Ce 21 mai, dans l’enceinte feutrée du Sénat, Bernard Arnault a troqué son habit d’homme d’affaires pour celui de franc-tireur. Convoqué pour rendre des comptes sur les aides publiques reçues, il a surtout livré une charge acerbe contre l’État, la presse, et ses contradicteurs. La meilleure défense, c’est l’attaque, quitte à y ajouter un peu de mauvaise foi.
Face à l’appel au patriotisme économique lancé par Emmanuel Macron pour faire face aux tensions commerciales, Arnault n’a pas mâché ses mots. « Il est très mauvais pour l’État de se mêler de la gestion des entreprises privées. En général, ça mène à la catastrophe », a-t-il lâché, visiblement peu sensible aux envolées souverainistes de l’Élysée. Et d’enfoncer le clou : « Je ne pense pas qu’il soit très opportun de tenir compte des conseils de ce genre, d’où qu’ils viennent. » De toute façon, il se considère comme le parangon des patriotes, bien que LVMH « produisait déjà aux États-Unis » dès les années 1980.
Mais comme le rapporte HuffPost, c’est la presse qui a encaissé les coups les plus appuyés. Évoquant les enquêtes d’OpenLux et des Paradise Papers, relayées notamment par Le Monde, le milliardaire a sèchement commenté : « Ce qu’il y a de mieux dans Le Monde, c’est les mots croisés. » Quant au quotidien L’Humanité, dirigé par le sénateur Fabien Gay, il lui reproche d’avoir titré que le secteur du luxe détruit l’emploi. « C’est précisément le contraire », a-t-il rétorqué. Ce à quoi Fabien Gay n’a pas manqué de riposter : « Je ne souffle pas les articles aux journalistes, contrairement à vous-même », référence directe aux Échos, propriété d’Arnault, qui titrait récemment sur les « pièges » tendus aux patrons par les commissions parlementaires. Si ses arguments sont recevables, l’ironie est elle aussi pour le moins notable, d’autant qu’Arnault possède aussi Le Parisien, Paris Match et Radio Classique, entre autres titres.
De fait, cette audition marque peut-être un jalon en France. Face aux critiques, certains grands patrons ne s’excusent plus, ils attaquent.