Pour l’UE pas d’accord sur la requête de Madrid de reconnaître le catalan, le basque et le galicien comme langues officielles


L’Espagne peine à obtenir le consensus des 27 pour faire reconnaître le catalan, le basque et le galicien comme langue officielle de l’Union européenne. Après une première tentative en septembre 2023, Madrid, qui a multiplié les efforts pour calmer les craintes des autres États membres, insiste sur cette reconnaissance et la réunion mardi 27 mai des ministres des Affaires étrangères de l’UE à Bruxelles n’a pas permis d’aboutir à un consensus. La décision a été reportée. Pour le gouvernement Sanchez, la question est vitale. Pour les autres, la crainte qu’une telle reconnaissance lance un pavé dans la mare. 

La reconnaissance officielle du catalan à Bruxelles figurait parmi les principales conditions posées par le parti indépendantiste catalan de droite, Ensemble pour la Catalogne (Junts per Catalunya, JxCAT), en échange de son soutien à Pedro Sánchez. Ce soutien était crucial pour permettre à Sánchez de former une majorité et d’être réélu Premier ministre, compte tenu de l’équilibre très serré des forces au Parlement espagnol.

La demande espagnole fait grincer des dents

En août 2023, le gouvernement espagnol a officiellement demandé à l’Union européenne la reconnaissance du catalan, du basque et du galicien comme langues officielles, une démarche explicitement liée à un accord conclu avec Junts. La revendication des JxCAT était soutenue par les séparatistes de gauche, de Gauche républicaine de Catalogne (ERC) et par les partis nationalistes basques et galiciens, qui souhaitent que le basque et le galicien obtiennent le statut officiel dans l’UE.

La même année, l’utilisation dans les institutions de ces langues, “qui ont le caractère officiel dans certaines communautés autonomes”, a été approuvée. 

La promesse de Pedro Sánchez à l’opposition indépendantiste se justifie ainsi par son besoin de leurs voix afin de faire passer la plupart des textes de son gouvernement, minoritaire au parlement. Mais sa première proposition a suscité de fortes réticences parmi les États membres de l’UE. Plusieurs pays ont exprimé leurs craintes face à un possible effet boule de neige, redoutant que d’autres minorités linguistiques réclament à leur tour un statut similaire. Des questions budgétaires, juridiques et politiques ont également été soulevées, notamment sur le coût de la traduction et la nécessité d’un vote à l’unanimité. 

Madrid a maintenu la pression, mettant “tout son poids politique” selon un diplomate. Un important travail a été accompli dans le but de calmer les appréhensions de nombreux États membres. En vain.

Réunis mardi 27 mai à Bruxelles, les ministres des Affaires européennes de l’UE ne sont pas parvenus à un consensus. La décision a de nouveau été reportée. L’Espagnol José Manuel Albares a rappelé que le statut officiel des trois langues était “une question d’identité nationale espagnole” et qu’à ce titre, l’UE “devait protéger l’identité nationale de tous ses États membres”.

“Ce qui est important, c’est que cela soit fait d’une manière juridiquement solide et que cela ne crée pas de précédent”, a réagi Marilena Raouna, ministre chypriote adjointe aux Affaires européennes, dont le pays se dit pourtant favorable à la demande espagnole.

L’angoisse d’un engrenage incontrôlable

L’UE, où l’on dénombre une soixantaine de langues régionales ou minoritaires, compte actuellement 24 langues officielles. Ce statut implique notamment que les documents juridiques de l’UE comme les traités, les règlements ou les accords internationaux soient traduits dans ces langues, et qu’une interprétation soit disponible pour les sommets et réunions ministérielles.

“Je pense que la diversité linguistique est importante et nous sommes toujours constructifs”, a affirmé Joakim Strand, ministre finlandais aux Affaires européennes. Mais les efforts de Madrid apparaissent, aux diplomates, comme “européaniser un sujet national”, à savoir l’avenir du gouvernement socialiste de Pedro Sanchez. 

“En Europe de l’Est aussi (Roumanie, Bulgarie, Hongrie, Slovénie, Croatie), il y a des minorités importantes. On ne va pas ouvrir la porte à quatre langues par État membre”, s’insurgeait déjà en 2023 un autre diplomate. Des pays baltes ayant des communautés russophones pourraient aussi suivre le pas, et les 27 ne souhaitent pas que le russe puisse devenir une langue officielle.

La France avait affiché envers la demande espagnole la même réticence que d’autres États membres, voyant que le “précédent” évoqué par Marilena Raouna pourrait alors motiver les Bretons, les Basques ou les Corses à exiger pareille reconnaissance, ce qui dans l’esprit très mondialiste de notre président  reste impensable. Il faut absolument diluer ces identités. Si l’État reconnaît officiellement et du bout des doigts la “valeur patrimoniale” de ces langues, cette reconnaissance se limite à un cadre juridique strict qui consacre le français comme seule langue officielle. Il n’est donc pas pensable d’accorder des droits plus larges, notamment dans l’administration ou la justice. 





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