Révolte contre les passe-droits en Serbie, par Ana Otašević (Le Monde diplomatique, mars 2025)


Le système Vučić rattrapé par ses turpitudes

La Serbie connaît depuis quatre mois le plus grand soulèvement de son histoire contemporaine. Ces manifestations contre la corruption trouvent leur origine dans l’effondrement d’un auvent à la gare de Novi Sad, qui a fait quinze morts. La genèse de l’accident révèle les tares d’un système qui permet au favoritisme de régner, aux dépens de la sécurité la plus élémentaire, sans émouvoir l’Union européenne.

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Nebojša Yamasaki Vukelić. – « We Need to Talk » (Il faut qu’on parle), 2021

© Nebojša Yamasaki Vukelić

Le 19 mars 2022, le président serbe Aleksandar Vučić recevait à Novi Sad son homologue hongrois et « grand ami » Viktor Orbán afin d’inaugurer le premier tronçon du futur train rapide qui doit relier Belgrade à Budapest à deux cents kilomètres-heure. Encore en rénovation, la gare était inaugurée en juillet 2024 par le ministre des infrastructures, M. Goran Vesić. Le 1er novembre, son auvent s’effondrait subitement, tuant quinze personnes.

« J’ai demandé des travaux supplémentaires. On m’a répondu que ce n’était pas rentable car cela allongerait la durée du chantier. J’ai résilié mon contrat parce que je ne voulais pas travailler dans ces conditions », nous raconte M. Zoran Đajić. Jusqu’en mars 2023, cet ingénieur supervisait les travaux pour la société serbe Starting, principal sous-traitant de l’entreprise publique China Civil Engineering Construction Corporation (CCECC) pour un montant initial de 1,9 million d’euros, porté à 5,1 millions un peu plus tard. « Le projet prévoyait bien un allégement des couches supérieures. Non seulement cela n’a pas été fait, mais Starting a ajouté plus de béton et de verre, surchargeant l’auvent de vingt-trois tonnes supplémentaires », précise M. Đajić, qui a réitéré ses avertissements lorsqu’il a été engagé par CCECC. Au sommet de l’État serbe, on affirmait pourtant, dès le soir de l’événement tragique, que la restauration de la gare ne concernait pas cet auvent. Alors que nous discutons dans un café de Belgrade, des gens s’approchent pour le remercier. Parmi les quelque cent cinquante employés du projet, il est le seul à avoir osé parler publiquement. « Des gens m’appellent et me disent qu’ils n’osent rien dire, qu’ils ont peur pour leur famille. Ils s’étonnent que je sois encore en vie », confie M. Đajić en souriant.

La reconstruction de la ligne ferroviaire et de la gare résulte d’un accord conclu avec la Hongrie et la Chine en 2013. Pour financer la partie serbe, Belgrade a contracté un prêt de plus de 1,2 milliard d’euros de la Banque (…)

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