Selon le gouvernement, la France serait dans une « très grande dérive » concernant ses arrêts maladie qui coûteraient de plus en plus cher. Derrière cette rhétorique éculée se cache à nouveau une volonté d’augmenter la durée de travail et de réduire les droits sociaux. Une rengaine qui ne résiste pourtant pas longtemps aux faits et démontre surtout la volonté d’enrichir toujours plus la classe bourgeoise.
Depuis plusieurs siècles, la même ritournelle résonne encore et encore dans la bouche du patronat et de leurs représentants : les Français coûteraient trop cher et ne travailleraient pas assez. Une remarque d’autant plus savoureuse lorsqu’elle provient d’Amélie de Montchalin, ministre des Comptes publics, dont la seule activité salariée s’est résume à avoir été lobbyiste pour le géant de l’assurance AXA pendant deux ans.
Au-delà de cette éternelle propagande, il serait pourtant plus opportun de se demander pourquoi les arrêts maladie se multiplient autant et comment notre rapport à l’emploi pourrait être amélioré.
Diviser pour mieux régner
À chaque crise économique issue du capitalisme lui-même, les gouvernements largement responsables de la situation mettent toujours en place le même stratagème. Pour monter les classes moyennes et populaires les unes contre les autres, la classe bourgeoise désigne ainsi une partie de la population qui serait « assistée » et qui profiterait du système de solidarité.
De ce fait, les initiateurs du déficit budgétaire ne seraient pas ceux qui ont méthodiquement dégradé les comptes pour faire d’immenses cadeaux fiscaux aux plus grandes fortunes, mais une minorité de paresseux qui refuserait de faire sa part.
Comparaison mensongère
Pire, les dirigeants français s’appliquent à faire entrer dans les têtes que ce « refus de travailler » ou d’accepter des réformes libérales, ou plus globalement de faire des efforts serait un mal national.
Amélie de Montchalin assurait ainsi le 16 avril 2025 que notre pays avait « beaucoup plus d’arrêts maladie » que l’Allemagne. Une fake news puisque, comme le rappelle France Info, en 2023, les salariés français ont utilisé 12 jours d’arrêt dans le public et 10 dans le privé, contre 15, toutes catégories confondues, outre-Rhin.
L’Allemagne serait d’ailleurs le pays qui poserait le plus de congés maladie de toute l’Europe, contrairement à la France encore largement dans la moyenne (de quoi relativiser sur le « modèle allemand » constamment mis en avant par la droite libérale).
L’État n’est pas un généreux donateur qui prend soin de ses enfants
Dans ce contexte, il faut également souligner la malhonnêteté intellectuelle des dirigeants néolibéraux qui ne cessent de faire comme si les Français devaient être redevables, en acceptant de faire des efforts, envers un État qui serait assimilable à un patriarche bienveillant.
Or, il est nécessaire de rappeler que le budget du pays provient intégralement des Français eux-mêmes. Ce constat se vérifie d’autant plus avec l’assurance maladie puisqu’elle fait partie de notre système de sécurité sociale qui à l’origine devait être entièrement supporté par nos cotisations sociales. Une mécanique pourtant constamment attaquée au profit du privé par nos gouvernants.
De ce fait, recevoir un arrêt maladie lorsque l’on en a besoin n’est pas un cadeau accordé par un généreux donateur, mais bien un droit fondamental obtenu par la lutte et financé par ceux-là mêmes qui en bénéficient.
S’interroger sur les véritables causes du mal
Sorti des poncifs gouvernementaux destinés à nous diviser, il faudrait sans doute plutôt se demander pourquoi les arrêts maladie ne cessent de se multiplier en général partout en Europe et proposer de véritables solutions contre ce problème ainsi qu’au déficit budgétaire.
Un rapport de la Drees pose d’ailleurs plusieurs hypothèses pour expliquer cette augmentation. On évoque d’abord un vieillissement de la population ; plus les salariés sont âgés et plus ils seront susceptibles d’avoir des ennuis de santé.
Mais le document pointe également des conditions de travail de plus en plus pénibles : hausse de la charge mentale, pression accrue, objectifs de performances avec des moyens réduits, secteur en tension, ou télétravail mal encadré. La meilleure reconnaissance des troubles psychiques, comme le burn-out, et la diminution des tabous autour de la santé mentale permettent aussi des soins plus efficaces et donc plus de recours à l’arrêt.
Des solutions à mettre en place
Avec des salariés plus sensibles à leurs droits, la doxa néolibérale consistant à demander aux gens de « faire des efforts » et « prendre sur soi » pour nous se sauver de la crise risque donc d’avoir bien plus de mal à prendre.
Contrairement à ce que laisse entendre la petite musique venue du gouvernement qui enjoint à se serrer la ceinture et à se sacrifier pour surmonter la dette, la véritable solution résiderait plutôt dans le fait de drastiquement améliorer les conditions d’exercice de nos emplois.
Ainsi, il devient non seulement indispensable de rehausser les revenus, mais aussi d’allouer plus de moyens matériels pour mener à bien nos activités professionnelles. En outre, la diminution des arrêts maladie passe inévitablement par la décroissance des heures à la tâche, ce qui engendrerait moins de pathologies et d’incapacité. Ce qui nécessiterait donc moins d’argent public à avancer dans le chômage, le RSA ou les congés maladie. Réduction du temps de travail hebdomadaire, augmentation de la durée des vacances et abaissement de l’âge de départ à la retraite sont autant de pistes incontournables pour parvenir à ce but.
Le droit au repos
Des solutions pourtant aux antipodes de ce que propose la Macronie qui souhaite plutôt voir les Français travailler encore plus dans tous les secteurs. Faire porter le chapeau des crises aux « travailleurs paresseux » reste d’ailleurs le seul argument pour prendre ce chemin. À rebours de l’Histoire, cette politique mortifère n’existe en réalité que pour servir les intérêts de la classe bourgeoise et elle conduit la planète et l’humanité vers le précipice.
Le droit à la dignité et au repos des salariés devra cependant être défendu par les principaux concernés. Sous peine de voir ses conditions de vie une nouvelle fois se dégrader sous le poids des mensonges néolibéraux.
– Simon Verdière
Photo de couverture : Pexels
