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François Bayrou, baladin un jour, renaissant toujours

ByVeritatis

Avr 20, 2024


PORTRAIT CRACHE – François Bayrou, député, maire de Pau et plusieurs fois ministres, est surtout figure d’une opposition opportuniste. Éternel candidat malheureux à la présidentielle, l’ancien enseignant s’est forgé au fil des décennies le profil d’un infatigable donneur de leçons, chantonnant les promesses du “renouveau” et de la “reconstruction” depuis les balcons du pouvoir. Un faiseur de président à ses propres dépens, et conservateur de l’appareil malgré lui. 

Avant de se lancer en politique, François est, à 23 ans, enseignant de lettres classiques à Pau. Ses débuts en politique, il les fait lorsqu’il adhère au parti Centre démocrate (CD), devenu le Centre des démocrates sociaux (CDS), de Jean Lecanuet, alors député européen. Mais avant, François Bayrou ôte en 1979 sa blouse de professeur pour devenir chargé de mission, ou plutôt un “scribe”, dans le cabinet de Pierre Méhaignerie, ministre de l’Agriculture, puis dans le cabinet d’Alain Poher, président du Sénat, à partir de 1982 et enfin, auprès de Pierre Pflimlin, président du Parlement européen, à partir de 1984, ce qui révélera ses premières orientations politiques. 

Girouette qui ne sait sur quel pied danser 

Secrétaire national du CDS depuis 1980, il est élu, entre temps, conseiller général des Pyrénées-Atlantiques dans le canton de Pau-Sud. Son ascension débute avec son élection comme député du même département en 1986 sous l’étiquette de l’UDF (union de plusieurs partis de centre droit, NDLR), malgré une défaite aux municipales de Pau trois ans plus tard. Il fait alors partie des “rénovateurs”, un groupe de jeunes militants centristes souhaitant rénover l’approche politique chez l’UDF et les néo-gaullistes du RPR de Jacques Chirac, très critiqué comme Valéry Giscard d’Estaing et Raymond Barre.  

François Bayrou soutient même une liste “dissidente” menée par Simone Veil aux européennes contre celle tirée par Giscard d’Estaing. C’est pourtant ce dernier qui le choisit pour être secrétaire général de l’UDF en 1991.  

Son ascension se poursuit et le député des Pyrénées-Atlantiques devient, en 1993, ministre de l’Education dans le gouvernement d’Alain Juppé. Cet ancien enseignant, élu entre-temps président du CDS, mène une réforme des établissements scolaires et des études supérieures mais son amendement de la loi Falloux, pour élever les aides aux investissements des établissements privés au-delà du plafond de 10% est rejeté. 

Crédits : ARA

A la fin de son mandat et après des tensions au sein de l’UDF en raison d’un rapprochement de l’un des partis de cette union avec le Front national, François Bayrou devient en 1999 député européen malgré un modeste score, puis se présente, trois années plus tard, aux élections présidentielles de 2002. S’il s’est jusque-là montré capable d’influencer les dynamiques internes de son camp, il est loin de rassembler les Français. Il obtient le meilleur score dans son département des Pyrénées-Atlantiques mais se classe loin derrière dans la course avec 6,84 % des voix seulement.  

Après la réélection de Jacques Chirac à l’issue de cette présidentielle, François Bayrou se présente comme l’alternative à l’Union pour la majorité présidentielle (UMP), créée par le président réélu et Alain Juppé. “Il suffit, pour assurer ce renouvellement à la France, d’avoir le courage de le proposer”, dit-il, promettant de rassembler “la droite, le centre et même une partie de la gauche” dans une coalition. Après la défaite de l’UDF aux élections régionales et cantonales de 2004, le candidat “très” malheureux du scrutin, donneur de leçon et toujours aussi impatient, finit par retourner sa veste et fusionner la liste de sa coalition à celle de l’UMP. 

A peine les européennes remportées avec deux élus, la formation menée par François Bayrou quitte le navire. L’UDF bascule dans l’opposition, surtout après son vote contre le budget de 2005 et son vote pour la motion de censure visant le gouvernement Villepin, suite à l’affaire Clearstream 2, signe de “déliquescence” et “d’effondrement de l’État”.  

Prêcheur de renouveau sans faire sa propre mue 

François Bayrou est une nouvelle fois candidat à l’élection présidentielle, celle de 2007. Il reçoit le soutien de nombreuses personnalités et les sondages en sa faveur sont en hausse. On table même sur une qualification au second tour, au détriment de la socialiste Ségolène Royale. L’ancien enseignant est, de l’avis de beaucoup, le futur adversaire de Nicolas Sarkozy.  “Je considère que l’argent et la politique doivent être séparés, (…) notamment lorsque ces puissances économiques détiennent de très grands médias”, lance-t-il. 

