Le Vieux Continent célèbre son grand réarmement
Hier placée au cœur des grands projets européens, l’urgence climatique a subitement disparu des discours. Les dirigeants ont choisi de nourrir une autre ambition : investir massivement dans la défense pour faire face à la Russie et satisfaire les exigences de M. Donald Trump. Mais, alors que l’économie tourne au ralenti, qui paiera le prix de ce keynésianisme militaire ?
Gerhard Silber. – « Bomb Watchers II » (Guetteurs de bombe), 2014
© Gerhard Silber – art-silber.de
Soudain, le vertige. Pour les dirigeants des nations et des institutions européennes, la réélection de M. Donald Trump produit l’effet d’un saut à l’élastique… sans élastique. Le 9 février dernier, le président américain repostait sans commentaire sur son réseau Truth Social une citation de M. Vladimir Poutine à leur propos : « Vous verrez, tous se tiendront bientôt au pied du maître en remuant doucement la queue. » M. Trump aime humilier le Vieux Continent, un espace à ses yeux décadent où voisinent sybarites dépensiers et jansénistes mercantilistes qui tous rechignent à payer le juste prix du parapluie militaire. La volonté américaine de conclure un « deal » avec Moscou anéantit la seule caution qui crédibilisait l’engagement inconditionnel de Bruxelles aux côtés de l’Ukraine dans sa guerre défensive contre la Russie. Sans les dollars et les canons des États-Unis, les déclarations bravaches de Mme Ursula von der Leyen — « Il faut que Poutine perde cette guerre », expliquait la présidente de la Commission européenne en septembre 2022 — apparaissent en effet comme un déplacement d’air insignifiant.
Comment une Union européenne endettée, divisée, économiquement et militairement flageolante, peut-elle concilier soutien indéfectible au président ukrainien et bonnes grâces de M. Trump ? La réponse tient en deux mots : keynésianisme militaire, ou comment s’endetter pour remplir ses arsenaux d’armes américaines, puis faire payer l’addition aux populations par une cure d’austérité.
Si la prophétie de M. Poutine fort peu diplomatiquement relayée par M. Trump attend encore son accomplissement, plusieurs responsables politiques ont d’ores et déjà plié le genou devant une exigence du nouveau maître de la Maison Blanche. Le 7 janvier, ce dernier avait estimé que les pays membres de l’Organisation du traité de l’Atlantique nord (OTAN) devraient désormais consacrer à leur défense non plus 2 % mais 5 % de leur produit intérieur brut (PIB). Peu après s’ébranlait la procession des pénitents. Le (…)
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