Macron, l’ingérence décomplexée : Quand la laïcité cède face aux intérêts de la France en RDC


Résumé : La politique d’Emmanuel Macron est sous le feu des critiques avec la tension qu’il place entre la laïcité et les intérêts stratégiques de la France. Des relations avec des pays ou acteurs controversés semblent être privilégiées, dans une logique de realpolitik, face aux principes républicains. Cette « ingérence décomplexée », décrite par l’auteur, dans des affaires internationales et une gestion ambiguë de la laïcité, avec des choix perçus comme pragmatiques. Cela pourrait affecter l’image de la France comme défenseur des droits et des valeurs universelles.

La récente réception à l’Élysée d’une délégation d’églises congolaises par Emmanuel Macron a provoqué un tollé en République Démocratique du Congo (RDC). Derrière cette opération présentée comme un soutien à la paix, les Congolais y voient une ingérence flagrante dans leurs affaires intérieures, sous couvert de dialogue. Pire encore, cette initiative met en lumière l’hypocrisie de la France, qui brandit la laïcité quand ça l’arrange, mais s’en affranchit lorsqu’il s’agit de ses intérêts stratégiques.

Une rencontre sous haute suspicion

Dans un tweet, Emmanuel Macron a déclaré :

“J’ai reçu une délégation des églises congolaises engagées pour la paix en RDC. J’appuie pleinement leur initiative. Pour dépasser la crise actuelle à l’Est du pays et permettre le rétablissement de la souveraineté congolaise, la France soutient le dialogue. La rencontre entre le Président Tshisekedi et le Président Kagame organisée par l’Émir du Qatar hier à Doha et tous les efforts régionaux vont dans ce sens. Ils doivent se poursuivre.”

Mais qui sont ces “églises congolaises engagées pour la paix” ? Pour beaucoup en RDC, ces “hommes en robes” sont surtout des figures de l’opposition cachées sous le couvert religieux. Appelés également “l’opposition en robe”, ces religieux sont soupçonnés d’agir en faveur de Moïse Katumbi, milliardaire et opposant notoire, lui-même allié de Joseph Kabila, ancien président devenu chef rebelle. Selon le Président Félix Tshisekedi, et suivant une lecture cumulée des faits, Kabila serait le patron de l’AFC, groupe rebelle officiellement dirigé par Corneille Nangaa. Ce dernier n’est autre que l’ancien président de la CENI (Commission Électorale Indépendante) du temps de Kabila. C’est dire que c’était l’homme en qui il avait le plus confiance.

Le constat est clair : sous prétexte d’une mission pour la paix, cette délégation est venue consulter ses soutiens, au premier rang desquels figurent Paul Kagame et Emmanuel Macron. Une stratégie bien rodée alors que la France continue de soutenir militairement et logistiquement le Rwanda, facilitant ainsi son avance sur le terrain de guerre à l’Est du Congo.

La laïcité, un principe à géométrie variable

L’ingérence de l’Église dans les affaires politiques suscite un vif émoi en RDC, un pays dont la Constitution affirme dès son premier article la laïcité de l’État congolais. Cette intervention est d’autant plus controversée qu’elle est perçue comme proche de certains partis d’opposition relayant la rhétorique du Président rwandais, une thèse largement réfutée par des rapports onusiens et des ONG locales.

Pourtant, la France, souvent prompte à donner des leçons sur la laïcité, n’a pas hésité à placer l’Église au cœur du jeu politique congolais. Un paradoxe qui indigne de nombreux observateurs africains. Alors qu’elle prône une stricte neutralité religieuse sur son territoire, elle semble s’affranchir de ce principe dès qu’il s’agit de l’Afrique. L’histoire regorge d’exemples d’ingérences françaises sous couvert de diplomatie religieuse, souvent dictées par des intérêts économiques et stratégiques.

Une présence française de plus en plus contestée

Les réactions en RDC ne se sont pas fait attendre. Le tweet de Macron a suscité une vague d’indignation et de commentaires incendiaires. Entre injures et vociférations, les Congolais expriment leur ras-le-bol face à ce qu’ils perçoivent comme une nouvelle tentative de manipulation politique orchestrée depuis Paris, qui offre un appui logistique aux rebelles sur le terrain.

L’attaque spontanée de l’ambassade de France après la prise de Goma était une manifestation populaire qui aurait dû alerter les autorités françaises. Dans ce contexte, la question d’un possible retrait de la RDC de l’Organisation Internationale de la Francophonie (OIF) commence à émerger au sein d’une jeunesse en colère. À l’image du Burkina Faso, du Niger et du Mali, qui ont déjà pris leurs distances avec cette organisation, celle-ci est de plus en plus perçue comme un instrument de domination française.

Une analyse trop rarement abordée par les médias mainstream

Contrairement à ce que prétendent les grands médias occidentaux, l’opposition congolaise n’est pas un bloc monolithique d’acteurs démocratiques luttant pour le bien commun. Certains sont avant tout mus par des intérêts personnels et n’hésitent pas à faire appel à des soutiens étrangers, quitte à mettre en péril la souveraineté de leur propre pays.

D’un côté, on critique les peuples africains qui dénoncent le rôle trouble des anciennes puissances coloniales ; de l’autre, on entretient une grille de lecture simpliste où toute opposition est nécessairement une alternative vertueuse. Or, la réalité est bien plus nuancée.

Un avertissement pour l’avenir

Les Congolais ne sont pas dupes. L’ingérence française ne se cache même plus et la complicité avec le Rwanda ne fait que renforcer un sentiment anti-français grandissant. La RDC pourrait bien emboîter le pas aux autres nations africaines qui ont décidé de rompre avec l’influence française. Ce serait une onde de choc pour la France, qui perdrait ainsi le plus grand pays francophone du monde, fort de ses 110 millions de locuteurs. On voit déjà son influence se rétrécir sur le continent, où elle réussit à se brouiller avec ceux qui devaient lui servir de partenaires stratégiques de premiers rangs : l’Afrique francophone.

L’Histoire est en marche. Reste à voir si la RDC fait le choix de la rupture, rejoignant ainsi le Burkina Faso, le Niger et le Mali dans une dynamique de reconquête de sa pleine souveraineté. Une chose est sûre : la patience du peuple congolais a des limites, et Paris ferait bien d’en tenir compte.

À propos de l’auteur 

Sébastien Vanden Broek 

Docteur en philologie romaine, historien en études africaines et expert indépendant.

 





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