L’outsider restera outsider. Le retour du bâton lui sera fatal : Valéry Giscard d’Estaing et Simone Veil le soutiennent. Bayrou “entretient l’incertitude”, et “flotte dans le vide entre des politiques évidemment différentes”, lâche l’ancien président. L’ancienne Ministre d’État et des Affaires sociales de la Santé ne mâche pas ses mots. Le candidat centriste “est le pire de tous” et sa candidature est une “imposture”. Il n’obtiendra que 18,57 % au premier tour de l’élection présidentielle, derrière Ségolène Royal et Nicolas Sarkozy. 

Pendant sa traversée du désert, François Bayrou tente de donner un nouveau souffle à sa formation politique qui vote, en 2007, la création du Mouvement démocrate (MoDem), un parti opposé au nouveau président et europhile. “J’ai rarement tort !”, dit-il. Le MoDem perd vite des militants, qui forment le Nouveau Centre et le député des Pyrénées-Atlantiques témoigne d’une baisse de forme. Il échoue à se faire élire Maire de Pau en 2007 et se voit accusé d’exploiter le MoDem pour des ambitions présidentielles. Les défections se poursuivent et des militants critiquent, les listes qui, “sous couvert d’une volonté affichée de pratiquer le renouvellement”, sont “une ineptie en termes d’efficacité et de potentiel électoral”. Le MoDem n’obtient que 4,20% des voix aux élections régionales de 2010.  

François Bayrou se fait quand même réélire président du parti, dont des membres lui reprochent un manque de démocratie. Contre toute logique et malgré une forme politique en berne, il annonce même sa candidature à la présidentielle de 2012, cette fois-ci en “homme libre”. Logiquement, il fait pire qu’en 2007 avec un pourcentage de 9,13 % des voix. Il exprime son intention de voter pour le socialiste François Hollande et s’attire les foudres des militants de droite et du centre. Tout comme en 2002, il est à la quête d’une coalition et fonde, avec l’Union des démocrates et indépendants (UDI), l’Alternative. Son ambition est la même : mener des listes communes pour les prochains scrutins avec, comme objectif, l’élection présidentielle de 2017.  

Le projet tombe vite à l’eau, Jean-Louis Borloo, président de l’UDI, se retire et son successeur, Jean-Christophe Lagarde, privilégie une alliance avec Nicolas Sarkozy. Cet opposant à la droite finit toujours par se rallier à ces alliances. En bon opportuniste, il tire profit du soutien de l’UMP pour se faire élire Maire de Pau en 2014.  

Même modus operandi avec Emmanuel Macron. La candidature de l’ancien ministre de l’Économie est, aux yeux du président du MoDem, soutenue par “le monde des grands intérêts et celui de l’argent”, un monde “incompatible avec l’impartialité qu’exige la fonction publique”.  

Maintenir son influence sur le président, à défaut de le devenir. 

Comme avec Jacques Chirac, dont il était ministre de l’Education une vingtaine d’années plus tôt, il propose, têtu qu’il est, avec cette incohérence dont il a fait sa griffe politique, une alliance à Macron, initiative aussi critiquée par la droite que par la gauche. De plus, son accord avec le nouveau président de la République n’est pas respecté. Sur 120 circonscriptions devant être réservées au MoDem, seulement 30 sont proposées par En Marche.  

En guise de consolation, le maire de Pau est nommé ministre d’État, garde des Sceaux, ministre de la Justice. Il donne son avis sur tout et “adore dire en présence du Premier ministre à quel point le président est génial”, au contraire de “l’exécution gouvernementale, défaillante”.  

Mais le mandat dure à peine un mois. François Bayrou est discrédité par des enquêtes du Canard Enchaîné et de France Info, selon lesquelles une dizaine d’employés du MoDem étaient rémunérés comme assistants parlementaires dans le cadre d’un système d’emplois fictifs. Il est alors accusé ”d’abus de confiance” et de “recel” puis mis en examen pour “complicité de détournement de fonds publics”. 

Réélu à Pau, appelant toujours au “renouvellement” et à la “reconstruction de la gouvernance”, tout en acceptant des postes de ceux-là même qu’ils critiquent comme celui de haut-commissaire au plan pour maintenir son influence, il figure parmi les personnes citées pour la présidentielle de 2027. Mais les sondages coupent court à cette “chimère présidentielle”. Il est néanmoins considéré comme un “pilier de la majorité”, “très consulté” par Emmanuel Macron et “un négociateur hors pair, un gros gueulard”. Comment en tira-t-il profit, cette fois-ci ? 

Pressenti pour faire partie du gouvernement Attal, il affirme “C’est non”, et annonce qu’il n’entrera pas au gouvernement, dénonçant “une démarche d’humiliation”. “On aimerait pouvoir être traité au niveau qu’on mérite” finira-t-il par dire, sous entendant que le poste n’est pas à la hauteur de son illustre personne. 

Relaxé au bénéfice du doute dans l’affaire des assistants parlementaires au Parlement européen, faute de preuve qu’il aurait autorisé la création de ces emplois fictifs. Mais le MoDem est condamné ainsi que huit autres prévenus. Le parquet de Paris fait entre-temps appel et “conteste ces relaxes, estime que les faits caractérisent les infractions reprochées et que les preuves de ces délits sont réunies contre tous les prévenus”. Affaire à suivre… 





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