• lun. Nov 11th, 2024

La passion d’un maire pour les dromadaires, chameaux et alpagas


Janvry (Essonne), reportage

Le comité des fêtes de Janvry est sur le pont, ce 18 avril. Une salle de conférence a été minutieusement dressée, un coin cossu doit accueillir un « bar à lait » de chamelle et des banderoles et affiches habillent ce remuant petit village de l’Essonne.

Voilà deux ans que son maire, Christian Schoettl, imagine et prépare son « incroyable défilé », destiné à faire connaître les camélidés : une quarantaine de chameaux, dromadaires, lamas et alpagas venus des quatre coins de la France et 150 invités originaires de 34 pays, devaient déambuler dans le quartier de la tour Eiffel, à Paris.

Christian Schoettl, maire de Janvry, est un mordu de dromadaires depuis qu’il en a fait venir pour une parade, il y a vingt-cinq ans.
© NnoMan Cadoret / Reporterre

Les critiques des animalistes, qui y voient une instrumentalisation des camélidés, et les réticences de la maire de Paris, Anne Hidalgo, et de celle du 7ᵉ arrondissement, Rachida Dati, ont convaincu la préfecture, déjà crispée par l’organisation des Jeux olympiques, de prendre un arrêté d’interdiction.

39 millions de camélidés dans le monde

Au grand regret de Christian Schoettl et de sa Fédération française pour le développement des camélidés (FFDCEE), qui ont immédiatement déposé un recours en référé. Le défilé aura finalement lieu au bois de Vincennes ce samedi.

Les organisateurs ont finalement accepté la proposition de la préfecture de déplacer leur défilé dans le bois de Vincennes.
© NnoMan Cadoret / Reporterre

Cette idée de parade est née en 2022. La commune de Janvry, connue pour son grand marché de Noël, venait d’accueillir son deuxième Salon international des camélidés et la FAO proclame, pour 2024, une « année des camélidés ». Un moyen, pour la branche alimentation de l’ONU, de vanter les vertus de ces animaux particulièrement résistants au climat aride, dont le nombre a doublé en vingt ans. On en compte aujourd’hui 39 millions dans le monde.

Les chameaux et dromadaires boivent peu, mangent toute sorte de végétaux, peuvent parcourir des kilomètres et leur lait est bon pour la santé. Un appui vital pour les populations des zones arides, exposées à l’extrême pauvreté et aux conséquences du réchauffement climatique.

« Au Tchad, c’est un animal vital pour la transhumance »

Hassan Abdoulaye Moussa a fait le déplacement depuis le Tchad, sans ses animaux. Il élève vingt-huit chameaux et sa famille en possède des centaines. Ce jeudi, après avoir escorté une poignée d’animaux du pré de Christian Schoettl vers le centre du village, il devise avec un Indien, une Canadienne et quelques-uns de 300 bénévoles du comité des fêtes de Janvry. « Au Tchad, nous vendons le lait des chamelles et chaque bête peut valoir jusqu’à 900 euros, pour leur viande ou pour le transport. C’est un animal vital pour la transhumance, que beaucoup de Tchadiens font au moment de la saison sèche. »

Hassan Abdoulaye Moussa a fait le déplacement depuis le Tchad, sans ses animaux.
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Christian Schoettl, brocanteur de son état, est un mordu des dromadaires depuis qu’il en a fait venir, il y a vingt-cinq ans, pour une parade qu’il organisait à Janvry. « C’est un animal placide et attachant », témoigne l’édile, aux traits tirés, mais à la détermination intacte.

Avec quatre chameaux chez lui, il a tissé au fil du temps un réseau de passionnés dans toute la France. « Aurait-on eu la même réaction avec des chevaux, des vaches ou des chèvres ? Il y a beaucoup de méconnaissance de ces animaux, regrette-t-il. Les camélidés sont présents dans 96 pays au monde et ils sont bien traités en France. »

L’idée de cette parade est née en 2022.
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La plupart des membres de la FFDCEE élèvent chameaux, dromadaires et alpagas dans une formule d’agritourisme à petite échelle. Ils vendent le lait des femelles et organisent des promenades à dos de chameau.

« Nous n’avons rien à vendre, sauf un truc phénoménal : réunir trente-quatre nations autour du chameau »

Ces acteurs militent pour une meilleure reconnaissance légale des camélidés d’élevage car les quelque 1 500 à 2 000 chameaux et dromadaires français sont aujourd’hui comptabilisés comme animaux domestiques. Ils espèrent voir entrer l’animal au programme des formations agricoles ou vétérinaires. Mais ils ne sont pas nombreux à croire dans le développement de l’élevage à grande échelle.

Une quarantaine de chameaux, dromadaires, lamas et alpagas venus des quatre coins de la France devaient défiler.
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Un éleveur dans les Hauts-de-France produit du lait et des cosmétiques grâce à quatre-vingts chameaux, mais cela reste un marché de niche dont le développement serait contraint, car l’importation est interdite. Il n’existe donc pas de filière de viande de camélidés ni de projet en ce sens en France, martèle la FFDCEE.

« Nous n’avons rien à vendre, sauf un truc phénoménal : réunir autour du chameau trente-quatre nations. Des chiites, des sunnites et des gens venus de pays qui se font la guerre. Cet animal a le pouvoir de réunir les gens », défend Christian Schoettl, qui rêve de cette marche depuis qu’il a paradé avec deux dromadaires en 2014, lors des manifestations contre la réforme des rythmes scolaire. « Le face-à-face dromadaire CRS était jubilatoire. C’était totalement non-violent, à l’image de cet animal », s’amuse-t-il.

« Hand-ball dromadaire » et bébé alpaga

Ce vendredi, les visiteurs étaient attendus à Janvry pour un cycle de conférences, une dégustation de lait et une partie de « hand-ball dromadaire », avant de rallier la capitale, à quarante kilomètres de là, avec les animaux à bord de cinq semi-remorques.

Karine Layraud élève des alpagas depuis quinze ans. Elle a fait le déplacement depuis la Charente avec une femelle et son bébé. Depuis qu’elle s’est passionnée pour ces animaux à la laine d’une douceur incomparable, c’est la première fois qu’elle rencontre de telles critiques.

« On voulait faire quelque chose de bon enfant pour faire découvrir l’animal, mais j’ai l’impression que dès qu’on touche à Paris, les réactions ne sont plus les mêmes, livre-t-elle avec amertume. Moi, mes animaux, ils font partie de ma famille. »

L’événement est financé à 90 % grâce à une aide de 60 000 euros du ministère de la Culture saoudien, ce qui a suscité de vives critiques.
© NnoMan Cadoret / Reporterre

La venue de Qataris ou Saoudiens a également suscité des railleries, sur les réseaux sociaux. L’événement est financé à 90 % grâce à une aide de 60 000 euros du ministère de la Culture saoudien. Christian Schoettl assume : « C’est un animal qui a une place particulière là-bas, le ministère de la Culture aide à son rayonnement. »

Après moult péripéties, les animaux défileront au départ du château de Vincennes. « Nous vous donnons rendez-vous à 14H30 pour une promenade bucolique où le bitume ne doit pas être le même que dans la capitale, votre présence sera un témoignage de solidarité à l’égard des 34 pays qui ont fait le déplacement » , a déclaré le maire sur son blog.


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