Google, Meta, TikTok et X critiquent le projet de loi australien interdisant l’accès des moins de 16 ans aux réseaux sociaux


Un projet de loi en Australie inquiète les réseaux sociaux. Une loi fédérale instaurant une limite d’âge pour ces sites, qualifiés de “fléaux” cela fait deux mois par le Premier ministre Anthony Albanese, pourrait être adoptée par le Parlement australien et obliger les internautes à transmettre leurs données personnelles pour prouver leur majorité. Google et Meta ont exhorté les autorités à retarder la réforme, le temps d’évaluer l’impact de ce texte et de son adoption. X ou encore TikTok expriment plutôt leur préoccupation quant aux répercussions de telle loi sur la liberté d’expression. Beaucoup craignent qu’une telle loi n’ouvre la voie à une forme de contrôle et à la censure.  

Début septembre dernier, le travailliste Anthony Albanese avait annoncé un projet de loi destiné à interdire aux enfants de moins de 14 ou 16 ans d’accéder aux services proposés par les réseaux sociaux. Le PM disait préférer voir les jeunes “loin de leurs écrans, sur les terrains de foot, dans les piscines et sur les courts de tennis”. “Nous voulons qu’ils aient de vraies expériences avec de vraies personnes parce que nous savons que les réseaux sociaux font du mal à la société”, avait-t-il déclaré.   

Les doutes de Google, Meta et TikTok 

Son gouvernement s’est vite attelé à élaborer le projet de loi, présenté jeudi 21 novembre 2024 au Parlement. Que prévoit le texte ? Des amendes de plus de 50 millions de dollars australiens (environ 31 millions d’euros, NDLR) sont envisagées pour les sociétés les plus réfractaires. Cette législation, considérée comme l’une des plus dures en la matière aussi bien en Australie qu’ailleurs dans le monde, obligerait les groupes de réseaux sociaux à prendre des mesures pour empêcher les moins de 16 ans d’accéder aux plateformes telles que X, TikTok, Facebook et Instagram. 

En outre, le projet de loi prévoit des mesures strictes de protection de la vie privée, qui obligeraient les géants technologiques à supprimer toute information recueillie pour la vérification de l’âge. Michelle Rowland, ministre des Télécommunications, estime que ces géants d’Internet étaient responsables de la « sécurité et de la santé mentale » des Australiens. « Il incombe aux plateformes de médias sociaux, et non aux parents ou aux enfants, de veiller à ce que des mesures de protection soient mises en place », dit-elle.  

Des plateformes bénéficieront de dérogations, comme YouTube et ses contenus éducatifs ou encore les services de messagerie comme WhatsApp.  

Autre motif évoqué par l’exécutif australien : les nombreux cas de cyberharcèlement et d’exploitation sexuelle de mineurs ces dernières années, ou encore la diffusion de “contenus illégaux ou dangereux pour les enfants”. Si la loi proposée est adoptée, les plateformes technologiques bénéficieront d’un délai de grâce d’un an pour l’appliquer. 

Malgré un engagement de leur part, les sociétés émettent de nombreuses réticences, mises en garde et des doutes, aussi bien sur la faisabilité technique que sur l’impact d’une initiative réglementaire jugée trop précipitée.  

Hier mardi, Google et Meta Platforms, maison-mère de Facebook, ont exhorté le gouvernement australien à retarder l’adoption de ce projet de loi, qui n’a été ouvert aux opinions que durant une journée. De l’avis de ces deux GAFAM, l’exécutif devrait d’abord tester un dispositif de vérification de l’âge, qui pourrait se baser sur des données biométriques ou une identification gouvernementale. « En l’absence de tels résultats, ni l’industrie ni les Australiens ne comprendront la nature ou l’ampleur de la vérification de l’âge requise par le projet de loi, ni l’impact de ces mesures sur les Australiens », a déclaré Meta, qui regrette un “projet de loi incohérent et inefficace dans sa forme actuelle”.  

Même constat chez Google, qui estime que la précipitation dans l’adoption du projet de loi proposé n’a pas tenu compte de la faisabilité technique. “Cette question pourrait être tranchée par l’essai de technologies de vérification de l’âge mené par le gouvernement avant l’adoption de la législation. Cela inclut la viabilité des technologies de vérification de l’âge et un âge minimum approprié pour accéder aux services de médias sociaux. Cet essai ne devrait pas achever ses travaux avant la mi-2025”, précise la contribution de Google. 

De son côté, TikTok de Bytedance a déploré un “manque de clarté”. La société chinoise s’est dit « très préoccupée » par le texte, qui pourrait être adopté “sans consultation détaillée d’experts, de plateformes de médias sociaux, d’organisations de santé mentale et de jeunes”. »Lorsqu’une nouvelle législation est proposée, il est important que celle-ci soit rédigée de manière approfondie et réfléchie, afin de s’assurer qu’elle est capable d’atteindre son objectif déclaré. Cela n’a pas été le cas pour ce projet de loi », a déclaré TikTok. 

Une volonté de censure ? 

Le patron de X, Elon Musk, avait déjà réagi la semaine passée en critiquant dans un post X le gouvernement australien. Le milliardaire estime que ce projet de loi “semble être un moyen détourné de contrôler l’accès à Internet par tous les Australiens”. Sa plateforme, que des médias mainstreams quittent ces derniers jours en prétextant une propagation de la désinformation, s’est aussi exprimée sur l’initiative des travaillistes australiens. Le réseau social dit craindre un impact négatif sur les droits de l’homme chez les jeunes et les enfants, notamment la liberté d’expression et l’accès à l’information. 

Si le parti libéral d’opposition doit soutenir le projet de loi, des législateurs accusent aussi le gouvernement de s’être précipité. Des experts ont plutôt exprimé des doutes quant à la faisabilité technique d’une interdiction stricte basée sur l’âge, pointant les défis liés à la vérification fiable de l’âge tout en respectant la vie privée. Il est notamment question du caractère intrusif de la vérification, qui obligerait chacun à transmettre ses données personnelles pour prouver sa majorité. Une telle mesure est perçue par beaucoup comme une forme de contrôle supplémentaire qui ouvre la voie à la censure et la fin de l’anonymat. D’autres craignent par ailleurs que cela pousse les jeunes vers des espaces numériques plus dangereux. 

L’Australie n’est pas le seul pays à envisager des restrictions d’âge pour l’accès aux réseaux sociaux. Par exemple, l’Espagne a voté en juin une loi similaire interdisant l’accès aux moins de 16 ans. La question est tout aussi débattue en Grande-Bretagne. Dans l’Etat américain de Floride, une loi doit entrer en vigueur en janvier pour interdire l’ouverture d’un compte aux moins de 14 ans. 





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