Une histoire de référendums, par Hélène Richard (Le Monde diplomatique, juin 2025)


Avant même les événements de 2014, la Crimée n’avait jamais trouvé entièrement sa place dans l’Ukraine indépendante. Cette ancienne république autonome au sein de la République socialiste fédérative soviétique de Russie (RSFSR) a perdu ce statut en 1945 sur décision de Joseph Staline avant d’être rattachée comme simple oblast à l’Ukraine soviétique en 1954. Au tournant des années 1990, alors que l’Union soviétique entame un processus de dislocation, la péninsule peuplée majoritairement de Russes (67 % selon le recensement de 1989) craint la montée du nationalisme à Kiev. En effet, sous l’impulsion du Roukh (Mouvement populaire pour la perestroïka), le Soviet suprême (Parlement) de la république socialiste soviétique d’Ukraine reconnaît en 1989 l’ukrainien comme seule langue d’État. Bien que ménageant des droits pour les russophones, cette législation — la première d’une série sur les questions linguistiques, qui deviendront un motif récurrent de discorde au cours des décennies suivantes — fait redouter aux Criméens une ukrainisation forcée. Le retour en masse des Tatars — le peuple autochtone turcophone d’avant la colonisation russe de la fin du XVIIIe siècle et déporté par Staline à partir de 1944 — renforce chez les Russes la crainte d’une marginalisation.

Dès 1991, trois référendums signalent la singularité politique de la Crimée. Le 20 janvier 1991, un premier scrutin, organisé par les autorités régionales — sans l’accord de Moscou ni de Kiev —, rétablit le statut de république autonome de la péninsule, tout en laissant en suspens la question de son rattachement à la Russie ou à l’Ukraine. La question posée aux Criméens indique seulement que la péninsule a vocation à intégrer une future Union rénovée, imaginée par Mikhaïl Gorbatchev pour refonder l’URSS sur des relations plus égalitaires entre les républiques fédérées, et ainsi la préserver. Ce projet est soumis à un deuxième (…)

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