenant et sans provocation, ont chargé. Un homme a été blessé, un enfant a eu l’oreille à moitié coupée. La colère de la foule a commencé là et s’est manifestée en effet par des pierres lancées ». Après un moment d’apaisement, la situation se tend à nouveau : « Vers 3 heures [de l’après-midi], de nouvelles bousculades ont lieu et le nombre des manifestants grossit. » Puis la violence se déchaîne : « Les gendarmes frappent de tous côtés. Des femmes, des enfants et des vieillards sont renversés. L’exaspération monte. Un grand nombre de citoyens ripostent aux gendarmes avec des pierres. » Soudain, c’est le drame : « Un grand désordre règne et c’est à ce moment que, sans qu’on sache qui en a donné l’ordre, sans sommation préalable, un terrible feu de peloton a été tiré dans cette masse de monde. (…) La place était couverte de blessés et de morts. » Interpellé, le ministre de l’intérieur répond avec véhémence : « Nous avons donné des ordres pour assurer la tranquillité publique ; nous les avons donnés avec netteté, fermeté et prudence. » Il livre ensuite son propre récit : « La gendarmerie locale a pu distinguer dans la foule toute la clientèle ordinaire des contrebandiers et des gens sans aveu qu’on peut évaluer à cinq ou six cents, parmi lesquels plus d’un quart d’étrangers. Toute la journée la force publique et l’armée ont eu à subir les injures, provocations et agressions de plus en plus violentes de la foule, et ce n’est qu’à la dernière extrémité et sous l’impression du danger qu’il n’était plus en leur pouvoir de conjurer autrement qu’elles ont dû recourir à la force des armes. »
Il conclut : « Je ne sais si les agents, lassés par les provocations de la foule, se sont laissé entraîner à quelques (…)
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