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le cri d’alarme de la Croix-Rouge


Les phénomènes climatiques extrêmes agissent, et agiront, comme un véritable accélérateur de vulnérabilité. Telle est l’une des leçons à retenir du rapport de la Croix-Rouge, dévoilé le 25 avril. Fruit d’une vaste consultation d’experts de tous horizons, de personnes sinistrées et d’intervenants sur le terrain, ces 172 pages analysent les capacités de la France à réagir aux aléas climatiques extrêmes.

Elles « jette[nt] une lumière crue sur les disparités à l’œuvre face à ces phénomènes », insiste Philippe Da Costa, président de l’association. Si ceux-ci s’abattent sur toutes et tous, sans distinction des catégories sociales, nous ne sommes toutefois pas égaux pour les affronter. « Ce sont hélas les plus fragiles qui paient le prix fort », observent les auteurs, au lendemain de la publication d’un rapport d’Amnesty International qui en venait à la même conclusion dans le monde.

L’absence de logement, l’isolement social ou encore la privation d’accès à l’eau et à l’hygiène sont autant de facteurs de risque majeur. Et pour les personnes précaires, c’est la double peine : non seulement elles subissent de plein fouet les épisodes extrêmes, mais elles voient ensuite leurs conditions de vie se dégrader. Ainsi, selon l’économiste Esther Duflo, le changement climatique risque fortement de déconstruire une partie des progrès déjà opérés dans la lutte contre la pauvreté.

30 000 enfants à la rue

En 2022, près de 38 000 personnes ont été victimes d’expulsions locatives par les forces de l’État. Jamais un tel chiffre n’avait été atteint jusque-là. En l’espace de deux décennies, il a augmenté de 130 %. Résultat : 330 000 sans-abri ont été enregistrés en 2023, dont 30 000 enfants. Une fois à la rue, certains trouvent refuge dans des lieux de vie informels, comme des squats, des campements ou des bidonvilles.

Dès lors, en cas d’épisode climatique extrême, ces personnes sont davantage exposées. La promiscuité, couplée au manque d’accès à l’hygiène, décuple la probabilité de diffusion des épidémies. La rareté de l’eau potable multiplie les risques de déshydratation. Les matériaux utilisés pour bâtir des abris de fortune absorbent la chaleur en cas de canicule et la laissent s’évader au plus rude de l’hiver. La précarité des branchements électriques engendre des départs d’incendie et les murs menacent de s’effondrer à chaque rafale tempétueuse.

Malheureusement, « la tension sur le logement ne risque pas de s’améliorer », indique la Croix-Rouge. Premiers postes de dépenses des Français à hauteur de 27,8 % en 2021, les loyers augmentent quatre fois plus vite que les revenus. Quant au temps d’attente nécessaire pour acquérir un logement social, celui-ci ne cesse de s’allonger.

Surmortalité en Seine-Saint-Denis

Contrairement aux idées reçues, « les vagues de froid ne sont pas les aléas auxquels ces populations sont les plus exposées », poursuivent les auteurs. Depuis 1956, les expulsions locatives entre le 1er novembre et le 31 mars sont interdites, grâce à la trêve hivernale. Associé au plan « grand froid », prévoyant le renforcement des maraudes, accueils de jour et places d’hébergement exceptionnelles, ce dispositif réduit provisoirement le nombre de personnes vivant à la rue.

À l’inverse, les canicules constituent la principale menace climatique pour les plus précaires. Si elles ne comptent que pour 1 % des phénomènes climatiques rencontrés en France entre 1900 et 2017, elles ont provoqué 85 % des victimes parmi eux. Dès lors qu’un épisode survient, le nombre de passages aux urgences est multiplié par deux. Celui des consultations SOS Médecins, par trois.

Les îlots de chaleur urbains influencent les risques de décès lors des vagues de chaleur extrêmes.
Flickr/CC BYNC 2.0 Deed/Degrés 360

Si les personnes âgées, affectées par l’absence de sensation de soif ou l’incapacité de leur organisme à réguler la température interne, figurent parmi les principales victimes, les personnes précaires en souffrent aussi massivement. Et ce, notamment en raison de leurs conditions de logement : « Une étude de Santé publique France a démontré que les caractéristiques propices à la formation d’îlots de chaleur urbains influencent les risques de décès lors des vagues de chaleur extrêmes », écrit la Croix-Rouge. Lors de la canicule de 2003, une surmortalité de 160 % avait ainsi été observée en Seine-Saint-Denis, département le plus pauvre de France métropolitaine.

Disparition des bains-douches

En cas de canicule, une autre difficulté s’ajoute pour les personnes précaires : l’accès à une eau de qualité et à des installations sanitaires, pourtant reconnu comme un droit commun depuis 2010 par les Nations unies.

Dans la majorité des villes françaises, cet accès universel n’est pas pleinement assuré : « Se laver dans des bains-douches publics [des installations gratuites] a longtemps été une pratique banale et populaire en France, rappellent les auteurs du rapport. L’augmentation du taux d’équipement des logements en salles de bains a rendu cette pratique marginale. » Désormais, excepté à Paris, les grandes métropoles ferment une à une les bains-douches. « Sur les huit bains-douches publics de Lyon, il n’y en a plus qu’un seul ouvert », témoigne Stéphane Christin, président de la délégation territoriale du Rhône. À Marseille, Bordeaux ou Montpellier, ceux-ci ont même totalement disparu.

Ainsi, dans l’Hexagone, 1,4 million de personnes n’ont pas d’accès à l’eau géré en toute sécurité, c’est-à-dire situé sur le lieu d’usage, disponible à tout moment et exempt de contamination. Les points de ravitaillement sont épars, beaucoup de personnes précaires en sont réduites à collecter leur eau dans les fontaines ou aux robinets des cimetières. Des sources parfois coupées, pour éviter les gels de canalisations ou encore économiser les ressources lors de grandes sécheresses. Les distributions de bouteilles et les installations temporaires de camions-douches par les associations caritatives ne suffisent pas à pallier ce manque.

Invitée à intervenir dans le rapport, Greenpeace France a rappelé que les personnes les plus touchées par le changement climatique sont aussi celles qui, « par leur mode de vie sombre », y contribuent le moins : « Dans un contexte dans lequel l’inflation rogne encore davantage le budget des ménages et dégrade leurs conditions de vie, la question de la solidarité et du partage de l’effort entre les citoyens et les acteurs économiques au regard de leur responsabilité est cruciale. »



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