Modèle pour l’Occident, menace pour ses voisins
Malgré les protestations de Kinshasa et de Bujumbura, l’Union africaine, réunie en sommet le 16 janvier dernier, n’a pas condamné les ingérences meurtrières du Rwanda en République démocratique du Congo (RDC). Comme le Conseil de sécurité des Nations unies, elle s’est contentée d’appeler au dialogue sans nommer Kigali. Comment le président Paul Kagamé tient-il la dragée haute à la « communauté internationale » ?
Amani Bodo. – « Avenir eza flou » (L’avenir est flou), 2022
© Amani Bodo – Galerie Angalia, Paris
Mi-janvier dernier, le Mouvement du 23 mars (M23), groupe rebelle soutenu par le Rwanda, a de nouveau pris le contrôle de Goma, dans l’est de la République démocratique du Congo (RDC). Moins d’un mois plus tard, poursuivant sa progression, il s’empare de Bukavu, dans le Sud-Kivu. Ce n’est pas la première fois que Goma tombe entre ses mains : en novembre 2012, il avait alors accepté de se retirer de la grande ville du lac Kivu au bout de deux semaines. En novembre 2013, après une année de combats ininterrompus, de négociations et de pressions internationales sur Kigali, le groupe rebelle avait déposé les armes.
Cette fois-ci, la situation est différente : le M23 tient sa position à Goma mais il poursuit son avancée, soutenu par plus de quatre mille soldats des forces rwandaises de défense et un arsenal militaire lourd, comprenant des chars blindés, des drones et des missiles antiaériens. Tandis que le président Paul Kagamé prétend « ne pas savoir » (CNN, 3 février 2025) si ses troupes opèrent sur le territoire de son voisin, le Groupe d’experts de l’Organisation des Nations unies (ONU) sur la RDC a établi cette implication dans six rapports publiés entre 2022 et 2024. Néanmoins, jusqu’à nouvel ordre, les menées de Kigali ne lui ont valu que des réprobations verbales sur la scène internationale. Le 25 janvier, l’Union européenne exhorte le M23 à battre en retraite en mentionnant le soutien du Rwanda. Réuni en urgence le lendemain, le Conseil de sécurité de l’ONU s’est contenté de réclamer le retrait « des forces extérieures » sans les nommer explicitement tout en enjoignant à Kigali et Kinshasa de négocier. Seuls la Belgique et le Royaume-Uni ont condamné la prise de Bukavu et publiquement désigné Kigali. Le Rwanda peut ainsi continuer à violer les normes internationales qui garantissent l’intégrité et la souveraineté de la RDC.
La pusillanimité occidentale ne fait qu’aggraver la crise humanitaire qui ravage le Kivu — quatre millions de personnes déplacées depuis mars 2022 et (…)
Taille de l’article complet : 2 334 mots.
Cet article est réservé aux abonnés
accédez à la base de données en ligne de tous les articles du Monde diplomatique de 1954 à nos jours.
Retrouvez cette offre spécifique.